Christian Eriksen est sans aucun doute le meilleur joueur danois actuel. Il est même devenu le digne héritier de Michael Laudrup. Ce soir avec son équipe de Tottenham, il va disputer la finale de Ligue des Champions contre Liverpool dans le duel anglo-anglais. Un bel accomplissement venant récompenser ces choix de carrière et son acharnement pour se perfectionner depuis tout petit, qui en ont fait le joueur d’aujourd’hui.

Une grande fierté pour le Danemark de voir Christian Eriksen représenter leur pays à un tel niveau, eux qui n’avaient plus vu de Danois en finale de C1 depuis Daniel Agger en 2006-2007, défait 2-1 avec Liverpool contre le Milan. À 27 ans, Eriksen n’a encore connu que 4 clubs et beaucoup auraient pensé qu’il aurait dû changer de club pour le vivre un jour. Finalement il le vivra bien avec les Spurs de Tottenham. NordiskFootball vous propose de découvrir sa période méconnue dans ses 2 premiers clubs au Danemark jusqu’à ses 16 ans avant l’Ajax, et voir comment il s’est construit footballistiquement, du petit garçon d’une province danoise à disputer une finale de Ligue des Champions.

Les débuts dans le club local à Middelfart :

Christian Eriksen est né en 1992, décidément une belle année pour le football danois champion d’Europe surprise et donc aussi l’année de naissance du meilleur footballeur actuel du pays. Qui plus est, un 14 février, en ce jour de l’amour. C’est dans la petite ville portuaire de Middelfart et ses 15 500 habitants, située au sud du Danemark sur l’île de Fionie, que le jeune Christian va passer son enfance et y découvrir le plaisir du football.

Il est né dans une famille de sportif, avec son père ancien joueur et sa petite sœur Louise Eriksen, qui est aujourd’hui une footballeuse professionnelle où elle évolue au Danemark au club de KoldingQ. Christian Eriksen, était fait pour faire du sport, passionné et déterminé, il réussissait tout ce qu’il faisait. Durant sa jeunesse, il aura combiné plusieurs sports en plus du football avec du badminton et handball surtout l’hiver, où il excellait aussi et avait remporté de nombreux tournois.

Mais avec de nombreux terrains arborant la ville malgré sa faible population, et son père Thomas entraîneur de jeunes pour le club local de Middelfart G & BK, aujourd’hui en 3e division danoise, le danois ne pouvait que tomber dans le football. C’est donc lui qui le dirigera et le formera dans ces premiers rapports à la pratique du football en club avant ses 3 ans où il y évoluera durant 10 années jusqu’en 2005.

Christian Eriksen sous le maillot de Middelfart. Crédit photo : Middelfart.

Là-bas, il y forme un superbe duo avec l’actuel joueur du FC Copenhague, Rasmus Falk Jensen, d’un mois plus jeune que Christian. En plus du duo formé par les deux amis sur le terrain, leur duo de formateur se retrouve être leurs deux pères. En effet, Erik Jensen, père de Rasmus, épaule le père d’Eriksen au niveau de la technique et complète ses sessions d’entraînements.

Christian a la passe et Rasmus à la finition, les buts s’enchaînent et les trophées aussi. Leur premier trophée sera d’ailleurs en futsal à 5vs5 suite aux durs hivers, en battant les meilleures équipes sur l’île de Fionie lors de la Fyens Stiftstidende Cup remportée 4 fois en 2000, 2002 et 2004. Avec plus d’espace, les deux se régalaient et ont créé une grande connexion, en se perfectionnant notamment techniquement.

Cristian Eriksen avec Rasmus Falk (portant le trophée) à ses côtés lors d’une victoire d’un tournoi en futsal. Avec Thomas Eriksen et Erik Jensen, les deux pères entraineurs. Crédit : Insta Eriksen.

Sur gazon, son petit gabarit ne l’empêcha pas de faire face à des joueurs bien plus grands que lui, même en étant surclassé, avec sa technique hors-norme personne n’arrivait à le stopper en face. Son autre différenciation est sa bonne compréhension du jeu, cela faisait la différence notamment pour servir dans des situations optimales Rasmus Falk, et permettait à Middelfart de vivre ses meilleures saisons en jeunes.

Ne voulant perdre aucun ballon, et utilisant toujours ses deux pieds, il avait déjà ce caractère perfectionniste qui lui est connu pour se développer. Pour l’anecdote, en rentrant à vélo pour retourner chez lui, il était toujours muni d’un ballon sur lui au cas où sur la route quelqu’un voudrait continuer à taper la balle avec lui. Forcément les résultats et performances d’Eriksen ont fini par attirer des clubs professionnels danois, et sous conseil de son père qui pensait d’abord à son développement plutôt qu’à le garder encore sous son aile dans le club amateur, ils feront le choix de l’OB Odense pour espérer voir Christian vivre son rêve de devenir professionnel dans le football.

La confirmation d’un talent à l’OB Odense :

C’est en 2005 que le jeune Christian Eriksen, âgé de 12 ans, rejoint le club de l’OB Odense. Club qui outre le fait d’avoir vu passer le français Bernard Mendy, a remporté 3 championnats et 5 Coupes du Danemark et est le plus vieux club du Danemark et un des plus anciens du Vieux Continent, créé en 1887 à la base pour du cricket. Mais ce qui a surtout motivé les parents de Christian à rejoindre ce club, fut la proximité avec Middelfart situé à environ 40km. En effet, pour éviter de déménager et avec l’école Hjalleseskole près du centre d’entrainement dans une classe réservée aux sportifs de haut niveau, il s’agissait du club idéal pour professionnaliser Christian dans de bonnes conditions.

Le rythme devient plus âpre, école le matin et sport l’après-midi, le jeune danois fait du 6H-20H avec les transports pour rentrer chez lui et en plus des devoirs le soir. Heureusement, il se retrouve de nouveau avec Rasmus Falk, son ami d’enfance, formé avec lui à Middelfart, qui suivait le même chemin que Christian. Un soutien de poids, où ensemble ils vont se pousser vers le haut pour atteindre leur objectif de devenir professionnel ensemble. Falk deviendra bien plus qu’un compagnon de terrain pour Eriksen, mais un vrai ami, passant tout leur temps ensemble même en dehors des cours et du football.

« A cette époque, j’ai plus vu Christian que ma propre famille » – Rasmus Falk pour Tipsbladet.

Duo surnommé «Crille» et «Ralle» par les formateurs, et comme à Middelfart, ils étaient surclassés avec des joueurs de deux à trois ans plus âgés et allaient marquer de leur empreinte la génération de l’OB Odense. Leur technique au-dessus compensait la différence physique d’être surclassé. L’OB Odense vivait alors une domination totale dans les catégories jeunes danoises avec le titre en championnat national U14 en 2006 puis le championnat U16 l’année suivante et même des tournois internationaux comme l’Opel Master Cup en Allemagne qui aura attiré l’œil des clubs étrangers pour le duo Eriksen – Falk. Ils faisaient partie d’une formidable génération, la meilleure pour Odense qui avait également en défense centrale le roc Daniel Höegh aujourd’hui à Heerenveen aux Pays-Bas.

« Quand il jouait avec Falk, ils pouvaient créer ensemble des choses très rares à voir sur un terrain de football de cet âge. » – Joakim Mattsson son entraîneur à OB, interrogé par nos soins.

Eriksen était également un fou d’entrainement, lui qui partait toujours le dernier pour se perfectionner des deux pieds, sur coup de pied arrêté,… Ce qui est toujours le cas aujourd’hui à Tottenham où lors de la Coupe du monde en Afrique du Sud, l’équipe avait dû menacer Christian Eriksen avec des amendes s’il restait trop longtemps sur le terrain d’entraînement. Ils avaient d’ailleurs utilisé Christian Eriksen et Rasmus Falk âgés de 13 ans, ainsi que 3 autres joueurs, pour faire un DVD pour la fédération danoise en faisant des démonstrations de 143 gestes différents au niveau technique. Bien sûr le milieu offensif danois excellait dans l’exercice et aura inspiré beaucoup de jeunes joueurs danois après lui, DVD qui est d’ailleurs encore utilisé aujourd’hui pour enseigner dans les centres de formation (ayant encore un lecteur).

À 14 ans, alors en 2006, les deux ont été passer un test à Chelsea qui les avaient invités. Tout était fait pour les impressionner et voir le côté très professionnel de l’élite du football. Ils y disputèrent 3 rencontres sous le maillot des Blues en jeunes et dînèrent même avec l’équipe première le soir tout proche de José Mourinho et Andrei Shevchenko. Mais pas assez pour impressionner Christian qui à son retour, lorsque ses coéquipiers et formateurs lui demandèrent comment c’était, il réponde : « Oui ça va. »

Connu pour être quelqu’un de calme, discret et toujours respectueux sans jamais en faire trop, Christian Eriksen était le leader technique de cette équipe, pensant au collectif avant tout. Ce que nous confirme son entraîneur de l’époque Joakim Mattsson : « il dirigeait l’équipe sur le terrain à sa manière, toujours avec humilité ». Tout comme sous le maillot national danois avec les jeunes où il était un cadre et toujours surclassé. Surnommé le nouveau Michael Laudrup, et ayant pour idôle Totti, le milieu offensif danois rêver de marcher sur leurs traces en club comme en sélection.

« Il était difficile de prédire que Christian sera aussi bon qu’il l’est maintenant, mais il était déjà très habile, et on pouvait voir que c’était un talent avec un potentiel extra. Il était un très bon tireur de coup franc à cette époque aussi, mais bien sûr, c’était un autre niveau avec les moins de 16 ans. Dans notre équipe, il tirait les corners du pied droit et du pied gauche » – Joakim Mattsson

Forcément, les scouts Européens des clubs ont pu voir le potentiel du jeune garçon, et veulent le rapatrier au plus vite dans leur centre de formation malgré son jeune âge. Des demandes d’essais chaque jour, au final Eriksen en fera 4 : Barcelone, l’AC Milan, de nouveau Chelsea et l’Ajax. Son choix se portera finalement pour ce dernier, recruté en 2008 à 16 ans par le club néerlandais au pied de nez des clubs bien plus huppés. Le scout John Steen Olsen qui le voulait absolument s’était déplacé avec le directeur technique Danny Blind pour rencontrer ses parents et les convaincre du projet.

Christian et ses parents bien conseillés également par les formateurs d’OB, auront fait le choix pour la suite de sa carrière d’un club misant réellement sur lui et donnant parfaitement l’accent à la formation et à l’éducation. Ils avaient bien compris qu’à l’Ajax, cela serait bien plus simple pour Christian de faire ses gammes en professionnel plus rapidement. Et ils ne s’étaient pas trompés, la suite de sa carrière le démontre :

Suite carrière professionnelle de Christian Eriksen

« Je pense que l’Ajax était le bon choix car il était «proche» du Danemark avec son jeune âge et une partie de la mentalité aux Pays-Bas était semblable au Danemark. Aussi, la façon dont l’Ajax a joué à l’époque correspondait parfaitement au style de jeu de Christian » – Joakim Mattsson

Il ne sera donc au final resté que 4 ans à l’OB Odense, jusqu’à fin 2008, sans avoir évolué en équipe première, faisant le choix d’aller dans un club encore plus développé. Mais cela aura été un passage clé pour lui en apprenant à se professionnaliser, avec de meilleures infrastructures que dans son club amateur. Et au cours de la suite de sa carrière, il sera resté le même toujours humble et n’oubliant pas d’où il vient. Notamment lorsqu’il a remporté le prix néerlandais du talent de l’année après sa première saison complète en 2010-11, où le prix permettait de construire un Cruyff Court où il souhaitait.

Christian a bien sûr choisi de construire ce petit terrain à 5 contre 5, dans sa ville natale de Middelfart, entre son école et son ancien club de football. Il y retourne souvent et chausse les crampons sur le terrain comme à la vieille époque, avec ses amis et des habitants de la ville. On peut y voir de nombreux enfants avec le maillot floqué Eriksen numéro 23, où il inspire les jeunes de sa ville à s’impliquer autant.

Christian Eriksen de retour là où tout a commencé, et où il construit déjà son héritage avec ce Cruyff Court. Crédit photo : site officiel club Middelfart.

Au sein de son ancien club de Middelfart, au clubhouse, on peut également retrouver de nombreux souvenirs du passage d’Eriksen dont son maillot dédicacé des Spurs. Fiers de lui, ils construisent son héritage, pour ne jamais oublier et donner un parfait exemple à suivre aux jeunes du club. Symbôle de réussite et de travail acharné.

Ce départ à l’Ajax de Christian Eriksen, aura donc conduit à une route différente de son ami Rasmus Falk, avec lequel il évoluait depuis ses débuts footballistiques. Falk n’aura pas eu la même carrière internationale qu’Eriksen, eux qui rêvaient de pouvoir se retrouver en sélection (1 seule pour Rasmus en 2013). Mais au niveau national il peut être fier de sa carrière où il sera resté à Odense jusqu’en 2016 pour rejoindre le FC Copenhague où il a remporté 2 titres nationaux et une coupe. Cela n’a rien entaché à leur grande amitié, où quand Christian revient au Danemark les deux se voient et repartagent des moments souvent loin du football pour décompresser et car leur amitié ne tenait pas qu’à cela.

Christian Eriksen et Rasmus Falk, retrouvaille en sélection en 2013 pour une seule fois. Crédit : Anders Kjærbye pour Football pictures.dk

Un public mondial regardera ce soir Christian Eriksen. Le petit de Middelfart a bien grandi, et a réussi son rêve d’en faire son métier et d’être au plus haut niveau. Et ce soir il peut le prouver davantage et rendre encore plus fiers les siens.

Au-delà de l’aspect financier, qui aura bien aidé ses clubs formateurs de Middelfat G&BK puis l’OB Odense, qui auront perçus des indemnités de formation et au prochain départ de Christian possiblement cet été en toucheront toujours, sa carrière actuelle est un exemple de réussite servant de références à ce club amateur et professionnel du football danois. Et vous pouvez être sûr que tous ces anciens coéquipiers dont Rasmus Falk, formateurs, et habitants de la ville, seront à fond derrière Eriksen pour le voir soulever la Coupe aux grandes oreilles, qui serait une fierté de plus.


Photo mise à la une : Hans Østergaard pour le média Fyens.dk

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