Après un mois de compétition, le terrain a rendu son verdict. Si le succès de la compétition fut incontestable auprès du public et des médias, le suspense lui ne fut pas vraiment au rendez-vous puisque c’est l’équipe présentée comme la grande favorite, les Etats-Unis, qui remporte l’épreuve après un parcours somme toute relativement tranquille. Heureusement, le niveau global du tournoi, l’ambiance autour de l’événement ainsi que certaines surprises furent autant de raisons de se passionner pour cette coupe du monde. Retour donc sur le parcours de la Norvège et de la Suède lors de cette édition de la coupe du monde 2019 en France.

La Norvège, quart de finaliste en trompe-l’œil ?

Le parcours : 2e de sa poule derrière la France, défaite en ¼ de finale contre l’Angleterre

Avant le début de la coupe du monde nous disions que le tournoi serait celui du rachat ou des doutes pour les Grasshoppers norvégiennes, au final il n’est pas sûr que la présence en ¼ de finale des coéquipières de Maren Mjelde suffise à lever les interrogations mêmes si elles n’ont pas à rougir de leur parcours. Force est de constater que la Norvège n’a réussi à s’imposer contre aucune des « grandes » nations qu’elle a croisées et que ses 2 victoires ont été acquises contre des adversaires assez loin du top niveau mondial, même si les prestations du Nigéria contre la France et la Corée du Sud tendent à réévaluer le niveau de cette équipe.

Bien qu’assez différentes dans leur contenu les 2 défaites contre la France et l’Angleterre soulignent les mêmes manques. Tout d’abord une faiblesse du côté gauche illustrée par les difficultés de la joueuse de Wolfsburg Kristine Minde tout au long du tournoi. Cela provient bien sûr de la qualité de l’opposition, Minde ayant dans les 2 cas fait face aux joueuses les plus dangereuses et percutantes de leur équipe que ce soit Diani avec la France ou Parris et Bronze pour l’Angleterre. Mais ces difficultés proviennent également d’un certain déséquilibre dans l’équipe, la joueuse alignée en milieu gauche, Guro Reiten, étant plus portée vers l’attaque et ne venant pas assez soutenir Minde dans les tâches défensives comme peut le faire Naevik à droite. Manque de soutien que n’a pu compenser Engen.

Une autre des difficultés norvégiennes mise en lumière par le tournoi fut paradoxalement ce qui était considéré comme une de leur force à savoir la charnière centrale Mjelde/Thorisdottir. Si les 2 défenseures de Chelsea sont toujours aussi solides dans les duels leur manque de vivacité peut devenir problématique contre des attaquantes très mobiles et multipliant les appels comme l’ont montré Ellen White et Nikita Parris, et dans une moindre mesure Sam Kerr, et ne peut toujours être compensé par leur intelligence de jeu. Enfin, une des dernières faiblesses norvégiennes, mais non la moindre, mis en lumière par cette coupe du monde est le manque global de maîtrise technique. Traditionnellement la Norvège a toujours pratiqué, comme chez les hommes d’ailleurs, un football très direct et vertical. Cette coupe du monde a montré, par comparaison notamment avec le jeu produit par des équipes comme l’Angleterre, les Pays-Bas ou bien sûr les Etats-Unis, que cette approche était de plus en plus difficile à soutenir.

Le tournoi a montré que la Norvège reste encore très dépendante dans la construction du jeu de quelques joueuses et l’on a vu, avec Caroline Graham Hansen notamment, que lorsque celles-ci ne sont pas au meilleur de leur forme tout le jeu de l’équipe s’en ressent. De même l’approche prudente et plutôt défensive mise en place par le coach Sjogren et symbolisée par le peu de temps de jeu de Lisa-Marie Utland, pourtant meilleure buteuse de l’équipe lors des éliminatoires, si elle se base sur les qualités traditionnelles de l’équipe et a permis de la rendre difficile à battre, a montré ses limites contre les nations du haut niveau mondial. Alors que la 1ère mi-temps du match contre la France notamment a montré que les Norvégiennes avaient sans doute les moyens de poser des problèmes à leurs adversaires avec un jeu plus ambitieux.

La révélation :

Guro Reiten : la nouvelle recrue de Chelsea a commencé son tournoi tambour battant avec un but et une passe décisive dès le 1er match. Si elle n’a ensuite plus marqué elle a enchaîné les bonnes prestations sur son côté gauche, n’hésitant jamais à combiner et provoquer. Elle a en outre montré qu’elle savait prendre ses responsabilités en participant à la séance des tirs au but contre l’Australie et fut une des seules norvégiennes à tenter des choses contre l’Angleterre.

Reiten a joué un rôle clé dans la séance de pénalty face aux Australiennes pour une place en quart de finale. Chelsea peut être heureux d’avoir recruté la norvégienne avant CDM. Crédit photo : Instagram Reiten.

Les satisfactions :

Isabell Herlovsen : l’attaquante de 31 ans s’est encore rapprochée du record de but en sélection et son but contre l’Australie a montré qu’elle n’avait pas besoin de beaucoup d’occasions pour être décisive.

Karina Naevik : pas titulaire lors du 1er match, la joueuse de Kolbotn a fait son apparition dans le 11 titulaire contre la France afin de muscler le milieu norvégien. Elle s’est non seulement parfaitement acquittée de sa tâche mais sa combativité et son apport offensif dans ce match et les suivants a grandement aidé son équipe.

Caroline Graham Hansen : la nouvelle recrue du Barça a encore montré qu’elle était bien la leader technique de sa sélection. Elle a montré des gestes de grande classe et son superbe tir contre l’Australie aurait mérité un meilleur sort et aurait pu augmenter encore son bilan de 1 but et 1 passe décisive.

Les déceptions :

Kristine Minde : même si, comme nous l’avons souligné plus haut, la joueuse de Wolfsburg a souvent été confrontée aux meilleures joueuses adverses elle a trop souvent été débordée sur son côté gauche et n’a jamais pu soulager son équipe dans les moments difficiles.

La charnière centrale : toujours aussi solide dans les duels et dans les airs, la charnière Mjelde/Thorisdottir a montré des limites inquiétantes contre des attaquantes rapides, permutant beaucoup et multipliant les appels, comme l’a montré le match contre l’Angleterre mais également la 2nde mi-temps contre la Corée.

Caroline Graham Hansen : si la néo-barcelonaise se retrouve paradoxalement également dans les déceptions cela est dû à son rendement dans les « grands » matchs. Elle s’est peu à peu éteinte après une bonne mi-temps contre la France et n’a pas pesé du tout contre l’Angleterre malgré une occasion d’égalisation. On attend mieux d’une joueuse de sa classe dans ce genre de matchs décisifs.

La Suède, confirmation d’une grande nation de football féminin :

Le parcours : 2e de sa poule derrière les Etats-Unis, défaite en ½ finale contre les Pays-Bas et victoire contre l’Angleterre dans le match pour la 3e place.

Le bilan de cette coupe du monde 2019 est très nettement positif pour les Blagult. Sans faire partie des équipes favorites avant la compétition les suédoises sont allées jusqu’en demi-finale et ont accroché la 3e place, avec au passage des victoires sur des nations de l’élite mondiale (Canada, Allemagne, Angleterre). Elles ont également fait jeu égal avec les Pays-Bas, qui faisaient nettement figure d’épouvantail depuis leur sacre à l’Euro, dans un match qui aurait très bien pu tourner en leur faveur. La victoire contre l’Allemagne en ¼ de finale restera très clairement comme le grand moment de leur tournoi, et un grand moment de cette coupe du monde en général.

En effet, outre le fait d’avoir enfin battu une nation qui les avait systématiquement éliminées lors de leurs confrontations en tournois majeurs depuis 24 ans et qui était considérée par tous les observateurs comme une des favorites, ce match a illustré toutes les qualités de cette équipe. Un bloc équipe très solide dans lequel personne ne rechigne aux efforts défensifs et capable d’un pressing intense et cohérent, une bonne maîtrise technique dans toutes les lignes qui permet aux joueuses de se sortir de situations difficiles et de relancer proprement et enfin une capacité à se projeter très vite dans la profondeur et à exploiter rapidement leurs occasions.

S’il faut ressortir un point négatif ce serait peut-être la difficulté de l’équipe à prendre véritablement le jeu à son compte. Habituées à un schéma de jeu préférentiel qui les fait évoluer plutôt en contre les joueuses peuvent avoir plus de difficultés à se créer des occasions en phase de possession et contre des équipes jouant très bas comme l’ont montré les matchs contre le Chili, où il a fallu attendre les dernières minutes pour voir les suédoises marquer, et contre les Pays-Bas où, à la surprise générale, elles ont presque fait jeu égal avec les néerlandaises dans la possession mais ont eu du mal à se créer des situations franches de but. Un autre défi attend maintenant la Suède avec le départ probable de plusieurs cadres « historiques (Seger, Sembrandt, Lindahl voir Fisher) qu’il va falloir remplacer.

La révélation :

Fridolina Rolfo : si elle n’est plus une débutante et avait déjà participé au bon parcours lors des J.O 2016 ainsi qu’à l’Euro 2018, l’attaquante du Bayern Munich a montré en France tous les progrès réalisés. Très remuante sur son côté gauche, elle n’a cessé de combiner avec ses attaquantes et a contribué à accélérer le jeu suédois chaque fois qu’elle a joué. Très généreuse, elle a également multiplié les replis et les courses défensives. Son tournoi s’est malheureusement moins bien terminé avec une suspension qui lui a fait louper la ½ finale et une blessure prématurée lors du match pour la 3e place.

Les satisfactions :

Le collectif : la 1ère chose qui ressort du parcours suédois c’est en effet la cohésion du groupe. Toutes les joueuses, titulaires comme entrantes, ont fait les efforts nécessaires à la mise en place du pressing et de l’impact physique à la base du jeu de l’équipe. Elles se sont également montrées très solidaires, notamment dans les moments difficiles, chacune venant prêter main forte à ses coéquipières. L’équipe semble en outre assez équilibrée et sans véritable point faible, que ce soit en phase offensive ou défensive.

Kosovare Asllani : annoncée comme le leader technique de l’équipe l’ancienne joueuse du PSG n’a pas déçu. Très à l’aise ballon au pied et capable de gestes de grande classe la meneuse d’origine Kosovarde a servi de rampe de lancement pour ses attaquantes mais a également su terminer elle-même les actions comme le montre ses 3 buts dans le tournoi.

Sofia Jakobsson : nous l’avions annoncée comme très motivée après avoir ratée l’Euro sur blessure…et ce fut bien le cas. La Montpelliéraine a été un danger permanent sur son côté droit par sa vitesse et ses appels. Elle a également pu faire admirer sa belle qualité de frappe. Elle n’a marqué que 2 buts mais ils ont été à chaque fois décisifs et son match contre l’Allemagne fut remarquable. Elle repart avec 2 trophées de joueuse du match sous le bras (tout comme Asllani) ce qui montre bien la qualité de son tournoi.

Hedvig Lindahl : à 36 ans la gardienne de Chelsea a encore montré quel rempart elle pouvait être. Très à l’aise dans les airs, ses très bons réflexes lui ont permis de sortir son équipe de nombre de situations dangereuses. Et puis quel arrêt sur le pénalty de Beckie….

Un superbe arrêt qui a rappelé le grand Thomas Ravelli aussi lors d’une Coupe du Monde en 1994. Crédit photo : Instagam Lindhal / Getty Sport.

Les déceptions :

Difficile de désigner des déceptions dans le collectif suédois après ce parcours. S’il fallait vraiment ressortir quelque chose on pourrait peut-être regretter le faible apport offensif de Lina Hurtig. Remplaçante de Fridolina Rolfo sur le côté gauche suédois elle a eu l’occasion de beaucoup rentrer en jeu et, si elle s’est toujours parfaitement acquittée du travail défensif, n’a que trop peu apporté le danger offensivement, elle qui est pourtant attaquante de formation et un des atouts offensif de son club de Linköping.

Un formidable parcours récompensé par le peuple suédois au retour des joueuses au pays.

Article écrit par Arnaud Vayssade.

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