Antoine Lemarié, milieu de terrain de 25 ans au parcours très atypique revient avec nous sur son aventure débutée à Singapour. Actuellement en troisième division finlandaise, l’ancien étudiant en journalisme réalise un rêve éveillé malgré un chemin qui était jonché d’obstacles.

Pourrais-tu te présenter et décrire ton parcours ?

Moi c’est Antoine Lemarié, j’ai 25 ans, je viens de finir ma saison, en Finlande, avec le club du FC Vaajakoski. J’ai fait des études de journalisme, et je me suis tourné vers le foot professionnel pendant mes études. Je suis d’abord parti pour essayer de jouer à Singapour, ça ne l’a pas fait, ensuite j’ai signé en Australie, en deuxième division. Après je suis revenu en France pour terminer mes études, il me restait un an donc j’ai validé mes études et ensuite j’ai voulu repartir jouer au foot. Je suis parti en Angleterre, en sixième division mais ça n’a pas bien marché non plus. Donc je suis parti en Finlande et je viens de finir ma deuxième saison en Finlande.

Justement, pourquoi préfères-tu jouer en Finlande plutôt qu’en France ?

Tout simplement parce que mon but est de faire du football au niveau professionnel, et comme on est un pays de football très développé avec des joueurs qui ont un niveau exceptionnel, la concurrence est extrêmement rude. Moi je n’ai jamais vraiment eu l’opportunité de percer en France, je n’ai pas fait de centre de formation, je n’ai pas eu le parcours du professionnel en France. C’est pour ça que je me suis tourné vers l’étranger, vers des pays qui sont peut-être un peu moins connotés foot et voilà pourquoi je suis venu en Finlande. Bien sûr que si j’avais le niveau pour jouer à un niveau professionnel, en France, je ne m’en priverais pas et je serais en train de jouer en France. Donc je ne joue pas en Finlande par défaut mais finalement c’est une expérience.

Y a-t-il un pays dans lequel tu aimerais jouer plus tard ?

La France par exemple si c’était au niveau professionnel, mais sinon dans des pays qui paraissent plus abordables pour moi au niveau professionnel, en Asie. Pour avoir pu goûter à cette expérience quand je suis parti en essai à Singapour, c’est vraiment quelque chose qui m’a beaucoup plu. Il y a une vraie ferveur dans les pays comme la Thaïlande, la Malaisie, et si je pouvais atteindre un niveau professionnel là-bas, ce serait super intéressant pour moi. 

Est-ce possible d’être professionnel en D3 finlandaise ou as-tu un travail à côté ?

C’est possible, je sais qu’il y a quelques joueurs qui arrivent à en vivre mais c’est une grande minorité. Moi pour le coup je ne peux pas vivre complètement du foot, donc j’ai bossé à côté un petit peu cette saison, ça n’a pas été facile car il y a des moments où j’ai réussi à trouver un job mais il y aussi eu des moments où je me suis retrouvé sans rien donc parfois c’est compliqué…

As-tu déjà rencontré des personnes qui ont un parcours similaire au tien, qui n’ont pas fait de centre de formation mais qui souhaitent devenir professionnel ?

Oui, dans ce championnat on était quatre français, il y en a un qui a fait un centre de formation mais il y en a deux autres qui n’en ont pas fait et qui essayent à tout prix de devenir pro. Il y en a quelques-uns qui tentent ce pari.

As-tu déjà joué avec des Français dans des clubs à l’étranger ?

Oui, quand j’étais en Australie j’ai fait des essais avec des Français. Je n’ai pas joué avec eux finalement. Quand j’étais en Angleterre il n’y en avait pas, et c’est ici en Finlande où j’en ai vu le plus. Cette saison on était trois français dans trois équipes différentes et un quatrième qui jouait dans le même championnat mais dans un autre groupe puisque notre championnat est divisé en trois groupes. Il y en a un autre encore qui jouait dans la division supérieure, en Ykkönen, (deuxième division finlandaise). On s’est tous rencontrés, parfois quand on avait des week-ends off on s’est fait des petits week-ends entre français parce qu’on vit la même chose ici, donc c’est intéressant.

Quand tu les croises sur un terrain, échangez-vous avant le match, après le match ?

Oui complètement, avant ça on ne se connaît pas mais quand on s’aperçoit que dans le même championnat, en troisième division finlandaise, forcément sur les réseaux sociaux on se contacte. On arrive à se parler donc ça n’a jamais été par surprise que j’ai joué contre un Français, on avait déjà échangé avant. Et donc on s’est même rencontré pour des week-ends hors foot, ça a même créé une petite cohésion entre les Français d’ici et parfois on s’entraide s’il y en a un qui n’a plus de club, il y a un peu de solidarité qui se crée entre nous.

Vois-tu un avantage à jouer en Finlande plutôt qu’en France ?

Pour moi l’avantage est clairement de jouer à un niveau auquel je ne pourrais pas jouer en France. Au niveau de l’organisation, du professionnalisme du championnat, tous nos déplacements sont très bien organisés. En France, je jouerais en N2 ou en N3. Ici tous nos matchs sont filmés de manière extrêmement professionnelle, mon équipe avait l’avantage d’avoir un caméraman réalisant des vidéos de qualité donc c’est quelque chose que je n’aurais pas eu en France par exemple. C’est important puisque lorsqu’on veut signer dans un club on nous demande souvent une vidéo donc pour moi c’est un gros avantage. Même si on est « qu’en » troisième division finlandaise, on est tout de même répertoriés sur tous les sites professionnels (Transfermarkt), on est présents sur Football Manager. Donc c’est vraiment très sérieux et bien organisé.

Préférerais-tu jouer dans un petit pays en première division ou en France à un niveau inférieur ?

Un petit pays en première division. C’est quand même stylé je trouve de jouer dans une première division, et puis ce que j’aime bien aussi dans cette aventure là c’est que je peux jouer dans des grands stades et il y a une super ambiance quand il y a du public qui vient. Donc ça je suis plus susceptible de le retrouver dans une première division même si c’est dans un pays moins foot peut-être que si tu vas jouer dans une N2 ou une N3 en France où tu ne vas pas forcément jouer dans des stades incroyables…

Souhaiterais-tu continuer dans un pays scandinave, en Finlande, ou pas forcément ?

Franchement je ne ferme aucune porte. Après là ça fait deux saisons que je joue en Kakkonen, je pense que je ne continuerai pas une troisième saison en Kakkonen. Si je reste en Finlande ce serait vraiment parce que j’ai l’opportunité d’aller jouer plus haut, soit Ykkönen soit qui sait, peut-être encore plus haut mais restons raisonnables pour l’instant, au moins Ykkönen, je pense qu’il y a des possibilités. Mais je ne verrais pas signer une troisième saison dans le même championnat, à mon âge. J’ai envie de franchir encore un palier supplémentaire donc à voir, je dis ça maintenant mais si ça se trouve à la fin du mercato je serai en galère et je signerai à nouveau dans un club de Kakkönen. Mais ce n’est vraiment pas mon objectif pour l’instant. Je me dis que si c’est la seule solution alors je préfère aller chercher dans un autre pays.

A la fin de la saison ton contrat se termine, tu ne penses pas prolonger avec JJK ?

Non, je ne pense pas parce qu’en plus JJK est le club avec lequel j’ai signé initialement mais au bout de deux matchs je suis parti en prêt dans l’autre club de la ville, Vaajakoski. Donc j’appartiens toujours à JJK mais mon contrat se termine et en soit je n’ai joué que 30 minutes lors d’un match de championnat avec eux. La manière dont ça s’est passé avec le coach ne m’a pas donné envie de continuer… Après ça reste un bon club de Finlande et ils viennent de changer tout le management comme ça c’était mal passé avec le coach donc à voir si je n’ai rien… Mais comme JJK reste en Kakkönen, ce n’est pas du tout ma priorité.

Quelle suite veux-tu donner à ta carrière ?

Mon but est de réussir à vivre complètement du foot, pour ne pas être obligé de bosser à côté donc si je pouvais faire ça, ce serait top. Néanmoins, j’aimerais pouvoir en vivre mais pas à n’importe quelles conditions, je ne voudrais pas être dans une ville ou un pays qui ne me plaît pas du tout. Lorsque j’ai commencé cette carrière, j’avais mon diplôme de journalisme donc j’aurais pu me diriger tranquillement vers le métier de journaliste. Si je suis devenu footballeur, c’est avant tout pour me faire plaisir puisque c’est ma passion, le but premier est de me faire plaisir, ce n’est pas tout pour l’argent ! J’avais eu un essai en Suède l’an dernier dans un trou perdu, avec un bon salaire mais je ne suis pas prêt à accepter n’importe quoi… L’objectif serait d’allier le professionnalisme au cadre de vie.

Quand on a un parcours comme le tien, comment fait-on pour être repéré ?

Grâce à la vidéo uniquement mais quand j’ai commencé, comme je venais d’un club amateur je n’en avais pas. On n’est pas souvent filmé, voire jamais. J’ai pu commencer par le biais d’un voyage à Singapour où j’ai rencontré quelqu’un qui m’a vu jouer, et je lui ai parlé de mon envie de devenir footballeur. M’ayant vu jouer, il m’a conseillé de tenter ma chance donc ça s’est lancé comme ça et j’ai ainsi pu faire quelques essais. A ce stade de ma carrière, ça dépend complètement de la vidéo et du CV. C’est ce que demandent en priorité les clubs. Dans notre championnat, en Finlande, ça reste un petit milieu dans lequel tout le monde se connaît donc si tu as bien joué une saison là, on peut entendre parler de toi assez rapidement même sans envoyer ta vidéo. Les coachs regardent un peu partout en Finlande, une fois que tu es dans le truc, c’est lancé. 

Utilises-tu un réseau social comme Linkedin pour te faire connaître ?

J’utilise Linkedin mais personnellement ça ne m’a encore jamais servi, mais j’ai des amis, notamment français pour qui ça a parfois servi. D’ailleurs en Finlande, lorsque tu es un joueur sans agent et sans contrat, ils ont un site internet qui est organisé par la fédération finlandaise de football où l’on doit payer 40 euros par an pour être répertorié comme un joueur libre et disponible pour retrouver un contrat. Tu peux mettre ton profil avec ta vidéo et ton parcours. Tous les clubs y ont accès et peuvent te trouver là-dessus et c’est comme ça que JJK m’a recruté l’an dernier ! C’est un autre moyen de se faire recruter lorsque l’on est sans agent.

Quels conseils donnerais-tu à des Français qui galèrent dans les divisions inférieures et qui rêvent de devenir professionnel ?

De partir à l’étranger tout simplement ! Après je sais que ce n’est pas facile pour tout le monde ; on peut se retrouver loin de sa famille, de ses amis… Il y a de gros moments de doute quand ça ne marche pas tout de suite. Au départ, tu vas galérer sachant que tu as un niveau régional, forcément on ne va pas t’ouvrir les portes comme si tu étais Messi ! Il faut d’abord faire des essais, il peut y avoir des échecs… Il faut vraiment bien s’accrocher pour partir et une vraie dose de motivation, il faut être sûr que l’on veut faire ça. Mais une fois que c’est parti et qu’on est dans le système, ça vaut le coup ! 

Y a-t-il des joueurs francophones au parcours sortant des sentiers battus avec lesquels tu t’es lié d’amitié ?

Oui il y en a quelques-uns, cette saison j’ai rencontré Killian Denoual qui joue en deuxième division ; après avoir été formé au Stade Malherbe de Caen, il n’a pas signé pro et il est donc venu jouer ici, en Finlande. Ce n’est pas forcément le choix auquel on pense tout de suite. Le club ou il jouait cette saison était assez proche du mien, ça nous a permis de nous soutenir l’un et l’autre lors de quelques matchs et de s’entraider ! Il y en a d’autres que j’ai découvert via Nordisk Football… J’avais lu cette interview de Yoann Fellrath en Suède, qui casse la baraque cette saison d’ailleurs ! Je l’avais donc contacté, on a pas mal échangé. Dès que je trouve un article sur un joueur avec un parcours similaire au mien, j’essaye de rentrer en contact et les mecs sont plutôt ouverts puisqu’on est peu à faire ça donc il y a une sorte d’entraide entre ce genre de joueurs.

Quel type de personne, de joueur es-tu dans un vestiaire ? 

En Finlande c’est compliqué d’être extraverti, cette saison j’étais le seul étranger de mon club… Ca parle beaucoup finnois autour de moi même s’ils font souvent l’effort de parler anglais. Mais le naturel revient au galop et ils parlent finnois entre eux donc je me retrouve dans ma bulle en ne comprenant rien autour de moi, c’est compliqué. Je suis généralement le genre de joueur apprécié par les coéquipiers puisque je ne fais jamais de vagues à l’entraînement et j’ai toujours la réputation du « Frenchie », en plus je m’appelle Antoine et j’ai les cheveux longs, on m’appelle toujours Antoine Griezmann ! C’est un peu la réputation qui me colle à la peau dans les clubs à l’étranger… 

As-tu eu des problèmes pour t’intégrer dans certains clubs à cause de la barrière de la langue ?

Honnêtement, non, j’ai commencé mon aventure à 20 ans, j’en ai maintenant 25 donc mon anglais est maintenant bien rodé. Certains joueurs ne parlent pas anglais donc je communique forcément moins avec eux. Il y en a toujours quelques-uns avec qui on s’entend mieux que d’autres et on noue des liens. Je n’ai jamais eu de problèmes pour m’intégrer, je suis quelqu’un de sociable et je n’ai pas de mal à aller voir les gens. C’est aussi ce que j’aime dans ce projet, pouvoir faire des rencontres, c’est intéressant. Je ne suis pas du tout dans l’optique de faire ma saison en me mettant dans ma bulle, c’est toujours cool de se faire des potes.

As-tu appris la langue locale dans les pays où tu as joué ?

En Australie et en Angleterre ça parlait anglais. La Finlande est le premier pays dans lequel je joue où on ne parle pas anglais. La saison dernière je n’ai pas vraiment parlé finnois mais cette saison j’ai la chance d’apprendre la langue assez intensivement, depuis deux ou trois mois, tous les jours de la semaine de 9 heures à 13 heures. C’est une langue très compliquée mais je commence à progresser et c’est bien de pouvoir la parler puisqu’il y a eu de nombreux discours et analyses vidéo que mon coach a fait en finnois, c’est dommage parce que j’aurais pu comprendre. C’est bien d’apprendre une nouvelle langue et ça peut m’être utile si je reviens l’année prochaine… 

Quelles sont tes qualités et tes points à améliorer sur le terrain ?

Mes points à améliorer sont le jeu de tête, ça c’est sûr, il faudrait que j’améliore la vitesse, je commence à devenir un peu lent, ça c’est l’âge ! [rires] Parfois prendre une décision plus rapidement, ça m’arrive de garder trop longtemps le ballon. Je dirais que mes qualités sont la technique et la frappe de balle. 

En dehors du football tu as fait une école de journalisme pour devenir commentateur sportif, tu voudrais continuer dans cette voie après ta carrière ?

Ah ça aurait été le graal, c’était le rêve ultime ! Ça reste mon projet de retraité sportif… C’est dans ce domaine que j’ai eu mon diplôme, j’ai pu faire quelques stages et j’ai déjà lié quelques liens dans le journalisme. Après je sais que ça va être difficile d’y retourner après des années sans pratiquer mais c’est aussi pour ça que j’ai lancé ma chaîne Youtube parce que ça lie ma carrière footballistique et ma carrière de journaliste. Ça m’a aussi permis de faire des interviews, d’aller sur RMC, donc ça fait la jonction entre les deux. Donc dès que je n’aurais plus envie de jouer au football au niveau professionnel, j’essaierai d’aller vers le journalisme sportif. 

Que peut-on te souhaiter pour la suite ?

Sportivement, de trouver un club à la hauteur de mes ambitions et pourquoi pas un contrat professionnel qui me permette de ne pas avoir à travailler en parallèle, ce serait top. Si en plus c’est dans un coin qui serait cool à vivre, c’est idéal !


Un grand merci à Antoine Lemarié pour cet échange ainsi que sa disponibilité et sympathie. Nous lui souhaitons le meilleur pour la suite de sa carrière en accomplissant ses objectifs !

Vous pourrez le suivre et lui donner de la force sur son compte Instagram et sur sa chaîne Youtube.

Profil Transfermarkt

Profil Soccerway

Laisser un commentaire