Chatouillés par une envie prononcée de voyage et de football scandinave, on a pris deux villes magnifiques, deux matchs alléchants, la possibilité de rendre un hommage mérité à Sven-Göran Eriksson, on a validé ça avec un vol low cost (ou censé l’être…) et quelques vêtements chauds, et hop ! Direction la Suède pour une superbe expérience groundhopping entre Stockholm et Göteborg ! Vous venez ?

Pas forcément évident, selon ses préférences footballistiques et météorologiques, de se dire « tiens, si on allait poser nos fesses sur des sièges froids de stades nordiques en avril, prendre quelques rafales de vent glacial sur le pif ! » Eh bah nous, on adore ça ! Et c’est à Göteborg, sur la côte ouest de la Suède, que nous allons vivre notre première rencontre de ce weekend rafraîchissant à plus d’un titre. Un Kamratderby entre deux IFK : ceux de Göteborg et de Norrköping, le samedi 20 avril. N’ayant pas de possibilité de trajet direct, nous choisissons de faire escale à Stockholm. Une journée ensoleillée dans les rues de Gamla Stan, quelques kilomètres de balade sur les différents quais de la ville et un saumon fumé à tomber par terre au coeur d’Östermalms Saluhall nous donneraient presque envie de rester. Mais la passion nous appelle à 500 kilomètres de là, et nous quittons (temporairement) la capitale de bonne heure le lendemain. Trois heures de train plus tard, nous voilà arrivés sur les rives du Göta älv, « le mauvais côté de la Suède », nous a-t-on dit fièrement à Stockholm. La deuxième ville du pays, plus grand port des pays nordiques, nous ouvre ses portes et déjà, sa jolie gare mérite que l’on se retourne et que l’on y jette un oeil avant de la quitter. Pourtant, avouons-le, un autre élément du décor attire immédiatement notre regard.

À deux encablures tout au plus, de l’autre côté de la rue et du canal Fattighusån, le Gamla Ullevi, -comprenez « le Vieux Ullevi »- brille sous le soleil. Ancré en pleine ville, juste à côté du Ullevi, qui lui n’est pas qualifié de vieux, mais est en fait plus vieux d’une cinquantaine d’années que le « vieux Ullevi », qui lui est récent, puisqu’il date de 2009… Bref. Le Gamla Ullevi n’est pas la plus impressionnante des arènes, mais il sent le foot ! GAIS, Örgryte IS, ou encore l’équipe nationale féminine y évoluent, en plus de l’IFK Göteborg. En s’approchant, on tombe sur la statue de Gunnar Gren, ancienne gloire de l’IFK, du Milan AC et de la Suède. Un petit passage au Blåvittshopen fait considérablement augmenter le budget du voyage, mais qu’importe ! Il nous tarde de revenir le jour du match. Entre-temps, Göteborg et ses environs offrent largement de quoi patienter. Du parc Slottsskogen au port, en passant par Skansen Kronan (fortin à la couronne), le quartier de Haga ou Stora Saluhallen, on prend plaisir à déambuler et découvrir les multiples charmes de la cité. Et quand la fraîcheur se fait sentir, il est toujours possible de profiter des nombreux cafés, bars ou simplement des beaux trams bleu et blanc, dont certains très anciens, pour se mettre au chaud. Bref, on adore !

Revenons à nos ballons ! Jour de match ! Ou matchdag comme disent les locaux. Rendez-vous est pris avec Juha et Erika, un couple de passionnés de Blåvitt rencontré au hasard de Twitter / X, lorsque nous avions besoin d’aide pour nos billets. Ces deux-là habitent plus au sud. Plus proche de Malmö que de Göteborg, en fait. Mais chut ! Quand il s’agit de football, Juha n’en est pas fier. Du coup, ce fidèle abonné parcourt quelque 600 kilomètres, dépassant les sept heures de route aller-retour pour chaque rencontre à domicile de Gustav Svensson et consorts. Et vu les difficultés de l’équipe depuis quelque temps, il l’avoue : « nous, les supporters de Blåvitt, nous sommes un peu masochistes ». Pour l’avant-match, ils nous emmènent au Trädgår’n, lieu de rassemblement des supporters Änglarna (les anges) à quelques pas du stade. Une salle de réception avec une belle terrasse donnant sur le… euh… Trädgårdsföreningen, parc du XIXème siècle au nom imprononçable mais néanmoins charmant. Ici, tout le monde est bleu et blanc, même les canettes de bière à l’effigie des vainqueurs de la Coupe UEFA 1982. À près de trois heures du coup d’envoi, l’ambiance monte au rythme des chants à la gloire du club chéri ou à l’encontre des rivaux. Nous, on savoure. On se retrouve même à parler français avec Jens, qui a fait ses études à Paris.

Une fois au stade, l’atmosphère chaleureuse devient très émouvante, lorsque démarre sur les écrans géants une vidéo consacrée à l’œuvre de Sven-Göran Eriksson, présent pour l’occasion. Gravement malade et affaibli, l’entraîneur qui a emmené Göteborg jusqu’à un triplé championnat – coupe de Suède – coupe UEFA en 1982 et offert ainsi au football suédois son premier titre européen, pénètre ensuite sur la pelouse, longuement acclamé tandis que le kop brandit un magnifique tifo à sa gloire. « Nous ne savons pas où ça finit, mais nous savons où ça commence », affiche-t-il. Le Snart Skiner Poseidon qui se lance alors s’apparente à une déferlante de frissons. L’hymne du club est chanté à tue-tête par Erika et les presque 17 000 personnes qui remplissent l’enceinte. Wow ! L’atmosphère se rafraîchit, tant dans le ciel que sur la pelouse légèrement blanchie par une averse de neige, quand Arnor Traustason donne l’avantage à Norrköping sur une merveille de coup franc. Mais dans les tribunes, les supporters restent chauds et sont récompensés par l’égalisation de la recrue Paulos Abraham peu avant la mi-temps. L’exclusion d’Anders Trondsen et le pénalty qu’il concède à l’heure de jeu compliquent la tâche des locaux, mais le tout jeune gardien Elis Bishesari (18 ans) sort le grand jeu – et le pénalty – pour préserver le match nul.

Après un sympathique début de soirée à refaire le football et échanger sur nos pays respectifs avec Erika, Juha, Jens et leurs amis Änglarna, il est temps pour nous de rejoindre notre hôtel, et Stockholm dès le lendemain matin. « Le mauvais côté de la Suède » nous dit-on ici aussi… Décidément ! Départ à 8h24 pour arriver dans la capitale avant midi. Pas le temps de niaiser ! Une fois les valises déposées, direction Solna et la Friends Arena pour un Tvillingderbyt entre l’AIK et Djurgården qui promet ! L’affiche est toujours l’un des, voire le match le plus attendu d’Allsvenskan ! Dans les rues, on croise d’innombrables fans aux couleurs du « derby des jumeaux ». Noir et jaune d’un côté, bleu marine et ciel de l’autre. Les transports en commun sont communs, justement. Et tout se passe sans encombre malgré la rivalité historique. On trouvera même des groupes d’amis et des familles partagés entre maillots et écharpes des deux camps. Au cas où certains en douteraient, Stockholm est une ville de football. À la sortie du train de banlieue qui nous emmène près du stade, il nous reste une dizaine de minutes de marche à effectuer, à travers le Mall of Scandinavia, gigantesque centre commercial qui se transforme en fan zone pour chaque match des Gnaget.

Contrairement au Gamla Ullevi, la Friends Arena est donc située dans une aire découpée entre immeubles de bureaux, zone commerciale et un grand complexe de fret ferroviaire. Vaisseau argenté de l’extérieur, elle impressionne lorsqu’on accède aux tribunes. L’écran central à quatre faces rappelle le show des salles de NBA. La structure gigantesque permettant de fermer le toit, associée aux sièges noirs, ajoute à l’impression d’avoir pénétré dans un immense engin extraterrestre. Que nenni ! Aucune autre planète ne saurait nous offrir une ambiance aussi folle, ni des animations de la qualité de celles de nos Tvillingderby ! Voir un tifo tel que celui des ultras de l’AIK s’élever d’une tribune est déjà superbe. Mais en voir un autre naître d’un parcage adverse plein à craquer, c’est encore plus beau ! Et quel boucan ! Que ce soit avant ou pendant le match, les deux kops s’affrontent à coups de chants, d’amabilités et de cris de soutien à leurs protégés. L’hymne local « Å vi e AIK » est là aussi repris par l’ensemble des supporters de Solna qui nous offrent un moment magnifique. À la mi-temps, fusées et fumigènes jaunes coloreront la tribune nord sous nos yeux ébahis.

Sur le terrain, les Gnaget (appelés ainsi depuis les années 1920 parce qu’après plusieurs lavages, leurs maillots prenaient une teinte délavée rappelant celle d’une espèce de rongeur) sont au diapason de leur public. Ils mettent la pression sur le DIF, malgré un bon Samuel Dahl dans son couloir gauche. Et Djurgården finit par craquer en deuxième période, sur des buts de Pittas et Celina. Au coup de sifflet final, l’Arena est en fusion et les chants se poursuivent à l’extérieur de l’enceinte. Alors que la foule se disperse petit à petit, nous laissons derrière nous Solna, le Gamla Ullevi et l’Allsvenskan. Mais juste le temps de profiter encore un peu du séjour, puis de rentrer. Car le foot suédois, quand on y goûte, on ne le lâche plus. Parce que c’est un football de passion, conscient d’être encore loin des meilleurs, mais qu’on aime sans compter. Un football dans lequel les fans ont leur mot à dire, tant dans le capital des clubs que dans les règles qu’il applique, comme en a attesté récemment leur refus du VAR. Ici, on revendique un football qui tente encore de résister à l’argent à outrance et à la multipropriété. Mais est-ce possible ? Si oui, pour combien de temps encore ? Ce qui est certain, c’est que le cœur du public suédois est une force inestimable et que le spectacle offert en tribunes, chaque semaine, mérite un regard et une oreille tendue. Laissez-vous emporter ! Laissez-vous frissonner ! Et comme nous après ce week-end, vous n’aurez plus que deux mots à la bouche :

Tack, Sverige !

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