Preben Elkjær-Larsen. Si vous avez 25 ans et moins, à priori, ce nom ne doit pas vous dire grand chose. Pourtant cet attaquant au profil atypique a connu son apogée dans les 80’s. Avec le Hellas Verona, il signe l’une des plus belles pages du calcio en remportant le Scudetto 1985. Malgré la concurrence redoutable de Altobelli, Maradona, Platini, Pruzzo, Rummenigge ou Sócrates. Également membre de la génération «Danish Dynamite», Elkjær-Larsen a joué un rôle important avec la sélection nordique.

Ce buteur puissant et vif, au style peu orthodoxe mélangeant le combat physique et un sens du dribble particulièrement efficace grâce à un changement de rythme qualifié de dévastateur, n’avait pas un sens aigu de la discipline et optait souvent pour les excès nocturnes. Cependant, une fois sur le terrain, une détermination intense l’envahissait. Retour sur la carrière d’un joueur hors normes.

Début au pays

Avant de rejoindre Vanløse IF (club de Copenhague) pour y disputer sa première saison en pro en 1976, le tout jeune Preben (6 ans) débute le football sous les couleurs du Frederiksberg Boldklub.

Après plus d’une décennie avec Frederiksberg, entrecoupée d’une saison au Kjøbenhavns Boldklub, le buteur s’engage donc avec Vanløse IF. L’expérience est très courte. Les sept buts inscrits en seulement quinze matchs ne laissent pas insensible le FC Cologne, club phare en Bundesliga en cette fin des années 70. Avant son vingtième anniversaire, Elkjær-Larsen rejoint l’Allemagne pour sa première expérience à l’étranger.

L’échec

Et cette première expérience va tourner court. Pourtant dès son arrivée, il remporte la DFB-Pokal (1977) contre le Hertha Berlin. Sa participation se résume à 9 minutes disputées en finale. Mais comme beaucoup de ses compatriotes footballeurs de l’époque, Elkjær-Larsen n’aime pas vraiment la discipline. La notion de professionnalisme était encore assez abstraite.

Et forcément, à 20 ans, la fête prime souvent sur la rigueur des entraînements germaniques. Un jour, son coach : le légendaire Hennes Weisweiler lui demande si Preben a passé la soirée en boîte de nuit avec une bouteille de whisky et une fille. Elkjær-Larsen lui a répondu :

« Non, c’était avec une bouteille de vodka et deux filles. »

Dans ces conditions, ses relations avec l’entraineur se refroidissent rapidement. Malgré son statut d’espoir, le Viking joue peu. Très peu. Son passage sous le maillot des Geißböcke (Boucs en VF) se ponctue par neuf matchs. Et même si son palmarès se garnit d’un championnat, Elkjær-Larsen change d’air dès février 1978. Direction la Belgique voisine. Et Lokeren.

L’éclosion en Belgique

Situé en Flandre, entre Gand et Anvers, Lokeren n’est pas vraiment un ténor européen. D’ailleurs, même en Belgique, ce petit club ne joue pas dans la cour des grands du Royaume comme Anderlecht, Bruges ou encore Liège.

Néanmoins, la présence du nouveau goleador danois va correspondre avec les plus belles années de Lokeren. En effet, entre 1978 et 1984, le club va tutoyer les sommets. L’apogée est atteint en 1981 avec une seconde place inédite (meilleure perf encore à ce jour) en championnat, une place de finaliste en Coupe de Belgique et un quart de finale européen en Coupe de l’UEFA.

Les nombreux buts et le comportement de Elkjær-Larsen lui valent le surnom de Den Gale Mand fra Lokeren (le fou de Lokeren). Parfois, en fumeur invétéré, il allume une cigarette à la mi-temps d’un match. Encore actuellement meilleur buteur du club, il a scoré à 98 reprises en 190 apparitions.

La confirmation en Italie

Transféré en Italie, Preben (27 ans) débarque dans le championnat le plus compétitif du monde. Sous les ordres de Osvaldo Bagnoli, excellent tacticien, Elkjær-Larsen et Verona réalisent une performance encore unique dans le Calcio. Outsider au début de la saison, le Hellas va réussir l’exploit de tenir tête à tous les cadors de l’époque pour décrocher le seul Scudetto de leur histoire.

Pour bien comprendre cette prouesse, il suffit de rappeler les forces en présence en Italie lors de cette saison 1984/85 : la Fiorentina de Sócrates, la Juve de Platini, l’Inter d’Altobelli, le Napoli de Maradona et la Roma de Pruzzo. Voilà voilà.

Renforcés par Hans-Peter Briegel et … Preben Elkjær-Larsen, les Gialloblù réalisent la saison idéale. L’une des images fortes de cet exercice intervient le 14 octobre 1984. Lors de la cinquième journée de Série A, Elkjær-Larsen marque un but à la Juventus (2-0). Normal pour un N°9. Mais ce but est à l’image du bonhomme et de la saison véronaise. Plein de détermination, de puissance et de réussite.

Suite à une remise en jeu (6M) de son défenseur, le Bison danois récupère le ballon sur le côté gauche aux alentours de la ligne médiane. Difficile à arrêter lors de ses progressions balle au pied,  il percute sur l’aile. Il dépose son adversaire et résiste à sa charge désespérée. Il efface un dernier défenseur avant d’ajuster le portier turinois. Dans sa folle course vers la cage adverse, il en perd sa chaussure droite. Mais cela ne l’empêche pas de marquer … du droit. Cette réalisation est restée comme l’un des buts historiques de la Série A.

« Un grand déconneur, un mec extra hors du terrain, mais quand il enfilait le maillot, il se transformait. Il nous apportait beaucoup de profondeur et était très rapide » Silvano Fontolan

Après quatre saisons en Vénétie, dans la cité de Roméo et Juliette, Preben rentre au pays pour y terminer sa carrière au Vejle Boldklub. Son statut de grande star attire les foules. Cependant, il souffre de nombreuses blessures. Et face à la (trop) grande attente du public, il ne parvient pas à combler ses fans. Après deux saisons, il prend finalement sa retraite à l’âge de 33 ans.

« Parce que quand tu as la chance de connaître et d’apprécier qui souffre avec toi le dimanche et qui partage tes joies et tes douleurs même en étant dans les tribunes, tu t’attaches à lui. En tous cas moi je suis comme ça. Et pour cette raison, par respect pour qui m’a aimé et m’a célébré jusqu’à m’invoquer comme Maire de Vérone, je n’ai jamais accepté de porter un autre maillot en Italie. Leur respect méritait le mien … » Preben Elkjær-Larsen

Avec De Rød-Hvide

Dès octobre 1975, Preben Elkjær-Larsen entame sa carrière internationale avec les jeunes. Il porte notamment le maillot de la sélection nordique lors des Championnats d’Europe U19 et U21. Puis le 22 juin 1977, à l’âge de 19 ans et 284 jours, il fait ses débuts dans l’équipe nationale senior. Et il ne manque pas ses premiers pas. Il débute même en fanfare. Dans un derby scandinave face la Finlande, il signe un doublé pour obtenir la victoire (2-1).

En 1979,  l’arrivée sur le banc du Danemark de Sepp Piontek apporte un plus grand professionnalisme à cette génération talentueuse mais impétueuse. Sous sa direction, les Vikings deviennent la «Danish Dynamite». Une association aussi efficace qu’improbable va naître entre Michael Laudrup et Preben Elkjær-Larsen. Le calme et la vision du jeu du N°10 combiné au style abrupt du Bison va faire les beaux jours de la sélection.

Qualifiés pour la seconde fois de leur histoire à un Euro, les Danois composés de Frank Arnesen, Michael Laudrup, Søren Lerby, Jesper Olsen, Morten Olsen ou Allan Simonsen réalisent une superbe édition 1984. Dans le groupe de la France de Platini,  le Danemark écarte la Belgique de Ceulemans et la Yougoslavie de Safet Sušić pour se hisser jusqu’en demi-finale (1-1, 5-4) face à l’Espagne de Luis Arconada. Preben marque deux fois lors du tournoi. Mais il manque le cadre lors de sa tentative de tir au but. L’aventure s’arrête là.

En 1986, au Mexique, pour sa première participation à un Mondial, le Danemark écrase son groupe composé de l’Ecosse, de la RFA et de l’Uruguay avec un Elkjær-Larsen au top, auteur de quatre buts dont un hat trick. Malheureusement en huitièmes, les Scandinaves héritent de l’Espagne de Butragueño. Les Ibères écrasent les coéquipiers de Laudrup (5-1).

Meilleur joueur danois de l’année en 1984, il se classe également troisième (1984), deuxième (1985) et quatrième (1986) au Ballon d’Or. Il fait partie du Hall of Fame de l’équipe nationale danoise.

En 1988, Elkjær-Larsen dispute sa dernière compétition internationale en Allemagne. Avec la même ossature, le Danemark tombe encore une fois sur l’Espagne. Le groupe comprend également la RFA et l’Italie. Mais cette fois, pas de miracles. Après trois défaites, ils sortent de la compétition. Le 14 juin 1988, Preben clôt son aventure sous le maillot De Rød-Hvide à l’âge de 30 ans et 277 jours. Son bilan est de 38 buts en 69 capes.

Cinq ans après sa retraite de joueur, Elkjær-Larsen prend la tête de Silkeborg IF pour la saison 1995/96. Le club du Jutland central termine à une honorable sixième place (sur douze). En décembre 96, il quitte ses fonctions pour entamer une nouvelle carrière dans les médias. Il dirige la chaine sportive TVS. Ce n’est pas une franche réussite puisque TVS ferme moins d’un an après sa création. Preben devient consultant pour la chaine danoise TV3+ où il office avec Brian Laudrup lors des rencontres de Champion’s League.


Par Nicolas Wagner– Twitter: @friulconnection

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