Dans cette série de 3 articles consacrés au club suédois d’Hammarby, le temps qui va nous lier amis lecteurs et moi, va-vous amener dans les entrailles du passé de « Bajen », où nous passerons par les fondements du club, le joueur légendaire mais aussi le renouveau après la remontée du Superettan (D2) en 2014 qui marque une nouvelle période. Nous entamerons ensuite le col le plus difficile de ce tour d’horizon par le volet tactique et la méthode Billborn qui dessine la partie visible de l’iceberg. Pour finir ce zoom sur ce club de la capitale du « Pays Allongé », nous étalerons l’effectif, ses qualités mais aussi ses défauts et l’avenir de ce club « perdant » de Suède à travers les aspects économiques et sportifs ainsi que ce public merveilleux du «Södersidan » accompagné de sa culture dans un pays attaché au sport.

Au temps de cette nouvelle décennie, le soleil brille sur la Tele2Arena, à l’heure on ne fait que deviner les rayons du futur puisque les reflets du passé sur les eaux baltiques ne peuvent disparaître. Fait de vagues et de courant vertigineux, traversant les pages déjà bien écrites entre haut et bas, entre redescende en D2 ou finale de coupe médaillée. Au cœur de chaque ligne, les supporters ont vibré au rythme de leur passe-temps mais aussi de l’attractivité industrielle qui faisait oublier la défaite d’un week-end. Au milieu de cette triste réalité, l’étoile qui vous admire la nuit à jeter son bonheur actuellement qu’en 2001. Mais Hammarby en avait besoin et aujourd’hui un manque resurgit, et l’étoile aussi.


PARTIE 1 – LE VOILE HISTORIQUE

Une nouvelle décennie pour enfin briller ? Quelle question à Hammarby, quartier aujourd’hui reconnu dans le monde pour son respect de l’environnement, sa réserve naturelle et pourtant… Dans son histoire, le sud-est de Stockholm était un grand pôle industriel et portuaire sur les rives du lac portant le nom du club populaire local créé en 1889 : le Hammarby Roddförening, l’association d’aviron à l’origine de la création du club. Organisation portée par un bassin de supporters se réunissant chaque jour de matchs aux différents stades qu’a connue le club, mais aussi aux différentes divisions sans relâche à partir des années 80… L’attraction locale changeant de nom une fois pour devenir le Hammarby Idrottsförening, une association sportive.

Mais voilà « Bajen » avec une certaine « culture de la loose » à de nombreux moments de son histoire, n’a jamais, connu une grande campagne européenne ou une décennie de succès. Un manque chez les supporters, une obsession au club, voyant notamment ses rivaux Djurgården et l’AIK enchaîner les titres au fil du temps. Tandis que la vitrine d’Hammarby quant à elle résonne aux bruits des derbys perdus ou des relégations. L’histoire est dure, mais l’actuel peut être radieux.

Une histoire parsemée de hauts mais surtout de bas…

Sur la fin de la révolution industrielle du XIXème siècle (décrit comme « la première mondialisation »), la Suède concentre une production industrielle en augmentation permanente et Stockholm limitrophe de la Baltique n’y échappera pas. Le quartier du Sud-Est longeant les eaux est lui très industrialisé, l’exposition sur le bleu océan fait fleurir les échanges mais surtout les exportations de poix et de goudron produits dans les bâtiments surmontés de grandes colonnes rejetant des poussières montantes. Parce que oui avant tout ce quartier est décrit comme un lieu industriel rassemblant beaucoup d’usines mais aussi des milliers d’ouvriers qui les faisaient vivre en travaillant sans relâche pour nourrir leurs familles. C’est au cœur de ce quartier que le « Hammarby Rowing Association » première esquisse du club née en 1889.

À l’origine tout part d’un ingénieur ayant rassemblé des amoureux d’aviron de la classe ouvrière, ils forment une association avec pour but initial d’organiser des oppositions entre les groupes d’avirons locaux. Elles se déroulaient bien évidemment sur les rives du quartier sur le cours d’eau « Hammarby Sjö ». Des couleurs sont choisies, les couleurs vertes et blanches se dévoilent et elles sont toujours celles qui dessinent les tifos du «Södersidan » (coté Sud) aujourd’hui quand les temps le permettent… Le club va ensuite connaître un changement de nom suite la diversification sportive du club et le développement de l’athlétisme pour devenir le « Hammarby Idrottsförening » en 1897, nom qui, quant à lui ne changera plus. L’association va se diversifier vers le football dans les années 1915, année de la création du Söderstadion dont le nom est inspiré du District du quartier « Södermalm » et qui sera le premier stade d’Hammarby.

Photo de 1892 du Lac Hammarby « Hammarby Sjö » au musée de la ville de Stockholm, le Stockholmskällan. Provenant du site HIF Historia.

N’étant pas le seul club à vouloir le stade, HIF fusionnera avec deux clubs du district pour qu’il n’en reste plus qu’un. Le club atteint la finale de la première division suédoise (« Svenska Mästerskapet ») en 1922 mais perd  face au club de GAIS Göteborg 1-3. En 1924, c’est l’Allsvenskan qui voit le jour et dont le club du Sud-Est Stockholmois va inaugurer la première édition. Rikard Larsson sera le premier buteur d’Hammarby dans la nouvelle tournure de l’élite suédoise mais le club sera au bout de cette première édition relégué en deuxième division. Le club voit au cours de ce siècle un exode des suédois vers les États-Unis (due au pouvoir d’acquérir des terres à bas coût pour le développement du Nouveau Monde et une rémunération plus importante dans leurs usines) qui touchent le club tout comme le départ de certains joueurs de la filiale football vers d’autres sports où le club est représenté.

En 1936–37 et 1937–38, le club peut à deux reprises retrouver l’Allsvenskan, en vainc. Mais la suivante marquera le retour du club Vert et Blanc dans l’élite. L’ascenseur reprit ses droits et Hammarby relégable à l’issue de la dernière journée avant l’arrêt pour laisser place à la guerre de 1940 à 44 redescend. En 1946, le foot reprit ses droits et la deuxième division aussi ! La même année arrive le surnom « Bajen » lors d’un voyage en Angleterre. Stig Emanuel « Stickan » Andersson, le deuxième meilleur buteur du club aujourd’hui, avait prononcé « Hammarby » en anglais donnant « Hammarbaj » ce qui donnera la naissance à cette périphrase. L’année de la démission de De Gaulle de la IVème république sera aussi celle de la restructuration du club qui l’envoie au fond de la D4 suédoise. Une terrible chute pour le club et ses supporters.

Le club remonta en Allsvenskan en 1954 puis enchaîna une série d’ascensions et de descentes jusqu’en 1970 entre les deux divisions. C’est justement en 1970 que le club va atteindre pour la première fois de son histoire une 5ème place dans l’élite du pays voisin des Fjords. Mais c’est aussi la première fois que l’on va admirer le chœur des supporters exclamer leurs encouragements dans l’enceinte historique du Söderstadion où le club se stabilisa en Allsvenskan. Hammarby termina de nouveau 5ème en 1982 et réussit à ce qualifier pour la finale de l’Allsvenskan grâce à la mise en place d’une phase éliminatoire entre les 8 premiers à la fin du championna. Malgré ça, le club perd « encore » en finale face à Göteborg en match aller-retour.

La saison suivante est marquée par la qualification en Coupe des vainqueurs de coupe mise en place par l’UEFA suite à la défaite en Svenska Cup face à l’IFK Norrköping (et oui encore une défaite en finale) qui était déjà qualifié pour une coupe européenne en championnat. Hammarby découvre l’Europe mais peu longtemps, éliminé dès le second tour par un club Finlandais. Jusqu’en 1987, « Bajen » reste dans le haut de tableau mais redescend en 88 suite à de nombreux soucis financiers et le départ de cadres qui engendre le retour d’une série de « zig-zag » très marquée chez les supporters. 10 ans après, le club finit 3ème de l’Allsvenskan, toujours pas champion mais qu’importe en 2001 c’est enfin le Graal. Porté par le manager Sören Cratz, Hammarby remporte son tout premier titre de champion de Suède pour la seule fois de son histoire et donne enfin des ailes au Söderstadion qui voit pour la première fois le club du Sud-Est rayonné en Suède.

Le seul titre de l’histoire d’Hammarby dans l’élite suédoise, l’Allsvenskan 2001. Source : HIF Historia.

Cependant, en 2009, Hammarby est de nouveau relégué mais va se relever en 2014, entre temps 2013 est peut-être le temps d’un renouveau en passant du Söderstadion à un stade de presque 40 000 places que représente la Tele2Arena. Dans sa nouvelle enceinte « Bajen » s’est stabilisé en Allsvenskan jusqu’à aujourd’hui. Et l’arrivée en 2018 de Stefan Billborn comme entraineur est un tournant puisque depuis qu’il est là, le club a terminé respectivement 4ème puis 3ème en 2019 avec un style de jeu montrant une certaine montée en puissance tout comme le club dans sa généralité. Reste à voir si le club pourra regagner un titre comme en 2001 avec lui, mais déjà ils seront de retour en Coupe d’Europe après 13 ans d’absence.

La légende Bakircioglu, symbôle de l’histoire du club

Au cours de l’histoire, Hammarby a malgré beaucoup de revers, connu un grand homme parmi plusieurs. Mais lui bien plus que les autres surtout dans la mémoire récente des supporters. Il s’agit bien évidemment de Kennedy Bakircioglu, souvent appelé simplement « Kennedy ». Cet homme a tout simplement marqué Hammarby de son vivant et est devenu l’incontestable légende de « Bajen ». Sa famille résidant en Turquie s’exile en Suède en 1972 et le jeune Kennedy en référence au 35ème président américain, né en Suède en 1980.

Il jouit alors de la double nationalité : celle de ces parents Turcs et celle de son pays de naissance. Adepte et passionné du ballon rond le joueur de 15 ans joue pour la première fois en professionnel dans le club Assyriska en 1996 en deuxième division suédoise, et en 98 Kennedy ne célébrait pas la victoire et le but d’Emmanuel Petit dans le temps additionnel pour la première victoire en Coupe du Monde de la France face en Brésil, mais bien autre chose : une saison remarquable à presque 18 ans avec 9 buts et 8 passes décisives en 25 matchs. Repérer par les plus grandes clubs comme Manchester United, il s’engage finalement à Hammarby en 1999.

Ces statistiques sont intéressantes avec 38 buts en 130 matchs sur 4 ans, où il glane le premier titre d’Hammarby en Allsvenskan en 2001. Parti en 2003 pour la Grèce avec deux saisons moyennes puis les Pays-Bas entre 2005 et 2010 où il démontra son talent lors d’une seule saison avec 15 buts en 2006-2007. Il part ensuite à Santander en Liga jusqu’en fin 2012 sans franc succès. En cette fin d’année 2012, Kennedy revient au pays et bien sûr là où il a le plus brillé, à Hammarby. En 2013, le club est en Superettan et vise la remontée après 3 saisons sans réussite, le génie intervient, Kennedy inscrit 17 buts pour 7 passes décisives et envoie Hammarby là ou ils ne redescendront plus jamais pour le moment. Se reconvertissant milieu offensif, il détruit la lucarne de Tom Amos le 1er Octobre 2018 lors d’un coup-franc face à l’IFK Göteborg célébrant le 3-0 par une gorgée de bière offerte par un supporter. Il finit sa carrière la même année, face au BK Häcken voyant l’un des tifos les plus beaux de la saison recouvrir tout le stade au nom unique d’un seul homme qui remercia les fans à la fin du match devant le chœur d’un émouvant public récitant son nom : Kennedy !

Tifo en hommage à la dernière à domicile de Kennedy Bakircioglu. Crédit photo : club d’Hammarby.

Demain, samedi 11 juillet à 11H : Épisode 2 – L’analyse tactique

Article écrit par Thibaut bientôt 16 ans. Twitter : @ChizyFootball

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