« On réussit souvent mieux avec la queue du renard qu’avec la griffe du lion » Franchement, parfois, vaut quand même mieux avoir une griffe de Lion

L’anecdote est passée assez inaperçue. Lors de la Coupe du Monde 2018 en Russie, la Suède était le seul pays de la compétition à n’avoir sélectionné aucun joueur évoluant dans son propre championnat. L’évènement pourrait vous paraître futile mais il mérite de s’y attarder quelques instants. Les Blagult ont réussi leur compétition. Au pays, personne ne croyait dans cette équipe. Une qualification pour les huitièmes passait par une victoire contre le rival allemand ou le toujours séduisant (et décevant) Mexique. L’attaque était en berne. L’opinion publique était même plutôt partagée. Janne Andersson devait-il ou non céder aux appels du pied de Zlatan ?

Voyez-vous, le choix du sélectionneur ne se résume pas uniquement aux performances sportives. Sinon, la question ne se posait même pas. Mais Janne Andersson n’a pas choisi des hommes ou des joueurs, il a choisi un groupe. Le barrage contre l’Italie lui a donné une crédibilité sans faille. Les Blagult ont redonné des couleurs au football suédois. Et pourtant, aucun joueur de ce groupe n’évoluait en Allsvenskan. On va vous donner les raisons et se pencher sur l’histoire de cet effondrement (ou même d’un cataclysme), une belle excuse pour un état des lieux sans concession.

Et si Jean Marc Bosman…

Le début de notre histoire se déroule au Nord de la France. C’est le milieu de l’été à Dunkerque. Il doit bien faire quinze ou seize degrés. Ce 24 Juillet 1995 (cette date est fictive, ne vous y attachez pas particulièrement), le FC Liège refuse la mutation de Jean Marc Bosman. Le milieu de terrain décide de porter l’affaire devant les tribunaux. Ses avocats choisissent la Cour de Justice de la Communauté Européenne. Ils plaident sur deux points en particulier. Le premier conteste le règlement de l’UEFA qui oblige les championnats nationaux à faire jouer au maximum trois joueurs étrangers. Le second point concerne les indemnités de transfert.

Le 15 décembre 1995, la Cour de Justice Européenne va rendre un verdict qui va révolutionner, à tout jamais, le football. Elle considère que les règlements de l’UEFA sont en contradiction avec l’article 48 du traité de Rome (la libre circulation des travailleurs communautaires). Le football entre dans une nouvelle ère. Tout commence donc à Dunkerque par l’initiative d’un milieu de terrain belge complètement anonyme. Nous sommes si loin de Göteborg ou de Malmö. Il est même probable que ce soir d’hiver 1995, l’information soit passée presque inaperçue. Et pourtant, la Suède sera un des pays les plus touchés par cette décision de justice. Mais ne soyez pas naïf (je vous en demande beaucoup et ce n’est pas fini), si Jean Marc Bosman avait obtenu sa mutation, un autre joueur ou un autre club s’en seraient chargés.

L’élément déclencheur d’une nouvelle ère dans le monde du football : Jean-Marc Bosman. Crédit : image PANINI.

Le football suédois avant ce soir du 15 décembre 1995

Revenons un peu en arrière pour tenter d’expliquer avec des faits les raisons de l’effondrement du football local. Dans les années 80, la Suède ne brillait pas tellement par sa sélection. En revanche, le football de clubs se portait à merveille. Jugez par vous-même : Malmö atteint la finale de la Coupe des Champions en 1979 et l’IFK Göteborg remporte deux coupes UEFA en 1982 et 1987. Peuplé de moins de dix millions d’habitants, la Suède a toujours disposé d’un vivier de joueurs au-dessus de la moyenne. Mais il manquait quelques leaders pour porter l’équipe et l’aider à franchir le cap des qualifications. On vous parle d’un temps qui semble si lointain tellement le football a changé. Il y avait trois compétitions européennes. Seuls les champions pouvaient disputer la Coupe des Champions. Vous comprendrez assez aisément pourquoi dans ces conditions, les clubs suédois avaient leur chance de bien figurer. Et ils ne s’en privaient pas.

Mais la sélection ne disposait pas de ce supplément d’âme qui fait la différence à ce niveau. En 1992, La Suède organise le Championnat d’Europe des Nations. Les Dahlin et les Brolin vous enfin montrer leur talent. Les Blagult atteignent le dernier carré. Deux ans plus tard, ils se qualifient pour la Coupe du Monde 1994. Nous sommes donc quinze mois avant l’arrêt Bosman et la Suède monte sur le podium à la surprise générale. Dans cette liste de 22 joueurs, Tommy Svensson choisit dix joueurs de l’Allsvenkan. L’IKF compte pas moins de sept internationaux (L’immense Ravelli, Jesper Blomqvist, Erlingmark, Rehr, Kamark, Nilsson et l’éternel Bjorklund). Mais les finances exsangues des clubs (même les plus puissants) les obligeaient, déjà, à se séparer de leurs joueurs clés. Tomas Brolin évolue à Parme, Martin Dahlin à M’Gladbach, Kenneth Andersson au LOSC (Schwarz à Benfica, Ljung à Galatasaray etc…). On ne peut donc pas imputer cet exil uniquement à l’arrêt Bosman. La moitié des Blagult de 1994 jouaient en dehors des frontières suédoises. Mais le phénomène se limitait aux meilleurs joueurs, aux pointures.

La révolte sir ? Non c’est une révolution

Nous nous sommes penchés sur l’historique du mercato d’Allsvenskan en utilisant les informations fournies par FootballDatabase. Dès le mois de décembre 1995, l’arrêt Bosman entre en vigueur. Les clubs suédois ne tarderont pas à en subir les conséquences. Nous avons donc comparé le marché des transferts avant et après l’arrêt Bosman. Lors des mercatos de 1992 à 1994, les clubs suédois ont effectué très peu de mouvements. En 1992, seuls trois joueurs s’exilent. En 1993 et 1994, ils sont plus nombreux à quitter le championnat mais ils rejoignent essentiellement les autres pays du Nord. Nous pouvons assez facilement désigner l’aire d’influence du championnat et des clubs suédois. Mis à part des relations privilégiées avec le Royaume-Uni, les transferts dépassent rarement le cadre de la Scandinavie. En 1997, il suffit d’observer quelques secondes le tableau des transferts pour se rendre compte du bouleversement. Si la signature d’Hedman à Coventry est plutôt dans la tradition, on retrouve dans la liste des clubs exotiques plus ou moins prestigieux (Cologne, Benfica, Milan, Norwich, Port Vale, Tenerife ou Foggia).

Les internationaux ne sont pas les seuls concernés par ces transferts. Les clubs italiens ou allemands se lancent dans l’aventure. Le joueur suédois n’est pas cher, il maitrise les langues étrangères avec une facilité impressionnante. Il s’intègre à un collectif et sa femme est bien souvent de toute beauté. Nous venons d’épuiser notre quota de poncifs tous aussi stupides les uns que les autres. Mais que vous le vouliez ou non, ce sont ces représentations et une partie de cette réalité qui entrainent les clubs étrangers à prospecter dans les championnats du Nord. Pour le prix d’un latéral allemand, italien ou espagnol, tu peux en trouver des vachement chouettes en Suède, un milieu au Danemark et des attaquants robustes en Norvège (ça marque rarement mais pour porter des buches, c’est vachement pratique quand même).

On pourrait se dire que la réussite des Blagult n’est pas étrangère à cette fuite, pire à cet exode des footballeurs suédois. Mais vous vous trompez lourdement. Après son exploit retentissant de 1994, la sélection ne se remet pas de la retraite de son meneur de jeu, de son petit génie (devenu un peu grassouillet) Tomas Brolin. Lors des qualifications du Championnat d’Europe des Nations de 1996, ils terminent troisième de leur groupe derrière la Suisse et la Turquie. Deux ans plus tard, ils échoueront à nouveau finissant derrière l’Autriche et l’Ecosse (loin d’être des terreurs).

L’exode est juste économique, les clubs ne peuvent pas refuser les offres, les joueurs ne résistent pas aux chants des sirènes. En 1998, l’AIK perd trois joueurs essentiels : Mellberg signe au Racing, Ostlund à Guimarares et Fredholm à l’Udine. L’Europe entière vient désormais se servir comme dans un supermarché low-cost. Les petits clubs écossais, Côme, Leipzig, l’Hansa, Charleroi ou même Bari (comment oublier le fabuleux Osmanovski) se lancent dans l’aventure. On recrute parfois même pour recruter. A cette époque-là, on trouvait plus de footballeurs suédois que de magasins Ikea à l’étranger. Après trois matchs, le moindre type qui savait à peu près manier un ballon pouvait prétendre à un transfert. Les conséquences pour les clubs suédois furent immédiates, pénibles et douloureuses.

Des Suédois réfractaires à l’Europe

L’Allsvenskan est tombé si bas qu’on peine à trouver son classement au coefficient UEFA. Vingt deuxième, le championnat suédois se trouve relégué et dépassé par des clubs Israéliens ou Chypriotes. Depuis le début des années 2000, seulement deux clubs suédois (Helsingborg et Ostersund) ont réussi à atteindre le printemps en Ligue Europa. En Ligue des Champions, le bilan est encore plus catastrophique. Malmö est parvenu à se qualifier à deux reprises. En presque vingt ans, les représentants suédois ont gagné la bagatelle de deux victoires (contre l’Olympiakos en 2016 et Donetsk en 2015).

Comme vous pouvez le remarquer dans le tableau ci-dessous, bien souvent, il ne reste plus aucun club suédois au milieu du mois d’août. En Août 2017, Malmö se fait éliminer par le modeste représentant macédonien, le Vadar Skopje. La même année le Norrköping IFK se fait humilier par le FK Trakai, un club lituanien tout surpris de sa victoire. En l’espace de vingt ans, la Suède est devenue la risée de l’Europe, une victime plus ou moins consentante qu’on ne veut même plus plaindre. Au pays, on semble se résigner et accepter la fatalité implacable. Et pourtant, le voisin Danois démontre qu’une autre voie est possible. Copenhague, Aalborg mais aussi Midtjylland ou Bronbdy ont réussi des exploits ou des épopées. L’arrêt Bosman, ne peut en aucun cas être une excuse suffisante.

Parcours des clubs suédois en Coupe d’Europe de 2005 à 2019. par : @KikiMusampala

La formation en question

La fédération et les clubs suédois doivent impérativement penser différemment. Il devient impératif non seulement de s’attacher à la formation mais surtout de la pérenniser, de donner les moyens aux clubs de conserver leurs jeunes. Après avoir connu un exil de ses internationaux, puis des futurs internationaux, l’Allsvenskan se fait piller sa classe biberon. La réussite de Victor Lindelof a créé un véritable appel d’air. Les clubs suédois ne présentent plus une exposition suffisante pour les jeunes, les clubs étrangers sont à l’affut. Alors les jeunes partent de plus en plus tôt. Vous allez me dire que ça ne date pas d’hier. Et vous aurez sûrement raison même si je vous trouve un peu audacieux de m’interpeller ainsi. En effet, Henrik Larsson (en marquant la bagatelle de 51 buts en 61 matchs à Helsingborg) ou Martin Dahlin quittent leur Suède à vingt ans. Les joueurs partaient tôt certes, mais ils avaient l’occasion de faire leur classe au pays, de montrer l’étendue de leur talent. Il partait ensuite.

John Guidetti ou Victor Lindelof ont décidé de partir en étant mineur. Ils n’ont jamais joué en première division. Lindelof part tenter sa chance à Benfica et Guidetti, courtisé par l’Europe entière, signe à City. Dans la dernière sélection des U21, treize joueurs évoluaient déjà à l’étranger. La relève s’est déjà exilée. C’est presque devenu une obligation, une étape initiatique. Pour s’imposer, il faut s’affranchir du championnat domestique, il faut grandir ailleurs, réussir ou échouer, revenir sous le maillot jaune ou revenir la queue entre les jambes et se trouver un club pour finir sa carrière avant même qu’elle ait vraiment commencée. L’avenir de la Suède est donc déjà dispersé dans toute l’Europe, Pontus Dahlberg à Watford, Felix Beijmo au Werder, Dennis Hazikaduric au FC Rostov ou encore le prometteur Alexander Isak qui continue de cirer le banc du Borussia Dortmund. Le fils du célèbre Henrik Larsson en a fait l’amer expérience. Il est parti comme son père au Pays Bas, il se rêvait d’un même destin. Il revient au pays.

Malgré ses blessures et les doutes, l’IFK Norrköping lui a offert une nouvelle chance. Comme Jordan, ils sont de plus en plus nombreux à revenir au pays. La réussite des uns masque les échecs des autres. En France, la Ligue 1 a connu aussi son lot de départ fantasque. Les Pericard, Le Tallec et compagnie se sont cassés les dents et leurs espoirs ont été réduit à néant. Les agents s’engraissent, les proches aussi, partir est comme un mirage pour ces joueurs. Mais après quelques échecs retentissants, les générations suivantes se méfient du piège. Nous sommes encore loin de cette prise de conscience en Suède. Les clubs de l’Allsvenskan s’organisent pour éviter l’éternel écueil du gamin qui préfère partir sans vraiment jouer pour son club formateur. C’est probablement le premier défi qui attend le football suédois. Un premier défi qui appellera forcément d’autres.

Une affluence moyenne trompeuse

L’Allsvenkan a encore des atouts à faire valoir. La ligue possède encore une belle popularité. L’affluence moyenne à Hammarby s’approche des 25 000 spectateurs, l’AIK et son stade flambant neuf attire près de 20 000 supporteurs chaque week-end. Ce n’est pas rien. Alors, naturellement si on ne regarde que l’affluence moyenne, on peut trouver les chiffres inquiétants. Mais vous n’êtes pas sans ignorer que la Suède est un pays du grand nord. Et justement, dans ce grand Nord, il est parfois délicat de mobiliser la population et les supporteurs. Il faut aussi prendre en compte la disparition passagère d’Helsingborg (ils reviendront l’année prochaine), la crise répétée à Göteborg, la mauvaise saison d’Elfsborg (un club historique qui peine à réunir 7 500 courageux pour un piètre spectacle) ou les petits soucis de Djurgarden.

La moyenne pourrait très vite repartir à la hausse et dépasser le cap des 10 000 spectateurs sur la saison. Entre l’engouement populaire et les résultats d’Ostersund (après avoir éliminé Galatasaray et le PAOK) et de Malmö en coupe d’Europe, les motifs d’espoir subsistent. On aurait même envie de croire dans ce nouvel élan et pis, ici, c’est plutôt bien vu de croire un peu au Père Noel. Pour terminer notre état des lieux, nous allons mettre en lumière deux clubs au destin radicalement différent : L’AIK et Helsingborg IF, deux exemples qui illustrent le potentiel mais aussi les limites structurelles de l’Allsvenkan. Deux clubs qui ont vu aussi un international revenir au pays.

Des rivalités qui font tout le charme du championnat suédois avec toujours de belles ambiances. En haut : AIK à gauche, Hamamrby à droite En bas : Djurgarden à gauche, Malmö à droite.

Helsingborg et ses fantômes

Les fans de football (les vrais, je veux dire) ont déjà entendu parler d’Helsingborg au moins une fois. On va vous donner une occasion inespérée de briller en société, saisissez-la. Vos collègues seront abasourdis par vos connaissances inattendues. En suédois, « Borg » pourrait être traduit en français par Château ou Forteresse, Göteborg deviendrait Fort de Götaland, on vous laisse deviner tout seul pour une traduction pour Elfsborg. Dans le cas d’Helsingborg, vous pouvez deviner assez aisément que nous traduirions par le Fort de Helsing. Avouez que ça ne nous avance guère. Ce nom pourtant évoque un haut lieu historique pour la Suède Royale. Posé sur le détroit de l’Öresund, Helsinborg n’est qu’à quelques kilomètres de Danemark (quatre kilomètres pour être exact). N’imaginez surtout pas un détroit paisible.

Soumis par des vents violents et bordé de falaise abrupte, Helsingborg n’a rien d’une cité balnéaire. Mais elle dispose de sérieux atouts. Elle en a tiré sa force au point de devenir le centre névralgique de l’histoire Nordique. Elle fut Danoise puis Suédoise, elle attira toutes les convoitises à elle. Elle fut même entièrement détruite au 15e siècle. La sérénité est depuis revenue. Helsingborg est devenue une cité prospère, de sa position stratégique qui l’avait anéantie, elle en a fait une force. Helsingborg se transforme en une ville industrielle, une cité incontournable dans le royaume de Kalmar. Revenons à nos moutons footballistiques. Mais vous vous apercevrez que ces divagations ne seront pas complètement inutiles.

La légende Larsson

Le club local (Helsingborg IF) a aussi son lot de drames, de scandales, d’effondrement. Les supporteurs espèrent que le temps de la renaissance est venu. Il est temps d’oublier les dernières saisons cauchemardesques. En 2006, Henrik Larsson honore sa promesse, il revient à trente-cinq ans dans son club formateur. Et il remplit plutôt bien son contrat en jouant presque quatre-vingt-dix matchs pour une quarantaine de buts. Les supporteurs l’adorent, le club retire son numéro à tout jamais et notre Henrik verse sa petite larme. C’est beau. Mais il faut profiter dans la vie de ces moment-là. Ils ne durent jamais bien longtemps. Deux ans après son départ, Helsingborg est à l’agonie. Plus rien ne semble pouvoir empêcher une relégation aussi piteuse que pathétique. On appelle la légende du club à la rescousse. Ce n’est peut-être pas très rationnel, mais le club n’a plus rien à perdre.

Statue de Larsson à Helsingborg pour immortaliser sa légende, regard porté vers le Danemark.

Henrik Larsson avait fait ses armes à Landskrona, dans les divisions inférieures. Une nouvelle fois, l’histoire se termine bien. Le nouvel entraineur sort le club de l’ornière et le sauve d’une descente prévisible. Mais le club s’enlise sans tenir compte des avertissements de la saison précédente. Les recrues échouent ou peine à s’imposer. Dans ces cas-là, la jeunesse est souvent sollicitée. Les supporteurs découvrent qu’un Larsson peut en cacher un autre. Jordan Larsson entre de plus en plus souvent en jeu. Henrik s’efforce de considérer son fils comme n’importe quel autre joueur de son effectif. Si nous ne doutons pas de sa probité, vous pouvez imaginer que les supporteurs n’ont pas forcément le même regard bienveillant. Jordan est un gamin, et il ne se sait pas toujours géré cette pression, ce poids constant du paternel sur les épaules. Il ne parvient pas à s’affranchir des comparaisons, des doutes. Il cherche constamment à se justifier. On raconte dans les travées de l’Olympia que les relations père/fils sont ombrageuses, tumultueuses.

De ce conflit latent, Jordan en sortira perdant tout comme son père. On ne sait pas vraiment si la presse et les supporteurs alimentent la rumeur seulement pour oublier le sportif. L’attaquant chéri, la légende devient contestée et même siffler. Trois ans plus tôt, l’homme était applaudi par tout un stade, en larmes et tremblant, il avait quitté le stade comme un héros. Lors de cette saison 2016, Henrik Larsson ne parvient pas à créer une alchimie dans son groupe. La saison est longue et épuisante et au bout du chemin, Helsingborg joue son maintien en barrage contre Halmstad. Avec un nul à l’extérieur, Larsson et les siens n’ont plus qu’à terminer le travail. Mais, à la 82e Halmstad vient punir des locaux tétanisés. A la fin du match, Henrik Larsson est pris à parti et son fils se prend même quelques coups. L’icône est touchée, coulée et renvoyée. Les histoires d’amour finissent toujours mal. On a beau le savoir, on se fait toujours avoir.

Une icône en remplace une autre

Dans le Guardian, Henrik reviendra à froid sur ce match, le journaliste anglais s’étonnant de son attitude, Larsson était resté droit, presque immobile faisant face à la colère de son peuple : « Je n’allais pas m’enfuir. S’ils veulent m’attraper, qu’ils m’attrapent. Mais je serais intervenu si j’avais vu Jordan (son fils hein, pas Mickael) en difficulté ». Le club se réveille avec la gueule de bois. En plus de la relégation, l’icône a été molestée. Le temps effacera les plaies et Henrik Larsson sera toujours une fierté pour tous les supporteurs des Di Röe (les rouges). Mais l’histoire du club est à l’image de sa ville.

En juillet 2018, Granqvist décide de faire son retour au club, même à l’étage du dessous. Ce retour n’est pas anodin. Andréas est un gamin du coin. Il est originaire de Paarps dans la province de Skane. Je vous vois opiner du chef bêtement. Pour faire simple et pour votre gouverne, c’est juste à côté d’Helsingborg. Granqvist symbolise à lui tout seul les nouveaux Blagult. Il devient le joueur le plus emblématique, un capitaine courage. Son retour est fêté par toute la Suède. Il marque peut-être l’aube d’un retour de l’Allsvenkan. Helsingborg ne restera pas très longtemps en deuxième division. On les retrouvera l’an prochain. Il faut juste espérer que Andreas Granqvist ne devienne pas un jour entraineur. On ne peut pas faire tomber toutes les idoles non plus.

L’amour du pays et de la famille plus fort que tout pour Andreas Granqvist.

L’AIK, entre ambition et réalité

Même si c’est toujours un peu douloureux à avouer, nombreux sont les clubs suédois à vouloir copier le modèle économique et sportif du FC Copenhague. L’AIK possède des arguments sérieux pour y prétendre. Basé à Solna dans la banlieue de Stockholm, l’AIK est porté par une ferveur populaire qui ne se dément pas malgré des résultats en dent de scie. Sa rivalité historique avec Djurgaarden (le Tvillingderbyt) rajoute cette dose de piment qui manque parfois en Allsvenkan. Fondés à la fin du XIXe siècle, les deux clubs se disputent la rivalité de la capitale. L’AIK est initialement fondé à Stockholm mais l’état Suédois exige l’exil de l’AIK pour construire la nouvelle enceinte en vue des jeux olympiques de 1912. L’AIK déménage donc à Solna pendant que les Stockholm Stolhet (le petit nom de Djugaarden) changent seulement de quartier, à chacun son exil, à chacun son destin.

L’AIK évolue dans une superbe enceinte ultra moderne, un formidable outil (on ignore si le toit est équipé de Ruches ou si le miel est commercialisé ou si le Wi-Fi est efficace…), le plus grand du pays (50 000 places). En 2013, le record d’affluence pour un match d’Allsvenskan est littéralement explosé, 43 000 pèlerins viennent profiter du Tvillingderbyt. L’AIK possède avec son « Friends Arena » un argument de taille pour copier le modèle danois. Vous vous demandez sans doute d’où vient ce nom un tantinet ridicule et porteur de promesses utopiques. Vous serez surpris d’apprendre qu’il ne s’agit en rien d’un hommage en l’honneur de Matthew Perry ou Jennifer Anniston. La plus réalité est certainement plus terre à terre. La fédération Suédoise de Football décide de vendre le nom du stade à la Swedbank. L’AIK ne profite en rien de ce naming. Mais l’histoire aurait pu être plus cynique. La banque Suédoise décide d’attribuer le nom du formidable outil à une association luttant contre le harcèlement à l’école et contre toutes les formes de discriminations.

La Friends Arena, ce formidable stade le plus grand des pays nordiques.

L’Histoire de Rikard Norling, symbôle de la mentalité suédoise

L’AIK est actuellement en tête du championnat. Rikard Norling symbolise à merveille la réussite d’un club qui se découvre peu à peu des ambitions que même les supporteurs n’osaient plus espérer. Norling est un ancien joueur professionnel. A vingt-deux ans, quand ses camarades rêvaient encore d’une carrière fabuleuse, Rikard doit se résoudre à raccrocher les crampons à cause d’une vilaine blessure. Il troque ses rêves contre un projet professionnel et une reconversion douloureuse. Sans esprit de revanche, Rikard Norling prend en main l’équipe espoir de Brommapojkarna. Il se découvre une vocation et les résultats ne tardent pas. Dans ce petit microcosme suédois, on commence à parler de ce gamin plein d’assurance avec des idées sur le jeu bien précises.

Trois ans après la fin de sa carrière tragique, Rikard débarque à Solna. On lui attribue une nouvelle fois l’équipe espoir. Il y fait ses armes. Mais il doit partir pour s’affranchir, il doit partir pour grandir, il doit partir pour mieux revenir. Il n’hésite donc pas une seconde quand on lui propose un poste d’entraineur principal à Väsby. Il n’y restera pas bien longtemps. Après un dernier passage au GIF Sundsvall, l’AIK, son club de toujours, lui offre la chance de sa vie. En 2004, Les Gnaget sont descendus en Superettan. L’effectif est décimé et les luttes intestines entre membres de la direction impactent directement le club à tous les niveaux. Norling, par son charisme et son autorité naturelle, redonne des couleurs à l’AIK. Il obtient la remontée en 2005. Il structure le club, il transforme les réseaux et les cellules de recrutement, il s’attaque à la formation. Il est incontestablement le principal artisan de la modernisation d’un club qui crevait par son amateurisme. Mais quand on bouscule les habitudes, on s’attire des ennuis. Rikard ne va pas tarder à s’en rendre compte.

En 2008, il est limogé par le conseil d’administration pour de scabreuses raisons. Il rebondira à Malmö avant de revenir une nouvelle fois à Solna. Il n’est pas rancunier le gaillard.  On lui laisse enfin les clefs du club. Son charisme naturel, son autorité et son sens tactique lui donnent un crédit inestimable. Il appuie sa politique sportive sur le retour au pays des suédois revanchards. Stefan Silva revient de Palerme, Denni Advic du Werder ou Alexander Mitrovic de Besiktas. Mais on ne gagne pas uniquement avec des grognards, il faut aussi choisir ses capitaines de route. Le pari de Norling s’appelle Tarik Elyounoussi. L’international norvégien débarque de l’Olympiakos après quelques saisons laborieuses. Il ne tardera pas à convaincre les spécialistes et les locaux.

L’AIK est de retour. On rêve d’un nouveau titre en se gaussant des difficultés des rivaux d’à côté (Djurgaarden). C’est dans ce contexte que Sebastian Larsson annonce son retour au pays. A trente-trois ans, le milieu de terrain international va découvrir l’Allsvenskan. On aimerait vous promettre un destin fabuleux pour ce sympathique club de Solna mais nous connaissons presque l’histoire par cœur. L’AIK remportera le titre, les revanchards repartiront, les jeunes rêveront de Burnley, du Racing Santander ou de Dundee United. Les dirigeants se fâcheront avec Norling… A eux de nous faire mentir, à eux d’écrire enfin une nouvelle histoire, de redorer le blason de l’Allsvenskan. Pour que demain nous offre enfin un nouveau destin…


Article rédigé par Kiki Musampala

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