Imaginez ! Vous revenez à peine d’un séjour estival dans une maison troglodytique d’une île déserte au milieu du Pacifique. Pas de réseau, pas d’Hugo Guillemet, ni de Fabrizio Romano. Vous n’avez jamais entendu parler d’Ernest Nuamah. Ni de son arrivée à l’Olympique Lyonnais. Eh bah, veinard que vous êtes ! Voilà tout ce qu’il faut savoir, et plus encore, sur le Ghanéen qui va agiter la Ligue 1 !

Né le 1er novembre 2003, à Kumasi au Ghana, Ernest Nuamah est l’un de ces jeunes ayant bénéficié du système de la Right to Dream Academy. Celui-ci tend à donner à chaque talent la possibilité d’atteindre l’excellence, l’épanouissement personnel sur et en dehors des terrains de football, au travers d’une éducation complète et d’un système collaboratif entre différents clubs et branches de l’académie au Danemark, en Égypte ou encore aux États-Unis. Celle dont Ernest Nuamah est issu, à Accra, fut la première, fondée en 1999. La plus prolifique aussi, avec des garçons comme Mohammed Kudus ou Kamaldeen Sulemana qui en sont récemment sortis.

C’est en janvier 2022 qu’Ernest débarque dans le principal club affilié à la Right To Dream, le FC Nordsjaelland. Situé au nord de Copenhague, à Farum, il est un vivier qui semble inépuisable de talents. En plus des deux Ghanéens cités précédemment, Andreas Skov Olsen, Mikkel Damsgaard et dernièrement le Norvégien Andreas Schjelderup sont quelques-unes de ses réussites. Malgré les bénéfices générés par ses grosses ventes, le FCN suit toujours sa ligne de conduite, préférant donner leur chance aux jeunes issus de sa formation, plutôt que d’investir dans les transferts. Et quand cela est nécessaire, il s’agit bien souvent d’un recrutement malin. En témoigne le retour au bercail de Marcus Ingvartsen cet été, en provenance de Mayence et déjà auteur de six buts depuis.

C’est donc dans un environnement sain et bien encadré qu’Ernest Nuamah a pu faire ses gammes, et lorsqu’il marque pour sa première apparition sous le maillot des Tigres, en avril 2022, on comprend que la nouvelle pépite n’est pas loin. Entré en jeu pour les neuf dernières rencontres de la saison, c’est lors de l’exercice suivant qu’il devient titulaire indiscutable. Trente matches joués sur trente-deux, pour douze buts, quatre passes décisives, et pas mal de tours de reins laissés en souvenirs à ses adversaires. Placé alternativement sur tous les postes de l’attaque, c’est sur l’aile droite qu’il semble cependant le plus à l’aise. Gaucher, il aime en effet partir de ce couloir pour se réaxer en sortie de dribble et finir par une combinaison collective ou un bel enroulé vers les cages adverses. C’est là, en partant de loin et profitant de l’espace créé par lui ou par ses coéquipiers, qu’il fait les plus grandes différences. Sa palette de dribbles, son aisance technique y compris dans les petits espaces et son démarrage foudroyant ne laissent que peu de chances aux défenseurs. Des éléments qui lui ont permis d’être élu joueur de la saison de Superliga 2022/23.

En plus de sa vivacité et de sa vitesse, la nouvelle Black Star depuis sa sélection en juin, impressionne par sa puissance. Malgré son jeu à risque, il ne se blesse pas. Le faire tomber, même en faisant faute, n’est pas une mince affaire. Il tient sur ses jambes, gainé, insaisissable. Et quand, enfin, vous l’avez mis au sol, il peut encore trouver le moyen de loger le coup-franc qui suit dans votre lucarne, comme ce fut le cas face à Brøndby le 6 août dernier. Sans aucun doute, c’est un joueur traumatisant, qui fait mal, par la répétition de ses crochets, de ses changements de direction, de ses courses au-delà de 35 km/h… Heureusement, pourrait-on dire, il doit encore s’améliorer dans ses choix, qu’ils soient de passe ou de frappe. Tout va très vite avec lui, parfois trop quand il s’emmêle les pinceaux ou oublie un coéquipier bien placé. Et il ne pèse pas dans le domaine aérien. Malgré tout, il ne faut pas non plus sous-estimer sa finition, parfois clinique. 

Désormais international, Ernest Nuamah a rejoint ses prédécesseurs à Nordsjaelland, Kudus et Sulemana sous le maillot des Black Stars.

Dans l’OL tristounet actuel, un tel profil devrait faire du bien. S’il aura sans doute besoin de temps pour s’adapter aux duels et à l’intensité de notre Ligue des Talents, sa capacité à créer des décalages et à retenir l’attention des adversaires ouvrira forcément des espaces pour ses coéquipiers. De plus, Johannes Thorup, son entraîneur à Nordsjaelland, le qualifiait « d’humble » et « travaillant avec détermination », ce qui ne peut pas faire de mal à un groupe. Alors, les mauvaises langues se posent la question : « S’il est si fort, pourquoi vient-il à Lyon ? » Eh bien sans doute, entre autres, parce que Michael Essien. L’ancien milieu de terrain ghanéen est aujourd’hui entraîneur adjoint du club danois, avec un rôle tout particulier auprès des diplômés de la Right to Dream. Et quand on sait que des clubs comme l’Ajax, Tottenham, le PSG, le Milan AC, Everton ou Burnley était en lice pour attirer Nuamah, avec parfois un challenge européen à la clé et sûrement un meilleur salaire, on se dit que le grand frère au passé gone a eu son mot à dire. 

La suite, c’est aussi la philosophie du FCN qui l’a permise. Le directeur sportif Jan Laursen avait certes annoncé d’emblée que celui qui voudrait Nuamah devrait faire voler en éclats le record de la vente de Kamaldeen Sulemana, soit une vingtaine de millions d’euros. Mais il avait également établi que ce n’était pas qu’une question de gros sous. « Il ne s’agit pas toujours de dire oui à ceux qui mettent le plus d’argent. Il s’agit d’être au bon endroit » pour l’homme, le joueur et sa progression. Parole tenue, puisqu’il a respecté le choix de sa pépite, désireuse de rejoindre la capitale des Gaules via Molenbeek, face à des offres semble-t-il plus juteuses de Tottenham, Brighton et du PSG. Alors non, l’OL n’est pas au mieux, ne joue pas de coupe d’Europe et ne garantit pas plus de réussite qu’un autre club. Il devrait cependant y trouver du temps de jeu et y porter l’image d’un premier élément quasi inespéré du renouveau lyonnais.

Il y a ainsi de nombreuses raisons de se réjouir de l’arrivée d’Ernest Nuamah en Ligue 1, mais au moment de le lancer dans le grand bain et de juger ses prestations, il ne faudra pas oublier que l’ailier ghanéen n’a qu’une cinquantaine de matchs professionnels (pour vingt buts), au Danemark… Dans ce football qui manque de temps, il faudra lui en laisser. Il vous le rendra bien. 

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