Ballon d’Or 1977,  Allan Simonsen est l’unique joueur nordique présent sur la glorieuse liste des vainqueurs de la célèbre sphère dorée. Avec sa petite taille et son gabarit poids plume, il évitait les joueurs et les tacles avec virtuosité. Mais ne vous y trompez pas, Simonsen était très combatif sur les terrains comme l’indique son surnom : « The Bull » 

« Ce n’est pas la taille qui compte » Vous connaissez tous cette petite phrase. Mais elle s’avère exacte concernant Allan Simonsen. Malgré son mètre soixante cinq, cet attaquant de poche s’est forgé un solide palmarès. Traumatisant en masse les défenseurs adverses incapables de le stopper. Retour sur la carrière de ce « grand » monsieur du football danois.

Premiers pas

Vejle, cette ville danoise située dans la péninsule du Jutland et dont le nom signifie « passage à gué » s’est développée autour des rivières Vejle et Grejs. Connue pour son industrie de filature du coton, elle a même été surnommée  la « Manchester du Danemark ». En décembre 1952, Allan Simonsen y voit le jour. Rapidement, le jeune garçon tape dans un ballon avec le Vejle FC. Et dès 1963, il rejoint le club phare de la ville : le Vejle Boldklub. Petit à petit, il progresse passant des équipes de jeunes jusqu’à l’équipe première.

« J’ai toujours dû me battre pour tout. Je viens d’une famille qui vient de Vejle, où mes parents ont beaucoup travaillé. Il n’y avait pas beaucoup d’argent. » – Allan Simonsen

À 17 ans, il participe avec son club à un grand tournoi international à Düsseldorf. Il brille de mille feux. Sacré meilleur buteur et meilleur joueur du tournoi, il subjugue Hennes Weisweiler, l’entraîneur du Borussia Mönchengladbach. Le technicien allemand, venu superviser les jeunes de son club également présents, le surveille de près dorénavant.

En mars 1971, ses grands débuts se soldent par une victoire (3-1) à domicile contre Karlskoga FF.  Et pour sa première saison, il remporte le championnat du Danemark. Ce n’était plus arrivé depuis 1958. L’année suivante, le BK conserve sa couronne. Simonsen (20 ans) participe activement à l’obtention de ce nouveau trophée. Après quarante deux apparitions et seize buts, il file rejoindre Hennes Weisweiler et Die Fohlen (les Poulains) en Allemagne.

« Hennes Weisweiler m’a préparé à m’entraîner avec Berti Vogts en tant qu’adversaire. C’était dur. Jouer des matchs était un soulagement, car ce n’était pas aussi difficile que de s’entraîner contre Berti. » – Allan Simonsen

Adaptation difficile

Il arrive en même temps que son compatriote l’attaquant Henning Jensen. Pour une meilleure intégration ? Pas vraiment. Les débuts sont compliqués. Allan joue peu. Dans un premier temps, il doit apprendre à faire avec les méthodes dictatoriales de son entraîneur dont l’exigence frise la discipline militaire. Au bout de six mois, il demande son transfert. Hambourg est intéressé. Mais Weisweiler oppose son veto. Avant de décrocher une place de titulaire, à partir de la saison 1974/75, dans une équipe composée de Jupp Heynckes, Günter Netzer ou Berti Vogts, Simonsen ne participe qu’à 17 rencontres (8 et 9 matchs) en deux exercices.

« Hennes Weisweiler avait une autorité absolue. Les jeunes joueurs avaient presque peur de lui. Il n’avait rien à dire, il ne faisait que regarder clairement et tout le monde le savait déjà. Il a exigé du courage des joueurs dans le jeu un contre un. Le jeu offensif était sa force. Des joueurs comme Simonsen et Bonhof étaient vraiment aveugles quand ils sont venus nous voir pour la première fois. Weisweiler a pris le temps de travailler dur avec eux et de les transformer en ce qu’ils sont devenus par la suite : de grandes stars internationales. » – Wolfgang Kleff, gardien de ‘Gladbach entre 1968 et 1979 puis de 1980 à 1982

À l’époque, Mönchengladbach est un cador de Bundesliga. Premier club à remporter deux fois de suite le championnat (nouvelle formule, à partir de la saison 1963/64), le Borussia pratique un football intense et offensif. Weisweiler combine une circulation rapide du ballon, changements de rythmes incessants, mouvements continus et une farouche volonté de marquer plus de but que l’adversaire à un système défensif basé sur le marquage individuel strict mettant une pression immédiate sur l’adversaire lors de la perte du ballon. Les 70’s marquent l’apogée du club. Une période faste où l’équipe engrange les succès.

Consécration

Et la période la plus glorieuse de l’histoire de club intervient quand Simonsen intègre le XI. D’abord au poste d’ailier droit, dans un rôle de soliste aux dribbles ravageurs. Le danois empile les buts (18 en 34 matches). Après la domination du Bayern (1972, 73 et 74), le Borussia s’adjuge le Meisterschale édition 1975. ‘Gladbach réalise un doublé historique coupe européenne-championnat en remportant la Coupe de l’UEFA contre le FC Twente (0-0, 5-1). Allan en profite pour claquer un doublé. 

Puis, Udo Lattek succède à Hennes Weisweiler, parti au FC Barcelone. Orpheline depuis le départ de Netzer au Real en 1973, le Borussia se trouve un nouveau chef d’orchestre en la personne de Simonsen. Il migre de son aile pour apporter sa maestria. Sur leur lancée, Die Fohlen continuent de régner sur la Bundesliga en 1976 et encore en 1977. Lors de la saison 1976/77, ‘Gladbach atteint la finale de la Coupe des Clubs Champions contre Liverpool. Disputée à Rome face aux Reds de Kevin Keegan, et malgré une réalisation de Simonsen, les allemands doivent s’incliner 3-1. 

« Allan était vraiment un joueur formidable. Je me souviens clairement de ses incroyables talents de dribble, de sa vitesse et bien sûr de ses finales éclatantes. Comme ce but longue distance qu’il a marqué lors de la finale de la coupe d’Europe à Rome contre Liverpool en 1977. » – Michel Platini

Cette déception est atténuée par l’obtention du Ballon d’Or 1977. En concurrence avec le feu follet anglais (Kevin Keegan) affronté en finale quelques mois plus tôt et avec Michel Platini, Allan Simonsen devient le premier (et le seul) danois et scandinave à inscrire son nom au palmarès. Son sens du but (souvent spectaculaire et décisif), son coup de reins dévastateur, ses dribbles dans une cabine téléphonique et son activité débordante sont salués par le Jury de France Football. Ce prix est d’autant plus méritoire que Simonsen n’appartient pas à une top nation mondiale. Le Danemark ne brille guère dans les compétitions internationales dans les 70’s.

Si Gladbach ne décroche plus de couronne nationale (2ème et 8ème), échouant à la différence de but face au FC Cologne de Hennes Weisweiler (revenu au pays après son échec au Barça), Simonsen se montre toujours aussi prolifique (28 buts en 59 matchs). Le Borussia remporte une nouvelle fois la Coupe de l’UEFA (1979) en gagnant contre l’Étoile rouge de Belgrade (1-1, 0-1). Allan inscrit (sur penalty) le but vainqueur pour les Poulains. Approché par le FC Barcelone en 1978, le club allemand refuse de le laisser partir. Finalement, Simonsen attend l’expiration de son contrat pour s’engager avec les Blaugranas rejetant des offres de Hambourg, de la Juventus et de plusieurs clubs arabes.

Arrivée au Barça

Quand Simonsen arrive en Catalogne (premier danois à porter la mythique tunique barcelonaise), il est considéré comme l’un des meilleurs joueurs européens. Avec son recrutement, le Barça veut combler le vide laissé par Johan Neeskens, parti tenter le rêve américain au New York Cosmos avec Carlos Alberto, Franz Beckenbauer et Giorgio Chinaglia. Très vite, il se met le public dans la poche grâce à sa classe, sa vitesse, sa facilité de dribble et le nombre de passes décisives pour ses attaquants Hansi Krankl ou Quini. Et Simonsen gagne vite son nouveau surnom : El pequeño gran danés (le petit grand danois).

L’effectif du Barça est de qualité avec Carrasco, Krankl, Quini, Rexach, Schuster et Urruti. Cependant, la période est encore trouble. Dans cette Espagne post-Franco, l’introduction de la démocratie est très récente (1977). Les tensions entre la Catalogne et le gouvernement central de Madrid sont assez vives. Victime de menaces d’enlèvements, Allan Simonsen est évacué de son domicile. Ne se sentant pas en sécurité, il ne joue pas le Clásico à Madrid. Si les menaces contre le danois sont restées lettre morte, en revanche son coéquipier Quini est, lui, enlevé et séquestré pendant 25 jours dans une cave de Saragosse. Plusieurs cadres de l’équipe refusent de jouer sans leur coéquipier. Finalement libéré par la police, Quini retrouve un Barça dépossédé de leur place de leader (suite à deux défaites consécutives) au profit de la Real Sociedad. Les Basques sont sacrés champion d’Espagne.

« Simonsen était un footballeur attentionné et un phénomène en tant que personne. Il était très intelligent, rapide, lisait très bien les matchs. Il marquait beaucoup de buts et même des buts de la  tête malgré sa taille. » – Quini, son coéquipier au Barça

La saison suivante, le Barça est amputé de Bernd Schuster pendant une bonne partie de l’année suite à un attentat de Andoni Goikoetxea (déjà lui, il brisera la cheville de Diego Maradona dans un match épique entre le Barça et l’Athletic Bilbao en 1983). Malgré six points d’avance au classement, l’équipe dirigée par Udo Lattek s’effondre en fin de championnat (4D et 2N) et se laisse doubler par la … Real Sociedad. Si Simonsen ne parvient pas à gagner la Liga, il se console en ajoutant à son palmarès une Copa del Rey (1981) remportée face au Sporting Gijon (3-1) et une coupe d’Europe des vainqueurs de coupe contre le Standard de Liège (2-1). Au cours de cette rencontre, passeur et buteur, il devient l’unique joueur à avoir marqué dans toutes les finales de la Coupe d’Europe (C1, C2 et C3).

En 1982, en raison des restrictions imposées par la ligue espagnole (seulement deux places pour les joueurs étrangers dans chaque onze de départ) et avec l’arrivée de Diego Maradona, l’avenir de Simonsen au Barça s’inscrit en pointillé. Même si les catalans tentent d’obtenir une dérogation auprès de la Ligue pour aligner trois étrangers (en vain) et si le club essaie de le retenir en lui proposant une place de remplaçant, le danois préfère partir pour continuer de jouer régulièrement. Après trois ans, l’aventure espagnole s’arrête là.

Retour aux sources

Malgré des offres du Real et de Tottenham, Simonsen opte contre toute attente pour Charlton. Pourtant, les Addicks évoluent en D2. La stratégie des londoniens est simple : miser sur le scandinave pour retrouver l’élite. Après des années au top niveau, Allan voulait un endroit sans trop de pression. Mais l’expérience tourne court. Malgré un bilan sportif personnel très positif (neuf buts en seize matchs), le club est au bord de la faillite suite au lourd investissement (transfert + salaire) pour attirer le danois. Face à l’impossibilité de respecter le contrat signé avec Simonsen, Charlton est contraint de libérer le joueur dès le mois de mars 1983. À l’aube de ses 31 ans, et après onze années de périple à travers l’Europe, Allan Simonsen s’engage avec son club formateur : le Vejle Boldklub.

« Allan était la première vraie star danoise » – Franz Beckenbauer

Pour son retour au pays, il délivre une belle saison avec treize buts en vingt-huit rencontres. Vejle termine à la huitième position. Lors de l’exercice suivant, le BK remporte son cinquième titre de champion du Danemark. Mais Simonsen manque la moitié de la saison suite à une grave blessure contractée à l’Euro 1984 (voir ci-dessous). Suite à ce pépin, l’ancien Ballon d’Or revient sur les terrains. Toujours aussi efficace devant le but mais il ne parvient pas retrouver l’intégralité de ses moyens physiques. Néanmoins, il continue son activité jusqu’en 1989. À 37 ans, il décide de raccrocher les crampons mettant un terme à dix huit ans de carrière pro.

En sélection

Peu après ses débuts en club, Allan Simonsen est convoqué avec les U21. Il participe à six rencontres avant de connaître sa première cape en 1972 avec la sélection A dirigée par Rudi Strittich pour un match amical contre l’Islande. Auteur d’un doublé, le Danemark l’emporte 5-2. Incorporé dans l’effectif pour participer aux Jeux Olympiques de Munich, le jeune homme de 20 ans est décisif avec trois buts en trois matchs. Qualifiés pour le second tour, De Rød-Hvide sont éliminés. Épuisé et remplacé à la mi-temps lors de deux des trois derniers matchs, Simonsen a moins d’impact.

Ensuite, il faut attendre une douzaine d’années avant de retrouver le Danemark dans une compétition internationale. Le petit pays scandinave n’est pas une grande nation du football mondial. L’attitude nonchalante en sélection a été soulignée par le sélectionneur Kurt Nielsen (1976-79). Entre 1971 et 1979, les joueurs ont souvent profité des intermèdes internationaux pour décompresser des exigences quotidiennes dans leur club au détriment des résultats sportifs.

Sepp Piontek, nommé en 1979, va amener dans ses bagages la discipline et la volonté de victoire typiquement germanique. Un changement radical mais nécessaire tant cela faisait défaut auparavant. Ce choc psychologique conjugué à l’arrivée d’une nouvelle génération de jeunes joueurs tels que Frank Arnesen, Preben Elkjær Larsen, Søren Lerby et plus tard Michael Laudrup sont bénéfiques pour le Danemark. Simonsen joue un rôle crucial pendant les qualifications pour l’Euro 84. Dans une rencontre décisive à Wembley entre le Danemark (leader du groupe) et l’Angleterre (son dauphin), le lutin convertit le penalty de la victoire (0-1), de l’élimination de la Three Lions et de la qualif. Tout simplement l’un des buts les plus importants de l’histoire du Danemark.

« J’ai souvent pensé – et je sais que beaucoup d’autres joueurs de l’équipe des années quatre-vingt l’ont fait également : Qu’est-ce qui n’aurait pas pu nous arriver si Allan ne s’était pas cassé la jambe lors du Championnat d’Europe en 1984 ? Allan a eu un impact énorme sur le grand succès de l’équipe nationale dans les années quatre-vingt. Il a été un pionnier parce qu’il est venu en tant que grand joueur international et il nous a donné confiance. » – Morten Olsen 

Cette qualification permet aux scandinaves de participer à un tournoi international pour la première fois depuis les JO de 1972 et au Championnat d’Europe depuis 1964. Malheureusement, la fête tourne au désastre pour « The Bull ». Lors du premier match du Danemark contre la France (1-0, but de Platini), suite à un dégagement de la défense des Bleus, Yvon Le Roux et Allan Simonsen se jettent pour tenter de récupérer le ballon. Le choc est violent. Le français se relève. Pas le danois. Il se tord de douleur en se tenant sa jambe gauche. Il quitte le Parc des Princes sur une civière. Le verdict est implacable : fracture du tibia. Sans leur lutin, les Danois atteignent quand même la demi-finale (perdue contre l’Espagne 1-1 ap, 5-4 aux tab). C’est le début de la Danish Dynamite.

Également présent lors de l’aventure mexicaine lors de la Coupe du Monde 1986, il est surpassé par la nouvelle génération et ne participe qu’à une seule rencontre contre la RFA (victoire 2-0). Après un premier tour flamboyant dont un fameux 6-0 contre l’Uruguay, le Danemark retrouve la sélection ibérique sur leur route en huitièmes de finale et quitte le tournoi après une cinglante défaite (5-1). En septembre 1986, Simonsen met un terme à sa carrière internationale après un dernier match contre la RFA (55 sél. et 20 buts). En 2008, il intègre le Hall of Fame de la fédération.

Reconversion

Après l’arrêt de sa carrière de joueur, Simonsen ne reste pas longtemps inactif. Dès 1991, il s’assoit sur le banc de son club de cœur : le Vejle Boldklub. Lors de son arrivée, c’est le centenaire de l’équipe. Malheureusement, cela tourne au cauchemar avec le départ de plusieurs éléments majeurs conjugué à celui des quatre associés dirigeant Vejle. La mission est impossible pour Allan et le BK est relégué à l’issue de la saison. Pour la première fois depuis 1956.

En poste jusqu’en 1994, il ne parvient pas à faire remonter le club en Superliga. Par la suite, il est nommé sélectionneur des îles Féroé. D’abord composée exclusivement de joueurs amateurs, la Landsliðið progresse. La fédération se développe. Et les joueurs partent à l’étranger (principalement au Danemark, en Islande et en Norvège) pour acquérir de l’expérience. L’équipe est modeste mais rugueuse. Elle parvient à décrocher des succès contre des nations du même calibre (Estonie, Liechtenstein, Luxembourg, Malte ou Saint-Marin). En 2001, il rejoint la sélection du Luxembourg. Il y reste trois ans. Sans connaître de succès notoire.

Après un long septennat de break, il renoue avec le football en tant que Directeur Général du FC Fredericia, club danois du Jutland. Il occupe cette fonction pendant deux saisons. Mais suite au renvoi du coach Thomas Thomasberg en avril 2013, il devient entraîneur intérimaire avec Steen Thychosen jusqu’à la fin de la saison. À la suite de cette expérience, il démissionne. Depuis, Allan Simonsen s’est éloigné du monde du football.

Attaquant travailleur, débordant d’activité, dribbleur exquis à la technique raffinée, Allan Simonsen avait en plus le don pour inscrire des buts très importants. Premier danois (et scandinave) à décrocher le Ballon d’Or en 1977, il a engrangé les titres avec ses différentes équipes et a participé au renouveau de sa sélection. Un TRÈS grand talent … en dépit de son mètre soixante cinq. 

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