Après plus de vingt ans d’une carrière diverse et prolifique, l’un des meilleurs footballeurs scandinaves (si ce n’est le meilleur) vient de raccrocher ses crampons. Parti de Malmö, sa ville natale, Zlatan a cherché à conquérir le monde. D’Amsterdam à Milan, de Turin à Manchester, de Paris à Los Angeles, le Suédois a gagné partout où il est passé. Nordisk Football vous propose une série spéciale de huit papiers pour retracer son immense parcours, de son enfance à sa fin de carrière en passant par la sélection.
Juventus FC (2004/2006)
La Juventus réussit un gros coup en l’attirant dans ses filets. À seulement 23 ans, le Suédois arrive dans un top club européen. Il s’agit d’une étape importante dans sa jeune carrière. Le calcio est une place forte du Vieux Continent. La concurrence est plus forte qu’à Amsterdam. Mais Ibrahimović balaie vite les doutes autour de son transfert. Rapidement titularisé en raison des problèmes physiques de David Trezeguet, Zlatan marque lors de sa première apparition sous le maillot bianconero à Brescia. Sous les ordres de Fabio Capello, le Suédois s’endurcit et apprend le goût de la victoire à tout prix : fino alla fine. Le duo formé avec Alessandro Del Piero est létal pour les adversaires de la Juve. Les deux attaquants marquent la bagatelle de trente buts à eux deux, respectivement seize pour Zlatan et quatorze pour Pinturicchio. Il gagne vite un surnom : Ibracadabra pour sa propension à inventer des dribbles et marquer des buts magiques. Le club turinois s’adjuge la Serie A * devant les deux équipes milanaises (AC Milan et Internazionale). Néanmoins, Liverpool stoppe la Vecchia Signora en quart de finale de Champions League. Vers la fin de la saison, la Juventus aurait rejeté une offre de 70 millions d’euros en provenance du Real Madrid. Cependant, il s’agit d’un coup de pub initié par Mino Raiola, son agent, afin d’augmenter sa valeur marchande. À la fin de sa première saison italienne, Ibrahimović est désigné comme le meilleur étranger de l’année en Serie A.
Pour sa deuxième saison turinoise, Zlatan évolue dans une position plus reculée. Moins finisseur avec seulement sept buts à son actif, il joue dans un rôle de passeur pour laisser la pointe au Français David Trezeguet. En novembre 2005, il reçoit le Guldbollen, récompensant le meilleur footballeur suédois de l’année. Si la Juve conserve son titre en Italie, elle sort prématurément contre Arsenal qui l’élimine en quart de finale de la Champions League (2-0 / 0-0). Suite à l’affaire du Calciopoli, le club est lourdement sanctionné par les autorités sportives transalpines. Rétrogradé en Serie B, le club de Turin conserve plusieurs cadres de l’équipe comme Buffon, Del Piero, Trezeguet … Ibrahimović, lui, décide de quitter le club pour ne pas connaître de frein dans sa progression. Il engage alors un bras de fer avec ses dirigeants pour quitter le club. Après plusieurs semaines de tensions, il parvient à ses fins et rejoint… l’Inter Milan en compagnie de son coéquipier Patrick Vieira. Cet épisode met fin à son parcours bianconero. En partant pour l’un des rivaux de la Juve, il s’attire les foudres des tifosi bianconeri qui le traite de mercenaire et lui dédie cette chanson : « Ora tutta quanta la curva cantera per te, Zlatan sei un zingaro …» (« Tout le virage chante pour toi, Zlatan tu es un gitan… »).
Internazionale Milan (2006/2009)
Pour un peu moins de 25 millions d’euros, l’Inter s’offre les services du buteur suédois. Pour bien débuter avec ses nouvelles couleurs, il remporte la Super Coupe d’Italie face à la Roma (4-3 ap). Pour son premier Derby della Madonnina contre le Milan, il se met les tifosi dans la poche en marquant le troisième but lors d’une victoire 4-3. Par la suite, Zlatan devient l’un des protagonistes du Scudetto acquis à cinq journées de la fin avec 97 points grâce à ses quinze buts et cinq passes décisives en vingt-sept matchs. Bien intégré dans l’effectif, il vole même la vedette à Adriano jusque-là « chouchou » de San Siro et devance son coéquipier Hernán Crespo au classement des buteurs. Son style de jeu spectaculaire alliant puissance et finesse séduit les tifosi. L’UEFA l’inclut dans l’équipe type de 2007 d’après un sondage sur le site de l’instance européenne. La saison 2007/08 se poursuit sur les mêmes bases que la précédente. Le Suédois accumule les buts (17) et les assists (11). En septembre 2007, il fête son centième match en Serie A par une victoire à domicile contre Catane (2-0). Et ses bonnes prestations lui permettent de décrocher un contrat très lucratif faisant de lui le footballeur le mieux payé du monde. Elles lui permettent également de conquérir un autre Scudetto en fin de saison. Il est logiquement élu meilleur joueur et étranger de l’année de Serie A.
Maintenant âgé de 27 ans, le Scandinave est dans une forme optimale. Cette plénitude se retrouve dans ses performances en championnat. Encore une fois, il survole la Serie A avec un total de buts record de 25 buts. Cette régularité lui permet de guider à nouveau les Nerazzurri vers le sommet. Le buteur signe quelques réalisations spectaculaires qui restent dans toutes les mémoires comme ce but contre Bologne où bien servi par Adriano il marque d’une talonnade aérienne, comme contre la Roma où bien lancé en profondeur sur le côté droit il lobe Doni en dehors de la surface, comme contre Palerme où il récupère une remise hasardeuse de Julio Cruz et adresse une frappe surpuissante à longue distance qui trompe le portier sicilien. Avec une troisième conquête consécutive, l’Inter remporte son dix-huitième titre. Les rumeurs de transfert se multiplient et l’envoient aux quatre coins de l’Europe. Et les mauvaises performances en Europe du club depuis son arrivée commencent à peser dans son choix. Éliminé en huitièmes de finale contre Valence (2-2 / 0-0), contre Liverpool (2-0 / 0-1) puis contre Manchester United (0-0 / 0-2), le club milanais n’arrive pas à rivaliser avec les meilleures formations européennes. Son désir de remporter la Champion’s League va avoir un lourd impact dans son envie de changer d’air après cinq années en Italie. Élu meilleur joueur et étranger de l’année de Serie A pour la seconde fois consécutive, le Suédois file vers la Catalogne et Barcelone pour rejoindre le Champion d’Europe en titre. (à voir dans l’épisode 4)
AC Milan (2010/12 et 2020/2023)
Après une année mitigée en Espagne, Zlatan demande son transfert et indique aux dirigeants barcelonais son intention de partir pour le Real Madrid. C’est un coup de bluff. En fait, Mino Raiola négocie déjà depuis quelques temps avec l’AC Milan. Soucieux de ne pas perdre la face devant leurs socios, le staff catalan est désormais enclin à discuter avec l’équipe lombarde. Finalement, le deal est conclu dans les derniers jours du mercato par un prêt avec option d’achat de vingt-quatre millions d’euros. Il s’agit de la pire opération financière du Barça avec une énorme moins value à la clé. Ce mouvement vers le club rival de son ancienne équipe nerazzurra ne l’inquiète pas comme il le déclare lors de sa présentation : « Les supporters de l’Inter ? Je ne crois pas qu’ils pensent à moi étant donné qu’ils ont tout gagné ». Cependant, la nouvelle n’est pas bien accueillie par ses anciens tifosi. Pour ses débuts contre Cesena, il a l’occasion de marquer son but rossonero mais manque son penalty. Ce n’est que partie remise. Il trouve la faille quelques jours plus tard contre Auxerre en Champion’s League. Mi-novembre, Zlatan entre dans le club très fermé * des joueurs à avoir marqué pour les deux clubs milanais dans le Derby della Madonnina et offre la victoire au Milan (1-0). À la fois buteur et passeur, le Suédois devient un élément primordial du schéma tactique composé par Allegri. Comparé à la légende milanaise Marco van Basten par les médias et van Basten lui-même, Ibra s’offre un nouveau Scudetto aux dépens de la Roma avec un bilan personnel global très satisfaisant de 14 buts et 12 passes décisives.
C’est son huitième titre national consécutif. L’option d’achat est levée par Milan et le Scandinave est désormais sous contrat jusqu’en 2014. La saison suivante démarre à Pékin par un nouveau sacre en Supercoupe contre l’Inter où il inscrit l’égalisation (2-1). L’édition 2011/12 est, d’un point de vue personnel, l’une des meilleures saisons italiennes de Zlatan avec un total de buts de 28 en championnat et de 35 toutes compétitions confondues. Paradoxalement, cette efficacité ne lui permet pas de conquérir un autre Scudetto. À la lutte avec la Juventus, le Milan s’incline dans les dernières journées après un mano a mano qui aura duré toute la saison. Comme lors de son séjour interiste, le Scandinave ne parvient pas à conquérir l’Europe. Sorti en huitièmes contre Tottenham (0-1 / 0-0) puis en quarts contre Barcelone (0-0 / 3-1), la Champion’s League se refuse à lui. De plus, Milan est une équipe en fin de cycle aux finances exsangues. Lors de l’intersaison 2012/13, de nombreux cadres tels que Gennaro Gattuso, Filippo Inzaghi, Alessandro Nesta, Clarence Seedorf, Mark van Bommel et Gianluca Zambrotta quittent le club. Les offres XXL du PSG pour Thiago Silva et Ibra décident le Milan à se séparer de leurs joueurs vedettes pour renflouer les caisses et se délester de deux énormes salaires. Zlatan va découvrir un nouveau pays : la France (à voir dans l’épisode 5).
Après son intermède américain (à voir dans l’épisode 7), Ibra n’est pas encore rassasié de football. Âgé de 38 ans, il a toujours envie de prouver. Ce retour au Milan est marqué par son désir d’aider un club qui lui est cher. Au milieu de cette saison 2019/20, le Diavolo n’est pas au mieux de sa forme. L’équipe pointe à la onzième position et compte déjà huit défaites en dix-sept journées. L’impact du Suédois va être immédiat. Buteur lors de sa seconde apparition, Ibrahimović entre dans l’histoire. Avec cette réalisation, il a marqué dans quatre décennies différentes (1990, 2000, 2010 et 2020). Le vétéran nordique se distingue lors du Derby della Madonnina en devenant le plus vieux buteur de l’histoire du derby milanais à l’âge de 38 ans et 129 jours, battant le précédent record établi par son compatriote Nils Liedholm. Le 26 mars 1961, Liedholm avait marqué à l’âge de 38 ans et 43 jours. Milan remonte au classement et flirte avec la zone de qualification européenne. Après la pause causée par la pandémie de COVID 19, les Rossoneri font un carton plein en multipliant les succès (9V et 3N) pour finir à la sixième place. En une demi-saison, Zlatan incarne parfaitement son rôle de leader et claque onze buts en vingt matchs de Serie A. Un retour réussi et bénéfique pour Milan. Il devient le joueur le plus âgé à avoir marqué au moins 10 buts dans une saison de Serie A, dépassant Silvio Piola.
Après des semaines de négociations, il renouvelle son contrat jusqu’au 30 juin 2021. Quand les médias lui demandent si le Suédois va encore continuer de jouer, il répond ironiquement : « Ils disent que je suis vieux, mais je suis juste à l’échauffement. Je suis comme Benjamin Button, j’ai toujours été jeune, jamais vieux ». L’histoire de Zlatan avec Milan n’est donc pas encore finie. Et elle se poursuit en Europa League, un première pour lui sous le maillot rossonero, par une victoire sur Shamrock Rovers (2-0) où il marque l’un des buts qualifiant Milan pour le troisième tour préliminaire. Après un début de saison canon en Serie A, les Milanais retrouvent la place de leader trop longtemps inaccessible ces dernières années. Grâce à son doublé contre l’Inter, il améliore son record de plus vieux buteur de l’histoire du derby à 39 ans et 14 jours. Contre Naples, il fait tomber un nouveau record en devenant le joueur le plus âgé à marquer au moins 10 buts lors des 8 premières journées de Serie A, effaçant des tablettes Silvio Piola (1942-1943). Le 7 février 2021, il inscrit ses 500ème et 501ème buts en carrière et devient ainsi le troisième footballeur de ce millénaire à atteindre ce cap. Malheureusement, le train d’enfer imposé par les Nerazzurri de Conte plombent les espoirs de titre du Milan. Dauphin du champion, le club se qualifie pour la Champion’s League 2021/22, une première depuis huit ans.
Alors que l’Italie pense assister à un nouveau règne nerazzurro, le Milan de Pioli déjoue les pronostics et réalise une saison 2021/22 exceptionnelle. Si Zlatan joue moins et n’a plus des stats délirantes, il impacte l’effectif par son charisme et son volontarisme. Toujours très professionnel malgré quelques pépins physiques, il joue à fond son rôle de grand frère notamment au près de Rafael Leão qu’il prend son aile. Champion d’Italie, à la surprise générale (par rapport aux pronostics du début de saison), le Suédois remporte sa cinquième couronne nationale dans son pays d’adoption. Si le géant suédois continue sa carrière lors de la saison suivante, les blessures à répétition l’empêchent de jouer un rôle conséquent. Avec seulement quatre matchs de Serie A pour un but, il est plus un adjoint officieux de Pioli qu’un vrai joueur de l’effectif. A l’issue d’une saison où l’essentiel est assuré avec une nouvelle qualification en Champion’s League et une demi-finale européenne perdue contre les rivaux historiques de l’Inter, le fantasque suédois annonce son départ à la retraite après le dernier match de la saison contre Verona, dans un San Siro ému à souhait et acquis à sa cause. « C’est le moment de dire au revoir au football, pas seulement à vous. Il y a trop d’émotions maintenant, allez Milan et au revoir » Sur la chaîne du club, Stefano Pioli déclare : « On ne peut que le remercier pour tout ce qu’il a fait pour nous. Et c’est triste qu’un champion comme ça ne joue plus au football ». Sur son Instagram, il écrit : « Je suis né à Malmö. J’ai grandi à Amsterdam. Je suis devenu plus sage à Turin. Je suis devenu un lion à Barcelone. J’ai grandi à Milan et j’ai acquis de nouvelles perspectives à Paris. J’ai acquis de l’endurance à Manchester et je me suis amusé à Los Angeles. Et puis, finalement, j’ai trouvé la paix dans ma nouvelle maison à Milan ». Il poursuit : « L’héritage que j’espère laisser derrière moi, ce sont tous les nouveaux Zlatan que j’ai faits. Tous ceux qui ont un cœur de lion. Tous ceux qui ont le feu qui brûle dans leurs yeux. Tous ceux qui comprennent vraiment que l’impossible n’est rien ».
À suivre …
* Les deux titres acquis avec la Juventus sont retirés à postériori suite à l’affaire du Calciopoli.
* Avec Ibrahimović, ils sont seulement cinq à avoir marqué pour les deux équipes : Enrico Candiani, Aldo Cevenini, Giuseppe Meazza et Ronaldo
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