Dans une autonomie partielle concédée, le Grand-Duché de Finlande se voit tant tôt restreindre, tant tôt octroyer de nouveau droit. Son passage de la Suède sous la souveraineté russe lors du traité de Fredrikshamm de 1809, précédé par des batailles entre les Empires, a entrouvert curieusement la voie vers une identité et un espace national finlandais. Bien qu’incertaine et au bon gré du tsar, la Finlande prononcera son indépendance près d’un siècle plus tard.

Au cours de ce siècle, la Finlande est encore sous le folklorisme et l’Église. Pourtant, le tsar Alexandre II entrouvre la voie vers le libéralisme. D’autant que l’influence des nations européennes est grandissante en Finlande à cause des différents conflits. De là, un besoin de développer une identité débute. Des débats portent principalement sur la langue finnoise, soutenu par exemple par le mouvement fennomane. Les associations sportives sont en moyen d’exprimer cette indépendance. Les premières sont créées dans les années 1850. Elles deviennent plus nombreuses dans les années 1880. On dénombre 341 clubs de volontaires à organiser la vie associative sportive du Grand-Duché en 1900. La Finlande va alors participer pour la première fois à des compétitions à l’étranger. Tout d’abord, une compétition de ski en 1892 à Stockholm. Le football n’est pas pour autant un sport populaire.

A partir de 1899, le tsar décrète plusieurs manifestes dans lesquelles le pouvoir impérial russe a le droit d’exercer ses droits sans l’accord des pouvoirs législatifs finlandais et d’imposer le russe comme langue officielle. La résistance se renforce en passant par des pétitions et des grèves. Entre 1903 et 1905, la censure est durcie, des purges des pouvoirs politiques sont organisées pour donner des pouvoirs plus larges au gouverneur général Bobrikov favorable à la Russie. L’assassinat de ce dernier en 1904 et la guerre russo-japonaise de 1905 donnent un coup d’arrêt à cette vague de russification.

A partir de 1905, la russification est à l’arrêt

Dans cette période décisive, plusieurs organisations sont créées, dont certaines à l’échelle de la Finlande. Elles ont néanmoins des pouvoirs restreints. Le 11 mars 1906, la SVUL (Suomen Valtakunnan Urheiluliitto) est fondée après les grandes grèves. Plus tôt, à la fin du 19e siècle, des tentatives avaient été faites pour créer une fédération sportive finlandaise. Viktor Damm a tenté de créer une fédération sportive des travailleurs de langue finnoise en 1897 et Ivar Wilskman une fédération sportive générale bilingue en 1899, mais les deux tentatives ont échoué. Lors d’une réunion tenue en juin 1900 sous la présidence de Wilskman, l’Association finlandaise de gymnastique et de sport de langue finnoise a été créée, mais elle n’a pas reçu l’approbation du Sénat. Elle a donc dû fonctionner de manière informelle.

Cependant, l’association a organisé deux festivals de gymnastique générale, en 1900 à Helsinki et en 1903 à Vyborg. L’association n’était pas tant une organisation sportive de compétition, mais servait de liaison avec les clubs sportifs d’Helsinki, Tampere et Vyborg à l’époque. Le besoin de définir les règles du sport de compétition s’est rapidement fait sentir et il y avait aussi une volonté de rendre le syndicat bilingue. Les discussions sur la formation d’un nouveau syndicat ont commencé à la fin de 1902. La grande grève de 1905 a suffisamment réuni le peuple pour qu’Ivar Wilskman réussisse à faire passer son idée originale d’un syndicat bilingue. Au début de 1906, l’association de langue finnoise est supprimée et remplacée par la SVUL bilingue. Dans le même temps, la position des sports de compétition s’est renforcée. La SVUL avait pour objectif de promouvoir autant de culture de sport différent que possible en Finlande, dont la gymnastique, l’athlétisme, la lutte et le ski. La Finlande participe aux Jeux Olympique intercalaire de 1906

Par ailleurs, le football connait un essor dans le sud du pays. Tout en restant localisé dans quelques villes. En 1907, l’association de football est créée. Ces mouvements dans le football finlandais sont multiples. On les retrouve dans les grandes bourgades, comme à Helsinki où plusieurs clubs sont fondés à la suite de divergences politiques. Par exemple, la création du Club de sport Unitas en 1905. Le premier match officiel international d’un club finlandais se joue à Kaisaniemi à Helsinki le 9 septembre 1906, opposant Unitas et un club de Saint-Pétersbourg. La section de football du HIFK est créée en 1907. La même année, le HJK est fondé. Les débats sur la langue au cours du siècle précédent se retrouvent activement dans ces différents clubs. Le HJK convient d’utiliser le finnois, ce qui accroît l’opposition avec Unitas et HIFK qui sont davantage proches de la culture suédoise. Avec le retour de la russification à partir de 1908, le HJK en vient même à soutenir le mouvement fennomane en portant ses couleurs bleu et blanc.

Premier match officiel de Unitas en 1907 à Kaisaniemi.

En 1907, le comité international olympique (CIO) autorise à cinq nations non indépendantes de participer aux prochains Jeux Olympiques de Londres. L’Australasie, la Bohême, l’Afrique du sud, le Canada et la Finlande pourront être représentés. Leur participation tient au critère que ces régions ont développé une culture sportive suffisante. Les associations sportives, mais aussi des médias comme Finskt Idrottsblad en 1904 ou Kisakenttä en 1911, se développent. Mais c’est aussi une occasion pour la Finlande de se détacher davantage de l’Empire russe.

La Finlande participe aux Jeux Olympiques de 1908 sans footballeurs. Le premier match officiel de la Finlande se déroule seulement en 1911 contre la Suède à Helsinki. Les suédois gagnent 5-2.

Une nouvelle vague de russification

La période de russification a tendance à resserrer l’emprise de la Russie sur la Finlande. La visibilité internationale accordée au Grand-Duché de Finlande en 1908, a fait prendre conscience à la Russie d’empêcher une nouvelle participation distincte de la Finlande. Une situation similaire avec la Bohême sous l’Autriche-Hongrie. La participation du Grand-duché finlandais est incertaine. Elle ne tient qu’au bon vouloir de la Russie et de la Suède organisateur de l’évènement. Ces deux voisins prépotents conviennent que la Finlande participerait aux Jeux Olympiques de 1912 sous le drapeau russe, en défilant derrière l’Empire.

Le Comité Olympique finlandais et la SVLU étaient opposés à envoyer des footballeurs en Suède, le football n’était pas encore assez populaire. L’équipe a donc dû d’elle-même financer le voyage. Des collectes de fonds et des dons permettent aux athlètes d’aller de l’autre côté de la mer Baltique, mais aussi d’organiser des matchs de préparation en Russie.

Le sport comme moyen d’expression

Lors du défilé d’ouverture, le Comité Olympique finlandais provoque ses voisins. Les couleurs du drapeau bleu et blanc du club de gymnastique Gymnastiksföreningen för Fruntimmer i Helsingfors est au côté des athlètes portant des uniformes marqués d’armoiries de lion tricoté sur le devant des chemises ou des manches comme symbole national. La Russie et la Suède protestent de voir la Finlande délibérément défiler avec des signes finlandais.

La Finlande lors du défilé. Sports Museum of Finland

L’équipe finlandaise de football était la plus petite des Jeux, avec quinze joueurs, dont deux étaient gymnases, Lauri Tanner et Kaarlo Soinio. La plupart d’entre eux jouaient pour des équipes d’Helsinki, HJK, HIFK et KIF. La Finlande joue avec des maillots rouges empruntés à l’HIFK. La Finlande est représentée par Uno Westerholm, un influenceur sportif finlandais qui a fondé le journal sportif Finskt Idrottsblad et participé à la création de l’association du football finlandais.

Le tournoi est composé de onze équipes, dont six s’affrontent dans un premier tour. Les trois premiers se qualifient pour la phase finale en rejoignant les cinq autres équipes. La Finlande débute les huitièmes de finales face à l’Italie le samedi 29 juin. C’est le troisième match officiel de l’histoire du football finlandais. Le match a lieu à Traneberg dans la banlieue ouest de Stockholm. Ce sont deux cultures du football différentes et inconnues qui s’opposent dans une chaleur éprouvante où les seaux d’eau bordent le terrain. Les Finlandais dans un style de jeu offensif et rapide marquent dès les premières minutes avec Öhman. Les Italiens marquent à deux reprises. Puis, Soinio marque en fin de première mi-temps, le plus jeune buteur de l’équipe de Finlande A, à 17 ans. Les prolongations s’approchent alors que les deux équipes sont toujours à 2-2. A la 105ème minute, la Finlande marque le but de la qualification. Des médias rapportent que Niska est le buteur, mais d’après la description de la rencontre, c’est Wiberg le buteur, servi par Niska qui se trouvait près de la ligne de touche.

Une journée après un match harassant, le dimanche matin à 10H, les finlandais sont de retour sur la pelouse pour affronter la Russie. Les Russes n’ont pas encore joué de match et n’ont donc pas accumulé de fatigue. Mais les Finlandais connaissent leur adverse après leur tournée de préparation et les russes font partie des équipes les plus faibles du tournoi. Près de 200 spectateurs sont présents à Traneberg. Les finlandais domineront le match. Le premier but est attribué à Nyyssönen dans le rapport du match, à Wiberg par les médias finlandais. Les Russes reviendront à égalité en fin de match, mais les finlandais remarquent quelques minutes après par Öhman. Dans le centre de Stockholm, Finland Vunnit (La Finlande a gagné en VF) est inscrit sur le tableau d’affichage. C’est bien une victoire avec des conséquences politiques que les finlandais viennent de réaliser.

Après un jour de repos, les Finlandais doivent affronter en demi-finale la Grande-Bretagne, dominant le football du début du siècle. La défaite de la Finlande est attendue, mais les 4000 spectateurs du stade olympique de Stockholm ont été surpris de voir la Finlande rivaliser contre les Anglais, après avoir renforcé leur défense et malgré une défaite 4-0. L’équipe anglaise bien plus expérimentée gagnera le tournoi. Keppari Soinio déclarera plus tard à propos du joueur de Chelsea Vivian Woodward.

« Une fois qu’il a pris possession du ballon, alors vous devriez voir quel genre d’artiste de football Vivian Woodward est vraiment. Comme un chat, il joue avec le ballon, trompe un adversaire, un autre, puis envoie magistralement le ballon à l’un de ses partenaires ou le tire à une vitesse fulgurante vers le but de l’adversaire. »

La petite finale se déroule face aux Pays-Bas. Mais les Finlandais ne sont pas informés de la date de la rencontre, ils se présentent au stade de Råsunda après avoir fêté leur tournoi la vieille. Ils perdent 9-0.

Équipe olympique finlandaise de 1912. De gauche à droite, Lars Schybergson, Bror Wiberg, Knut Lund, Eino Soinio, Artturi Nyyssönen, August Syrjäläinen, Algoth Niska, Jarl Öhman, Jalmari Holopainen, Ragnar Wickström, Gösta Löfgren et Kaarlo Soinio.

Les 164 athlètes finlandais récoltent au total neuf médailles d’or, huit d’argent, neuf de bronze. Ce succès, dont l’athlétisme et la lutte ont été les principaux contributeurs, a permis à la Finlande de se faire connaître au-delà de la Suède. Alors que les Jeux Olympiques précédents avaient été dominés par les États-Unis et le Royaume-Unis, la Suède se classe deuxième, la Finlande quatrième. Les deux nations nordiques se hissent parmi les grandes nations. Les reporters anglo-saxons auront été nombreux à Stockholm. La compétition est suivie par plus de 400 journalistes étrangers et retransmise par des moyens de communication en développement en Europe et jusqu’aux côtes américaines. Les Finlandais ont même pu suivre ces Jeux Olympiques grâce à des enregistrements rapidement livrés dans le Grand-Duché.

Ces cinquièmes Jeux Olympiques modernes auront été pour certains un moyen d’unir les Finlandais par les succès de ses athlètes. Mais plusieurs controverses ont eu lieu. D’une part sur la langue de nouveau, certaines disciplines, comme les gymnases, parlaient en suédois. D’une autre part, des partis politiques opposés au nationalisme finnois s’insurgeaient dans la presse du pays sur la promotion du capitalisme par le sport.

Bien que cette période d’ouverture de la Finlande ait été essentielle pour les années qui auront amené la nation en formation vers les chemins de l’indépendance, la russification grandissante ralentira ces mouvements. Le Grand-Duché de Finlande est interdit de participer aux Jeux Olympiques de 1916 qui auront été annulés par la Première Guerre mondiale. Leurs deux prochains matchs internationaux se dérouleront deux ans et cinq après les Jeux Olympiques de 1912. Seuls Eino Soinio, Ragnar Wickström et Jarl Öhman auront joué d’autres matchs internationaux. Les joueurs de l’équipe finlandaise sont peu à avoir poursuivi dans le football. Eino Soinio en fait partie, il a gagné neuf titres de champion de Finlande avec le HJK et HPS. Bror Wiberg sera recruté par un club de Saint-Pétersbourg. Il marquera lors du premier championnat de football russe en automne 1912 et le remportera. En 1915, le terrain de Töölö est construit pour permettre aux joueurs de jouer sur l’herbe. Ce projet mené par Erik von Frenckell servira à l’équipe nationale après l’indépendance.

Au-delà de la médiatisation des Jeux Olympiques modernes, c’est un lien avec les jeux antiques que l’on peut observer. La Finlande, comme avant-poste de l’Occident dans l’Empire russe, et les guerres en Grèce et en Perses pendant l’Antiquité. A travers les héros sportifs finlandais de ces Jeux, le sport, dont le football a été un moyen d’expression dans un Grand-Duché de plus en plus immobilisé par la russification. La Finlande a pu aborder des questions politiques délicates.

Image à la Une: Official Olympic Repor

Laisser un commentaire