Grand, athlétique et fort physiquement, Kennet Andersson était décrit par la BBC comme « l’un des plus grands attaquants du monde dans les airs » ou par Carlo Ancelotti comme étant « pratiquement impossible à marquer dans les airs ». Surnommé « la troisième Tour de Bologne » lors de son passage en Italie, le Suédois a marqué des buts mais également les esprits. Retour sur la carrière itinérante de ce buteur très aérien.

Débuts

Eskilstuna, important centre industriel peuplé de soixante-cinq mille habitants et situé à environ cent dix kilomètres à l’ouest de la capitale Stockholm, est le lieu de naissance de Kennet Andersson en 1967. Le futur attaquant international grandit donc dans le Södermanland. Le sport est très important dans sa famille. Sa mère fait partie de l’équipe nationale d’athlétisme pendant plusieurs années, tout comme ses frères et sœurs. C’est donc tout naturellement que Kennet débute le sport à partir de 1976. A l’athlétisme, il préfère le football et tape dans son premier ballon au club local de Tunafors SK. Quelques années plus tard, il rejoint une autre équipe de la ville : l’IFK Eskilstuna où il fait ses débuts en équipe première en 1985. A l’époque, Kennet a dix-huit ans et Eskilstuna évolue en 3ème division.

Son temps de jeu va croître progressivement. Son nombre de buts par saison également. Ses prestations séduisent l’une des grandes équipes du pays : l’IFK Göteborg. C’est la première grande étape dans le parcours de Andersson où après quatre ans passés en ligue inférieure, il découvre enfin le haut niveau national à Göteborg. Avec les Blåvitt, ce buteur culminant à 1M93 ne tarde pas à trouver la bonne carburation. Sept buts en vingt-deux matchs pour sa première saison, c’est un bilan honnête. Surtout pour un semi-professionnel. Nous sommes à la fin des années 80. En Suède, l’argent dans le football ne permet pas à tous les joueurs d’un effectif d’être professionnel. Souvent, la majorité cumule un autre emploi à mi-temps en plus de leur activité footballistique.

« En Suède, j’étais amateur. Là-bas, il y a moins d’argent. Avant, j’étais maçon » – Kennet Andersson pour La Voix du Nord, 24 juillet 1993.

Pour Kennet, c’est la maçonnerie. Cette situation perdure jusqu’à son départ à l’étranger en 1991. Mais avant cela, le géant de Eskilstuna remporte le premier trophée de sa carrière avec le titre de Allsvenskan en 1990. Leader du classement, Göteborg se débarrasse de Örebro SK en demi-finale et de Norrköping en finale. L’année suivante, les Änglarna conservent leur couronne et Andersson se distingue avec le titre de meilleur buteur du championnat avec treize buts en seize rencontres. Et en cette année 1991, l’IFK Göteborg réalise le doublé en s’adjugeant la coupe de Suède aux dépens de l’AIK (3-2). Une belle performance puisque leur dernier doublé remonte à 1983. Et le talent de buteur de Kennet commence à dépasser les frontières de la Suède.

En Belgique et en France

Président du FC Malines depuis 1982, John Cordier est le richissime mécène du club belge avec lequel il remporte la Coupe des Coupes en 1988 contre le grand Ajax Amsterdam. Le succès de Malines réside dans un système ingénieux pour réduire les coûts. En effet, John Cordier créé une société écran dénommée Cova Invest qui achète les joueurs et ensuite les loue au FC Malines. La stratégie du club s’appuie à la fois sur des valeurs sûres comme Michel Preud’homme, gardien des Diables Rouges depuis 1979 et sur des paris sur l’avenir comme … Kennet Andersson. Pour sa première expérience hors de ses frontières, le Scandinave a du mal à s’adapter à son nouvel environnement. Souvent gêné par des blessures, il peine à convaincre même si ses statistiques ne sont pas catastrophiques. Seulement un an et demi après son arrivée, Cordier décide de le renvoyer se faire une santé au pays. En janvier 1993, il retrouve la Allsvenkan avec l’IFK Norrköping.

Sous les couleurs de l’ancien club de Gunnar Nordahl, Kennet se montre très efficace avec huit réalisations en treize matchs. Mais la situation à Malines change. Sans le soutien financier de John Cordier, le club belge ne peut conserver tous ses éléments. D’abord mis à l’essai, il est à nouveau prêté dans le championnat de France en s’installant à Lille. Entouré des Danois Per Frandsen et Jakob Friis-Hansen, Andersson s’adapte bien dans le Nord. Convainquant lors de la préparation estivale, il l’est également pour ses débuts en D1 à Grimonprez-Jooris contre Martigues où il reprend de la tête un centre de Eric Assadourian. Sous la direction de Pierre Mankowski, Lille bénéficie grandement de l’apport offensif de sa nouvelle recrue nordique. En dépit d’une blessure à l’automne, Kennet score à onze reprises lors de cette saison 1993/94 et participe activement au maintien des Dogues. Mais Lille est dans une période instable avec un changement de président et de coach et surtout des finances exsangues.

« A Lille, j’ai passé une très bonne année ce qui m’a permis de rejouer avec la Suède. C’est ainsi que j’ai gagné ma place pour la Coupe du monde 1994. » – Kennet Andersson, pour Foot d’Avant le 15 septembre 2017.

Fort de sa bonne saison, Andersson intéresse plusieurs clubs dont le Sporting du Portugal, Beşiktaş Lyon et … Caen. Auteur d’un doublé contre Malherbe la saison précédente, le Suédois a marqué les esprits normands. Pour sécuriser la transaction, le président de Caen Guy Chambly décide de partir aux USA où se dispute la Coupe du Monde et à la veille du troisième match des Suédois, Caen achète Kennet Andersson à … John Cordier . Dans la Calvados, il retrouve … Pierre Mankowski fraîchement nommé à d’Ornano. Son aventure américaine attise les convoitises de très grands clubs comme le FC Barcelone et Benfica mais le Suédois, fidèle à sa parole, reste en D1. Néanmoins, sa saison en Normandie n’est pas aussi fructueuse qu’espérée. Lessivé par une longue Coupe du Monde, et par de trop courtes vacances, le géant est cuit physiquement. Son bilan n’est pas suffisant (9 buts) pour les supporters et surtout pour empêcher la relégation du club en D2.

En Italie

A l’issue de la saison, Andersson quitte la France pour l’Italie où sont concentrés les meilleurs joueurs du Monde. Dans le sud de la péninsule, il s’installe dans les Pouilles à Bari. La Serie A regorge de talents et c’est un championnat très dur. Cette fois, le Scandinave s’est bien préparé pour sa nouvelle aventure transalpine. Cependant, si le secteur offensif des Biancorossi fonctionne bien notamment avec Igor Protti, le secteur défensive est assez perméable malgré l’arrivée de Klas Ingesson, grand ami de Kennet avec lequel il partage sa chambre en sélection, pour étoffer le milieu de terrain. Et pour sa première dans l’histoire de la Serie A, Bari est relégué alors que le (co-)meilleur buteur (Igor Protti) du championnat est dans leur rang. Bologne, tout juste promu en Serie A, l’acquiert pour renforcer son attaque.

En Emilie-Romagne, il connait plusieurs partenaires comme Igor Kolyvanov, Roberto Baggio ou encore Giuseppe Signori. Ses qualités dans le jeu aérien font merveille. Il gagne le surnom de « troisième Tour de Bologne ». Ses coéquipiers bénéficient de son travail dos au but, de ses déviations et de son sens du sacrifice dans le replacement défensif qui compensent son manque de vitesse. L’équipe de Renzo Ulivieri déjoue les pronostics et parvient à se sauver avec à la clé une étonnante septième position au classement. L’arrivée du Divino Codino en 1997 lui permet de réaliser une meilleure saison personnelle avec douze buts au compteur. L’année suivante, Beppegoal remplace Baggio parti à l’Inter. Carlo Mazzone succède à Ulivieri sur le banc. Et le Romain mène son équipe jusqu’en demi-finale de la Coupe UEFA. Mais l’OM se qualifie pour la finale contre Parme au terme d’un match très houleux avec une bagarre générale dans le tunnel du Renato-Dall’ Ara.

« À la fin, j’ai joué quatre saisons à Bologne : pour quelqu’un qui a changé tant d’équipes comme moi dans sa carrière, on peut dire que Bologne est ma deuxième famille. » – Kennet Andersson

Après trois saisons à Bologne, Kennet s’engage avec la Lazio. Malgré la victoire en Supercoupe d’Europe contre Manchester United (0-1), c’est un échec retentissant avec seulement deux apparitions en six mois, sans le moindre but. Barré par la concurrence de Alen Bokšić, Simone Inzaghi, Roberto Mancini et Marcelo Salas, Andersson n’entre pas dans les plans de son compatriote Sven-Göran Eriksson. Dès octobre 1999, il fait le choix de retourner à Bologne pour aider son ancien club à la lutte pour le maintien. Le géant Suédois montre qu’il n’a pas perdu son sens du but. Il claque un doublé contre l’Inter (3-0), marque la seule réalisation du match contre Cagliari, égalise face à Venezia (1-1) et inscrit le but de la victoire contre Perugia (2-1). Au total, Kennet marque à sept reprises et Bologne atteint son objectif : le maintien. Pendant ce temps, la Lazio est sacrée championne d’Italie.

Fin de carrière

Cinq ans après son arrivée en Italie, Andersson part de Rome pour rejoindre un autre pays où la passion est totalement folle : la Turquie. A 33 ans, il est recruté par le club stambouliote de Fenerbahçe. Sous la tunique des Sarı Kanaryalar, la pression est grande. Et c’est différent pour le Suédois, plutôt habitué à jouer le maintien que les premières places dans sa carrière. Mais l’attaquant continue de briller avec dix buts à son actif et brise la domination domestique du grand rival : Galatasaray, quituple vainqueur du championnat, sous la direction de Mustafa Denizli. C’est le premier titre depuis 1996 pour le Fener.

L’année suivante, Galatasaray récupère le titre et Fenerbahçe échoue à la seconde place à seulement trois points du nouveau champion. En Europe, ils sont dans le groupe F avec le Barça où joue Patrik Andersson, le Bayer Leverkusen et Lyon. Mais cette campagne continentale est un fiasco avec un zéro pointé au terme des six matchs du groupe. Kennet commence à sentir le poids des années sur ses épaules. Son ratio a chuté de moitié avec seulement cinq buts au compteur avec quasiment le même nombre de participations que la saison précédente.

« A Fenerbahçe, nos fans étaient fantastiques. Incroyables. La première saison, nous avions remporté tous nos matchs à domicile. Un jour, nous perdions 3-0 à la mi-temps et nous avions gagné 4-3. C’était grâce à l’équipe mais surtout grâce au public et la pression mise sur l’adversaire. D’ailleurs lors de cette première saison, nous avions remporté le championnat. L’expérience était fantastique. » – Kennet Andersson, pour Foot d’Avant le 15 septembre 2017.

A 35 ans, Andersson décide de raccrocher les crampons. De retour au pays, il s’installe du côté de Göteborg. Pourtant, déjà vétéran du football depuis quelques années déjà, Kennet décide d’aider le petit club de Gårda BK situé à Göteborg. Tout juste promue en sixième division Suédoise, l’équipe s’offre un joker de luxe. Et même à 40 ans, il n’a pas perdu son sens du but. Lors de son court passage avec le club amateur, Kennet Andersson marque à quatorze reprises en dix-huit matchs de championnat avant de ranger ses crampons définitivement.

En sélection

Le parcours international de Kennet débute assez tôt par des convocations avec les U16 en 1983. Ensuite, il gravit les échelons, porte le maillot national avec les U18 et les U21. En février 1990, l’attaquant de Göteborg connait sa première sélection avec les A contre les Emirats Arabes Unis à Dubaï. Mais il n’est pas retenu pour le Mondiale en Italie. Par contre, il se hisse jusqu’en demi-finale du championnat d’Europe Espoirs 1990 avec Tomas Brolin.

Andersson inscrit même un but lors du match aller (1-1) mais l’URSS, futur vainqueur de l’épreuve, parvient à se qualifier au retour (2-0) à Simferopol grâce notamment à Igor Kolyvanov (son futur coéquipier à Bologne). A partir de août 1990, Kennet s’installe définitivement avec les Blågult et marque son premier but international contre la Bulgarie lors d’une victoire 2-0.

Qualifiée d’office en tant qu’organisateur de l’Euro 92, la Suède joue des matchs amicaux pour se préparer à leur première participation à la compétition continentale. Retenu par Tommy Svensson, Andersson joue le premier match contre la France et ensuite il ne retrouve le terrain que lors de la demi-finale contre l’Allemagne. Son but tardif (90′) pour réduire l’écart à 2-3 lui permet d’inscrire son nom au tableau d’affichage mais n’empêche pas la qualif des Allemands.

Ensuite, il connaît une traversée du désert avec la sélection. Son parcours en club n’incite pas Svensson à l’utiliser pendant quasiment un an et demi, soit toute la campagne de qualif pour la World Cup 94. Mais sa résurrection avec le LOSC amène le sélectionneur à lui faire réintégrer le groupe comme attaquant d’appoint en plus de Tomas Brolin, Martin Dahlin ou Henrik Larsson. En confiance, et libéré par la signature de son contrat avec Caen en pleine compétition, Kennet va disputer une superbe compétition aux USA. Auteur de l’ouverture du score contre le Brésil (1-1), il claque un doublé contre l’Arabie Saoudite (1-3) mais surtout, il égalise contre la Roumanie (2-2) pendant la prolongation pour permettre à son équipe d’arracher une séance de tirs au but.

En dépit de l’échec de Mild, Ravelli fait le job face à Petrescu et Belodedici. Andersson marque sa tentative et la Suède atteint le dernier carré de la compétition. Comme en 1958, les Vikings retrouvent le Brésil sur leur chemin. Et encore une fois, les Auriverde vont s’imposer grâce à Romário (1-0). Mais la fête est totale avec une large victoire dans la petite finale contre la Bulgarie (4-0) dont une nouvelle réalisation de Kennet Andersson (son cinquième) et une troisième place inespérée mais méritée pour des Scandinaves rafraîchissant.

« C’est vrai que je l’avais d’abord sélectionné comme un attaquant d’appoint. Maintenant, il est devenu un des hommes indispensables de l’équipe, et c’est son égalisation magnifique, autant que les 2 arrêts de Ravelli, qui nous permettent de continuer. » – Tommy Svensson, sélectionneur de la Suède entre 1991 et 1997

Sa performance à la World Cup lui confère un nouveau statut. Désormais, membre incontournable de la sélection, Kennet Andersson participe à toutes les campagnes qualificatives de son pays. Malheureusement, la Suède ne parvient pas à atteindre ni l’Euro 96, ni la Coupe du Monde 98. Il faut attendre six ans pour retrouver les Vikings dans une compétition internationale avec leur participation à l’Euro 2000 au Benelux. Cependant, l’équipe de Tommy Söderberg ne brille guère. Incapable de s’imposer, elle termine à la dernière place de son groupe composé de l’Italie, de la Turquie et de la Belgique. Âgé de 33 ans, Andersson vit ses derniers jours avec l’équipe nationale. Même si le joueur de Fenerbahçe commence à participer à la phase de qualification pour la Coupe du Monde 2002, Lars Lagerbäck ne fait plus appel à lui à partir de octobre 2000. Kennet joue son dernier match international à Bratislava contre la Slovaquie (0-0). Son compteur s’arrête à 31 buts en 83 sélections, soit le sixième meilleur buteur du pays.

Après carrière

A l’issue de sa carrière, Kennet ne souhaite pas prendre le costume de coach. Il se consacre à plusieurs projets notamment un magazine de foot suédois « Offside » ainsi que la création d’une application « Forza Football » pour permettre aux fans de suivre les résultats en direct de leur équipe préférée. Sa nouvelle vie lui convient bien. Il peut consacrer plus de temps à sa famille et s’occupe même d’entraîner ses enfants (un garçon et une fille) qui jouent au foot à Göteborg.

En 2012, il dirige le projet social « Samspelet » pour l’IFK Göteborg afin d’apporter de l’aide concrète comme des formations, du matériel ou encore la pratique du football dans différents quartiers populaires de la ville. Nommé directeur des sports du club, Kennet occupe encore cette fonction. A ses côtés, nous retrouvons un ancien joueur bien connu de la L1 : Pontus Farnerud qui est désormais son adjoint. En parallèle à ses nouvelles fonctions, Kennet passe ses diplômes pour (peut-être) devenir entraîneur un jour.

Statistiques :

1985-1988 – IFK Eskilstuna : 76 matchs, 20 buts

1989-1991 –  IFK Göteborg : 63 matchs, 29 buts

1991-1994 – FC Malines : 33 matchs, 8 buts

1993 –  IFK Norrköping : 13 matchs, 8 buts

1993-1994 – Lille OSC : 32 matchs, 11 buts

1994-1995 – SM Caen : 31 matchs, 9 buts

1995-1996 – AS Bari : 33 matchs, 12 buts

1996-1999 – Bologna FC : 86 matchs, 26 buts

1999 – SS Lazio : 2 matchs

1999-2000 – Bologna FC : 28 matchs, 7 buts

2000-2002 – Fenerbahçe SK : 73 matchs, 19 buts

2005 –  Gårda BK : 18 matchs, 14 buts

1990-2000 – Suède : 83 matchs, 31 buts

Palmarès :

Suède :

2 Allsvenskan : 1990, 1991

1 Coupe : 1991

Italie :

1 Coupe Intertoto : 1998

1 Super Coupe d’Europe : 1999

Turquie :

1 Süper Lig : 2001

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