Il y a des passages de votre vie, des circonstances et influences qui vous marquent à vie et change l’homme que vous allez devenir. On peut le dire Guidetti en a connu avec une carrière déjà atypique, remplit de passages difficiles entre blessures et maladie, mais John revient toujours plus fort. Lui qui a eu la clavicule fracturée lors des matchs de pré saison cet été a réussi à revenir et aura à cœur de qualifier sa sélection pour le prochain mondial en Russie ce soir en barrages face à l’Italie, un pays où il a des racines par ses grand-parents.

En effet, Guidetti symbolise à lui seul la diversité : d’origines brésiliennes et italiennes (de ses grands-parents paternels) d’où son deuxième prénom Alberto, né en Suède, il a pourtant passé une grande partie de sa jeunesse en Afrique. 5 ans au cœur des bidonvilles du Kenya, le parcours de John Guidetti permet d’un peu mieux comprendre le personnage fort en couleur qu’il est. Retour sur le parcours de l’international suédois jusqu’à aujourd’hui :

Des terrains enneigés aux terrains de terre

John Guidetti est un fou de football dès son plus jeune âge, son plus grand rêve : devenir le plus grand joueur du monde. Toujours accompagné du ballon rond, même en l’hiver glacial, il va rejoindre l’un des meilleurs clubs formateurs de Suède, Brommapojkarna.  Néanmoins il n’y restera que 4 ans de ses 6 ans à 10 ans, ne pouvant pas finir sa formation dans son pays. La raison ? Son père, Mike, va devenir professeur au Kenya pour un projet scolaire dans une école où il va y partir avec sa famille dont le jeune John alors âgé de 10 ans.

Environ à 12 000 km de sa terra natale, John s’adapte très vite à la nouvelle culture qu’il doit découvrir. Et cela grâce au football qu’il continuera d’abord à l’académie d’Impala, situé dans le bidonville de Kibera qui est le plus grand d’Afrique orientale. Grâce à sa passion du ballon rond, il se mélange facilement avec ses coéquipiers, notamment en devenant un membre très populaire au sein de l’équipe et un exemple.

L’une des plus belles photos montrant bien que le football réunit. Guidetti à l’âge de 10 ans avec ses coéquipiers de l’académie de Kibera, | Photo de Lars Pehrson.

« Avec Guidetti, nous avons remporté un tournoi et atteint deux finales. John était le clown de l’équipe, toujours à faire des blagues. Il se distinguait déjà; ses coups francs étaient super, il était encouragé par ses coéquipiers à tout moment et avait toujours faim de gagner.

John Guidetti est notre garçon, pour toujours. Nous le suivons toujours. Guidetti est très populaire ici au Kenya, son parcours inspire. Mes doigts sont croisés pour John et la Suède pour qu’ils aillent à la Coupe du Monde 2018. »

Propos recueillis auprès de Tiras, ancien coach ayant entraîné Guidetti à l’Impala Brommapojka de 2003 à 2004.

Tiras Waiyaki, ancien coach des jeunes de l’Impla Brommapojkarna et coach personnel de John, à droite de John Guidetti

Il y restera un an avant de rejoindre le Mathare United, un autre bidonville de Nairobi la capitale, et enfin le club de Ligi Ndogo. Il aura fait 3 clubs en 5 ans passé au Kenya, un passage qui l’aura marqué à vie et sensibilisé à la pauvreté et à l’entraide à l’aide du sport collectif et mondial qu’est le football.

« Cette période a été très importante pour mon développement, à la fois sur et hors du terrain. J’ai joué au foot pieds nus dans les bidonvilles de Nairobi et je suis entré en contact avec les populations locales et leur culture. J’ai toujours un lien étroit avec le Kenya et à chaque fois que je retourne là-bas, je reçois toujours un accueil chaleureux  » – John Guidetti

L’accomplissement de son travail acharné pour devenir professionnel

Il revient avec sa famille en 2006 et retourne au club de Brommapojkarna pour 2 ans dans le centre de formation qu’il avait connu plus tôt, son rêve comme beaucoup d’autres de ses coéquipiers est de devenir footballeur professionnel et il fait preuve d’un zèle et d’une rage de vaincre avec un mental d’acier pour se frayer un chemin vers le haut.  Au Kenya lui qui s’était tellement familiarisé à jouer torse nu et pieds nus, qu’en rentrant en Europe, il voulait jouer dans les mêmes conditions. (En Suède cela paraît compliqué).

Lors des différents tournois de jeunes où il se montre, de grands clubs souhaitent l’avoir dans ses équipes de jeunes notamment des clubs italiens comme l’Inter Milan, l’AS Roma, la Sampdoria ou encore la Lazio. Mais c’est finalement Manchester City qui le recrutera, repéré alors par l’entraineur suédois en place Sven-Göran Eriksson, qui signe Guidetti alors âgé de 16 ans et faisant parti du nouveau projet du club de signer de jeunes talents alors racheté lors de cet été 2008 désormais sans le coach suédois.

Il évolue d’abord avec les moins de 18 ans des Citizens avant d’être prêté à son club formateur Brommapojkarna. Alors âgé de 18 ans, il impressionne et montre l’étendue de son talent malgré la courte durée de son prêt avec 3 buts et 4 passes décisives en 8 matchs. Il continue de montrer de bonnes choses avec l’équipe réserve, Robert Mancini va alors montrer la confiance qu’il porte en Guidetti pour l’avenir en lui donnant sa chance en équipe première dans un match de Coupe de la Ligue contre West Bromwich Albion. À l’été 2011, Guidetti signe une prolongation de trois ans et est prêté à Burnley où le jeune Guidetti inscrit son premier but officiel en Angleterre.

Ses vrais débuts professionnels flamboyant

Les arrivées à Manchester apportant une forte concurrence et bloque Guidetti de parvenir à se frayer un chemin vers l’équipe A. Il part alors en prêt au Feyenoord aux Pays-Bas. À 19 ans, il cartonne en Eredivisie, marquant 20 fois en 23 matchs, avec notamment des triplés contre l’Ajax, Twente et le Vitesse Arnhem. Il finit 5ème meilleur buteur du championnat néerlandais avec un passage impressionnant pour son âge.

Ce n’est alors plus qu’une question de temps avant qu’il n’intègre l’équipe première de Manchester City mais surtout de devenir le plus jeune joueur suédois de l’histoire à disputer un championnat d’Europe, en 2012 à côté du grand Zlatan Ibrahimovic. Tout va pour le mieux pour John Guidetti perçu comme étant le futur grand attaquant de la sélection suédoise, mais tout ne vas pas se passer comme prévu lui qui a d’ailleurs fait ses débuts internationaux en amical face à la Croatie à seulement 19 ans.

La période noire de la jeune carrière de Guidetti entre malchance et blessure

Le soir de son 20ème anniversaire, le 15 avril 2012, accompagné de sa petite amie et de ses amis dans un restaurant afin de fêter son anniversaire surprise, John ne se sent pas bien et doit rentrer tôt, avant de continuer la fête prévue avec ses proches. Toute la nuit il va se sentir mal et on a va alors lui diagnostiquer un virus à l’estomac. Dix jours plus tard, de retour à l’entraînement, Guidetti ne comprend pas, son état s’est empiré, il ne tient plus sur sa jambe droite et tombe à chaque effort, il n’a plus d’équilibre. Direction l’hôpital.

Une période terrible s’en suit pour l’attaquant suédois qui doit alors ne plus penser aux terrains devant renoncer à la fin de saison d’Eredivisie et surtout l’Euro 2012 auquel il aurait dû participer, mais sa santé mis en jeu. Le verdict est prononcé, il a subit une intoxication alimentaire qui n’a pas été soigné, dégradant donc son état. Le virus provenait d’un poulet mal cuit où se trouvait une bactérie rare et dangereuse qui l’empêchait de bouger. Suite à cette épreuve, Guidetti  s’est fait tatoué sur son bras droit les paroles d’une chanson du chanteur jamaïcain Tarrus Riley : «On pleure tous, mais quand les larmes sèchent on devient plus fort.» Plus de 8 mois sans jouer avant de les revoir sur les terrains de la réserve des Citizens en janvier 2013, avant de devoir se faire opérer d’un genou trois mois plus tard. Mais cela est l’une des principales forces de Guidetti, son mental de guerrier pour revenir plus fort.  La saison suivante est encore délicate, Manchester City ne compte pas sur lui et le prête à Stoke City en Premier League où il ne jouera que 59 minutes. Clairement un mauvais choix de prêt, Guidetti n’a quasiment plus joué depuis 2 saisons, encore jeune sa situation doit vite évoluer avant de se perdre.

Cinquième prêt pour John Guidetti appartenant à Manchester City à qui il reste une année de contrat le moment de prouver que sa saison au Feyenoord n’était pas un hasard. Il reste en Grande Bretagne mais prend la direction du Celtic en Ecosse. Il commence avec brio la saison avec 6 buts lors des 14 premières journées ainsi que 5 buts en coupes avec le titre de meilleur joueur du mois d’octobre en Ecosse, avant de s’éteindre complètement en deuxième partie de saison avec seulement 2 buts malgré, dont un super but dans le temps additionnel lors d’un 1/16ème de finale aller face à l’Inter pour arracher un match nul 3-3.

Des revendications salariales non réalistes pour que le Celtic arrive à le garder, John Guidetti est alors libre avec une saison mitigé expliqué en partie par le fait qu’il n’a pas beaucoup joué au football dans les années précédentes en raison de sa maladie, sa blessure et un prêt inutile à Stoke. Il y aura tout de même remporté ses premiers trophées en gagnant le championnat et la coupe de la Ligue.

Le renouveau après le titre de champion d’Europe U21 avec sa nation : la Suède, puis la découverte de l’Espagne

Nous sommes le 6 juin 2015, John Guidetti va bientôt s’envoler pour la République Tchèque pour disputer l’Euro Espoirs avec sa nation et la remporter, mais il n’en reste pas moins un fou de foot et un homme ayant un grand cœur. Et cette anecdote en ce soir de finale de Ligue des Champions montre bien qui est réellement John Guidetti :  Un jeune garçon de 8 ans près d’un terrain de football croise John Guidetti et lui demande s’il peut jouer avec lui. John lui répond qu’il s’excuse mais qu’il part regarder la finale de la Champions League opposant le FC Barcelone à la Juventus. L’enfant est fatigué mais tient éveillé tout enthousiaste à l’idée de taper la balle avec John, ses parents ne croyant pas à la promesse de John. Pourtant à 23h30 à la fin de la rencontre, l’enfant se précipite vers le terrain… où il y retrouve Guidetti qui l’attend et qui aura taper la balle avec lui.  John Guidetti revenant sur cette anecdote et dira : « Cela coûte si peu mais apporte tant. ». On imagine la joie du jeune garçon comme ceux du Kenya qui voient sans aucun doute Guidetti comme un exemple.

Quelques semaines plus tard, Guidetti se révèle aux yeux de tous en crevant l’écran et en faisant l’exploit avec sa nation. Il y aura joué un grand rôle avec le but égalisateur face à l’Italie lors du dernier match de la poule, un but sur pénalty en demi-finale face au Danemark et le penalty d’ouverture face au Portugal en finale.  Guidetti est quelqu’un qui dispose d’une grande notoriété, très populaire et apprécié en Suède où depuis la victoire à l’Euro U21 en 2015, les fans l’idolâtrent par son amour du maillot.  Guidetti est quelqu’un ayant un tempérament chaud et répondant facilement à la provocation comme on a pu le voir lors du chambrage de Kurzawa auquel il aura répondu à la fin du fameux barrage retour à l’Euro Espoirs entre les deux sélections (4-1).

Il a notamment eu sa chanson dédiée qui a fait un carton plein en Suède ayant été fin août 2015, classé numéro 1 en Suède.  Johnny G – The Guidetti song (au top pour l’avoir dans la tête toute la journée) :

Suite à ce super Euro Espoirs, de nombreuses sollicitations s’offrent à lui mais cela sera finalement un nouveau championnat la Liga en Espagne au Celta Vigo. Et il a rapidement conquis les supporters avec son premier but face à Barcelone ou encore plus récemment après avoir marqué en coupe du Roi le but qualificatif pour la demi-finale face à l’Atlético Madrid d’une reprise de volée de 25m qui restera dans toutes les têtes des supporters du Celta. Mais également par ses bonnes prestations en Europa League l’an passé ayant participé à amener le club en demi-finale avec ses 4 buts durant la campagne. Néanmoins il n’est pas toujours titulaire la concurrence le poussant souvent à ne pas être titulaire lors de sa première saison il avait inscrit 12 buts dont 7 en championnat et la saison précédente 9 mais seulement 4 en championnat.  Néanmoins Guidetti est connu pour son tempérament de battant, d’être toujours un acharné sur le terrain. Il aime jouer du public adore la pression, un homme pour les grandes rencontres. John Guidetti est assimilé à un attaquant physique (1m85/79kg) avec une grande force mais mélangé à de la technique et de la vitesse.

Le Kenya fait toujours parti de lui et a été un moment déterminant pour son avenir, il le rend bien en ayant fondé la Guidetti Foundation. Le but de la fondation est d’aider les jeunes Kényans dans tous les domaines de la vie (sport, finance, éducation, …) mais surtout pour le ballon rond afin de leur donner la chance de suivre les traces de Guidetti en parvenant à découvrir le monde professionnel. Leur but avec les dons est de construire des terrains de football à Kibera et d’autres régions de Nairobi, ainsi que de faire don de kits de sport et de matériel d’apprentissage pour les enfants. Il est important pour lui de venir en aide aux Kényans, après avoir vu toute la pauvreté et la dureté des bidonvilles. En effet, beaucoup de ses anciens coéquipiers n’ont pas eu le même succès que Guidetti dans le football, beaucoup sont désormais devenu des gangsters, d’autres ont choisi un autre chemin en travaillant à l’usine (payé 25 cents l’heure) pour 12 heures de travail par jour. Tout n’est pas noir néanmoins, un joueur a réussi à s’en sortir et devenir professionnel, il s’agit d’Ayub Timbe Masika. Après sa formation au Kenya, il a réussi à s’imposer à Genk avant de rejoindre dernièrement la Chine et le BJ Renhe sans doute pour sécuriser financièrement sa famille au Kenya.

Dans une interview pour The Guardian il a déclaré que le Kenya était le meilleur endroit au monde pour lui et qu’après sa carrière il souhaitait s’y installer.  Il y est retourné plusieurs fois notamment en 2012 où il y reçoit toujours un accueil chaleureux avec une vidéo montrant son discours aux jeunes kényans et la contribution à sa fondation :

John Guidetti à propos de son père pour une interview à «Fokus.dn.se » en juin 2016 :

« Il est mon meilleur ami, mon conseiller, mon mentor, mon père, bien sûr, toujours, peu importe ce qui se passe. Vous savez, comme un de ces couteau suisse, avec mille fonctions différentes. Il est mon papa! Donc, vous pourriez penser que cela est très fou, et peut – être beaucoup le pense, mais le jour où je me marierez, alors je serais le meilleur homme de mon père. »

Devenu père d’une petite fille il y a un an (en septembre 2016), il aura à cœur d’avoir la même relation qu’il avait avec son père, en tout cas il montre déjà l’amour qu’il lui porte avec de nombreuses photos avec elle somptueuses sur son Instagram. Mais surtout il aura à cœur de marquer l’histoire de son pays la Suède et le monde du football auquel il tient tant afin de rendre fier sa fille mais également tous ses anciens formateurs Kényans et anciens coéquipiers qui suivent toujours de près ses performances.

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