Après vous avoir proposé le portrait de son grand frère Michael, Nordisk Football revient à travers sa rubrique rétro sur le parcours d’un autre grand talent danois, l’autre Laudrup : Brian.

Pas facile d’être un « fils de ». En particulier, dans le football. Une lourde pression, bien souvent médiatique, s’accumule sur les frêles épaules des héritiers. Compliqué de faire aussi bien que le paternel. Et également de faire aussi bien que son aîné. Pourtant, le jeune Brian a réussi une très belle carrière.

Le football dans le sang : de famille

Né en 1969 à Vienne, en Autriche, Brian est issu d’une famille de footeux. À l’époque, son père évolue avec le club de Wiener SC. International danois entre 1967 et 1979, Finn Laudrup joue comme attaquant. Son oncle Ebbe Skovdahl est un entraîneur réputé, notamment avec Brøndby. Après deux saisons en Autriche, Finn Laudrup rentre au pays et signe avec Brønshøj BK. Puis à Brøndby.

Brian et Michael aux côtés de leur père Finn dans les années 80. Crédit photo : Heine Pedersen

Naturellement, le jeune Brian débute le football sous les couleurs des Drengene Fra Vestegnen. Il poursuit toute sa formation dans le club de la banlieue ouest de Copenhague jusqu’en 1986, date de ses premières apparitions en pro. Le poids de la renommée familiale est pesante mais les qualités du jeune attaquant percent au grand jour.

« D’abord, j’étais « fils de », car mon père était un excellent joueur, Michael est arrivé et a fait une telle carrière qu’il est considéré comme le meilleur joueur que le Danemark ait jamais eu. Pour moi, c’était très dur quand j’étais jeune, « Brian, le frère de Michael ». J’en étais affecté. »

D’abord en concurrence avec les internationaux danois Claus Nielsen et Bent Christensen pour une place dans le XI de départ, il gagne sa place et forme un excellent duo avec Nielsen. D’ailleurs, Brøndby remporte le championnat en 1987 et 1988. Pourtant, au milieu de l’année 1989, le contrat du jeune Brian arrive bientôt à expiration. Il accepte de rejoindre le club allemand du Bayer Uerdingen, club soutenu financièrement par la firme chimique et pharmaceutique Bayer (comme Leverkusen). Néanmoins, son transfert est l’objet d’un litige financier entre Brøndby et Finn Laudrup, père et agent de Brian. Arbitrée par la fédération danoise, cette affaire est définitivement réglée en mars 1990.

Première expérience à l’étranger

En Allemagne, Brian découvre un nouveau championnat. Une nouvelle culture. Et pour une première expérience à l’étranger, Brian arrive dans un club où la pression du résultat est relativement faible. Il peut également compter sur la présence de son compatriote Jan Bartram pour faciliter son adaptation. Sans trop de pression, il réalise de bonnes prestations.

Elles sont saluées à sa juste valeur par le magazine sportif allemand Sport Bild. Considéré par ce même magazine comme la meilleure recrue pour la saison 1989/90 devant les espoirs allemands : Stefan Kuntz et Thomas Strunz. Il est aussi nommé meilleur joueur danois de l’année 1989. Il rejoint ainsi son frère Michael au palmarès (lauréat en 1982 et 85). Cependant, devant le manque d’ambition du club de Rhénanie-du-Nord–Westphalie, Brian Laudrup demande et obtient son transfert vers le Bayern Munich.

« Brian était le joueur le plus cher de la Bundesliga quand le Bayern Munich l’a acheté. En valait-il la peine ? Absolument. Il méritait son salaire. Comme son frère, Michael, il était un joueur de classe mondiale et il a vraiment aidé le club pendant qu’il était ici. C’était une bonne période pour les spectateurs avec Brian et Effenberg, même si ce n’était peut-être pas la plus fertile. Nous n’avons gagné aucun titre. » – Franz Beckenbauer

Recrue la plus chère de Bundesliga de l’époque, Laudrup fait sensation sous ses nouvelles couleurs. Pour sa première saison, il score à neuf reprises en trente-trois apparitions. Second de Buli et demi-finaliste de la Coupe des Clubs Champions, Brian s’attire les louanges de la presse et du public. Néanmoins, malgré un début de saison 1991/92 éblouissant, il se blesse gravement au genou droit (rupture du LCA) en août 1991. Absent une bonne partie de l’année, il assiste impuissant à l’échec sportif de son équipe.

Brian Laudrup et le Bayern, un passage qui aurait pu rester encore plus dans l’histoire mais qui se sera mal terminé.

En décembre 1991, il critique publiquement la politique sportive des nouveaux dirigeants du club : Franz Beckenbauer et Karl-Heinz Rummenigge. De retour sur les terrains en février 1992, il prend part aux quinze derniers matches de championnat. Le Bayern échoue à une inhabituelle dixième position. En dépit de sa longue absence et du mauvais classement du Bayern, Brian est à nouveau reconnu comme le meilleur joueur danois de la saison. Mais le divorce entre les deux parties est consommé. Laudrup s’envole donc vers l’Italie, direction le meilleur championnat européen à cette époque.

Pas la Dolce Vita

Il débarque à Florence. Sous le maillot de la Viola, le scandinave rejoint Stefano Pioli, son ex-coéquipier munichois Stefan Effenberg et le goleador argentin Gabriel Batistuta. Malgré ces présences talentueuses et la pratique d’un football ouvert, fluide et offensif lors de la première partie de saison, les florentins subissent une relégation inattendue. Après un demi-siècle de présence en Serie A. Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Et le Milan en profite pour récupérer en prêt l’attaquant danois pour l’exercice 1993/94.

« Il est meilleur que son frère au même âge. » – Michel Platini

Mais l’expérience avec le Diavolo s’avère être un échec retentissant. Confronté à la faible rotation imposée par Fabio Capello, à sa tactique défensive et à la règle des trois étrangers en vigueur à l’époque, Brian ne joue pas beaucoup. La concurrence est énorme. Le club compte sept étrangers (Laudrup inclus) dans son effectif : Zvonimir Boban, Marcel Desailly, Jean-Pierre Papin, Florin Răducioiu, Dejan Savićević et Marco van Basten. Son bilan est de neuf matches pour un but en Serie A. Le danois joue quasiment autant en Coupe d’Europe. Vainqueur du Barça en finale, les rossoneri remportent l’édition 1994 à Athènes. Mais sans Brian.

Encore sous contrat jusqu’en 1996 avec la Fiorentina, Brian Laudrup décide de ne pas retourner en Toscane. C’est un nouveau départ. Cette fois, il se dirige vers la Grande-Bretagne et l’Écosse.

Scotland calling

Sa porte de sortie se trouve à Glasgow chez les Rangers. Sous le ciel gris et nuageux écossais et grâce à la superbe ambiance de Ibrox, Brian va s’épanouir rapidement. Fortement désiré par le manager écossais Walter Smith, Laudrup trouve un nouveau club ambitieux et avec les moyens de ses ambitions. Et le technicien des Gers lui donne une totale liberté offensive dans son dispositif tactique. Son nouveau partenaire Ally McCoist résume bien la nouvelle philosophie prônée par Smith suite à l’arrivée du danois :

« Nos instructions étaient simples. Donne la balle à Brian et sors de sa route quand il l’a. »

Brian Laudrup bien plus qu’une légende pour les Rangers.

Grâce à son élégance, ses prises de balle précises, sa créativité, ses qualités de dribble, son altruisme, son excellente vision et sa vitesse, il devient vite LA star de l’équipe. Et ses performances ne séduisent pas que les Écossais. À peine cinq mois après son arrivée, le Barça tente de chiper le joueur aux Rangers mais Brian Laudrup refuse net et explique sa décision à son coach médusé :

« Coach, je viens de recevoir une offre du FC Barcelone, si vous lisez la presse demain, sachez que je l’ai refusée. Je préfère rester ici, je suis heureux, j’aime notre manière de jouer, j’aime ma vie ici en Écosse, j’aime la mentalité des gens, ma famille est heureuse. »

Brian Laudrup aurait pu marcher dans les glorieuses traces de son frère mais aussi en s’exposant au jeu de la comparaison. Il préfère suivre sa propre route. Un choix payant. Avec les Rangers, il remporte consécutivement le titre en 1995, 1996 et 1997. Mais aussi la Scottish Cup en 1996 et la Scottish League Cup en 1997. Après quatre saisons couronnées de succès à Glasgow, ses meilleures années d’après lui-même, Chelsea le recrute à l’été 1998.

Fin de carrière précoce

Cette destination a failli être différente. Toujours en Angleterre. Mais un peu plus au nord ouest. En effet, Brian Laudrup aurait pu porter la célébrissime tunique des Red Devils mais comme il le raconte l’appel de Sir Alex Ferguson arrive un peu trop tard :

« J’ai dû lui dire qu’il avait appelé avec un jour de retard, parce que je venais de signer avec Chelsea. »

Malheureusement pour lui, l’expérience londonienne tourne au fiasco. Malgré ses qualités et son statut d’international, Brian se voit imposer le turn-over de Gianluca Vialli. Rapidement, il regrette son choix et essaie de quitter les Blues. En dépit de son mal être, Laudrup garde une attitude professionnelle et exemplaire. Il répond présent lors de ses rares apparitions sur le terrain. Et après seulement quelques mois, il rentre au pays pour une pige de six mois au FC København. Le FCK est l’un des rivaux de son ancien club de Brøndby. Il est accueilli « chaudement » par les fans lors de son retour au Brøndby Stadion.

« Brian Laudrup était un joueur incroyable. À l’entraînement, même si vous saviez exactement ce que Brian était sur le point de faire, vous ne pouviez toujours pas l’arrêter. Je me souviens que Stuart McCall a essayé de lui enlever le ballon huit ou neuf fois et qu’il ne pouvait pas s’approcher de lui, alors que Brian faisait le même dribble à chaque fois. » – Paul Gascoigne 

Finalement, submergés par de nombreuses offres de transfert, il quitte Chelsea pour rejoindre l’Ajax Amsterdam. Comme son frère, avant lui, deux ans auparavant. Dans la cité amstellodamoise, sous les ordres de son ancien coéquipier au Bayern : Jan Wouters désormais entraîneur, Brian Laudrup réalise une saison pleine avec trente et une apparitions et un total de treize buts en Eredivisie. Gêné par de nombreuses et récurrentes blessures, le danois doit interrompre sa carrière de joueur à l’âge de 31 ans. 

Brian Laudrup aura émerveillé les suiveurs du foot des années 90 notamment par sa grande capacité de dribble.

Avec les De Rød-Hvide

Dès 1984, il est appelé avec les U17, puis, avec les U19 et enfin les U21. Et en 1987, à seulement 18 ans, il connaît les honneurs de la sélection A pour un match contre la RFA (défaite 1-0). Inclus dans la liste pour l’Euro 88 en Allemagne, une fracture de la clavicule contractée lors d’un match amical contre l’Autriche l’empêche de participer à son premier tournoi international. 

Après sa guérison, il devient un pilier de l’équipe nationale dirigé par le nouveau sélectionneur Richard Møller Nielsen. Malgré de bonnes prestations lors de la phase éliminatoires (3 buts en 4 matches), le Danemark échoue à se qualifier pour le Mondial 1990. 

En novembre 1990, aux côtés de son frère Michael et Jan Bartram, il décide de stopper sa carrière internationale pour des divergences avec Møller Nielsen. Mais, à la différence de Michael, qui reviendra sur sa décision en août 1993, Brian Laudrup change d’avis et rejoue pour la sélection dès avril 1992. 

« Brian est comme mon miroir, il peut faire les mêmes choses que moi et encore mieux, ça fait du bien de jouer avec lui. » –  Michael Laudrup

Éliminé de la compétition mais repêché par l’UEFA, suite à l’exclusion de la Yougoslavie (guerre), le Danemark débarque en Suède sans pression. Organisé autour d’une solide défense et d’un fantastique Peter Schmeichel, les nordiques déjouent les pronostics et réalise un véritable exploit en remportant le tournoi. Personne n’aurait misé une seule couronne danoise (monnaie du pays) sur leur victoire. Si Brian ne marque qu’un seul but, son influence dans le jeu et son impact offensif sont l’une des raisons de ce succès inattendu. 

Avec ce titre européen, Brian se détache de son frère. À 23 ans, il se distingue de l’ombre pesante de son aîné. Ensuite, le Danemark rate l’édition 1994 de la coupe du Monde. Avec le retour en sélection de Michael, ils se qualifient pour l’Euro 1996. Mais ils ne parviennent pas conserver leur titre. Éliminés en phase de groupe par la Turquie.  

Le chef-d’œuvre intervient à l’occasion de la Coupe du Monde 1998. Les frères Laudrup réalisent une excellente compétition. Brian marque deux buts et réalise trois passes décisives. Il qualifie son pays en quart de finale contre le Brésil. Et face aux Auriverde, il ouvre le score d’une frappe limpide sous la barre. Sa célébration est encore dans toutes les mémoires. Malgré cette stat hallucinante : le Danemark n’avait encore jamais perdu quand Brian Laudrup avait inscrit un but, le Brésil élimine les Vikings (3-2). Il s’agit tout simplement de la meilleure performance du Danemark en Coupe du Monde. 

Une célébration mythique qui restera pour longtemps dans la mémoire collective.

Reconversion

Après la fin de sa carrière, il devient consultant pour des chaînes de télévisions danoises (Discovery Networks et TV3+) couvrant la Premier League, l’équipe nationale du Danemark et la la Ligue des champions. 

Parallèlement à ses activités médiatiques, il utilise son expérience pour ouvrir le « Laudrup & Høgh ProCamp ». Ce camp de football destiné pour les enfants en difficultés scolaires ou victimes de marginalisation est coaché par l’ancien gardien de but de l’équipe nationale Lars Høgh. 

En 2010, il annonce souffrir d’un cancer des ganglions. Et après trois mois de traitement, il sort vainqueur de son combat contre la maladie. Guéri, il retouche le ballon de temps en temps avec les Old Boys de Lyngby BK aux côtés de son frère Michael. 

« Je ne sais pas si j’aurais pu faire face à ceci sans avoir été sportif, car, évidemment, en tant que footballeur, vous avez l’habitude de faire face à la pression et vous avez l’habitude de croire en vous-même. » 

Brian Laudrup n’aura pas pris la même voie que son frère après la fin de sa carrière de joueur en choisissant d’être consultant plutôt qu’entraîneur. Mais il en a toujours la même passion intacte.

Article rédigé par @FriulConnection.

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