Nordisk Football poursuit sa rétrospective des grands joueurs nordiques. Cette fois, nous vous proposons de (re)découvrir le parcours de Henke. Buteur génial, Larsson a toujours brillé en club ou avec les Blågult.

Des dreadlocks au crâne rasé, le look de Henke a beaucoup évolué lors de toute sa carrière pro. Pourtant deux caractéristiques de son jeu n’ont jamais changé. Et elles l’ont porté au panthéon du football suédois. Il s’agit du sens du but et de l’art du placement. Retour sur la carrière d’Henrik Larsson :

La genèse

Originaire de la ville suédoise Helsingborg, Henrik est né en 1971. Ses parents forment un couple mixte. Son père Francisco vient du Cap Vert et sa mère Eva vient de la ville côtière de Scanie. La famille habite un modeste appartement du quartier populaire de Närlunda. Son père lui transmet sa passion pour le ballon rond. Dès ses seize mois, il lui offre un ballon. Et rapidement, il s’entraîne avec ses frères et amis sur un grand terrain près de chez lui.

« J’ai connu un peu de racisme, parce qu’à l’époque il était inhabituel d’avoir un enfant noir à l’école, j’étais l’un des rares. » – Henrik Larsson

Dès 1977, il commence à jouer pour le petit club de Högaborgs BK. Cette équipe de quartier est réputée pour offrir une bonne éducation à ses licenciés. D’ailleurs, Larsson a toujours souligné l’importance de son passage à Högaborg tant sur le plan sportif que personnel. Il a 12 ans quand ses parents se séparent. Pour lui éviter le racisme, ils décident de lui faire porter le nom de famille de sa mère : Larsson. Cependant, il est quand même confronté à ce problème. Et le jeune Henrik se défend parfois avec ses poings.

Pour ses 14 ans, son père lui offre une vidéo sur la vie et la carrière du brésilien Pelé. C’est le déclic. Cela devient une source d’inspiration. Il bosse dur pour essayer d’approcher le niveau de son idole. À 17 ans, il intègre l’équipe première de Högaborg. Mais à 18 ans, il quitte l’école. Il cumule alors une carrière de semi-pro et un job dans l’emballage de fruits. Repéré par Benfica, dirigé par son compatriote Sven-Göran Eriksson, il y passe un essai infructueux et finalement il s’engage avec le plus grand club local : Helsingborgs IF.

La révélation à Helsingborgs IF

« Di Röe » (Les rouges en VF) évoluent alors en deuxième division. Depuis 24 ans le club n’a plus joué en Allsvenskan. Pour le jeune Henrik, c’est sa première saison dans la peau d’un footballeur professionnel à plein temps. Malgré ce statut de débutant, son association avec l’expérimenté Mats Magnusson (29 ans) va permettre au club d’obtenir sa promotion pour l’élite. Larsson claque à 34 reprises en 31 apparitions.

« Je le connais depuis qu’il a cinq ou six ans, car nous venons tous deux d’Högaborg. Nous avons commencé à jouer ensemble en juillet 92 et le club est monté en novembre. Avec Henrik, nous restions travailler devant le but après l’entraînement. Je crois lui avoir beaucoup appris et il ne m’a jamais battu dans nos petits concours » – Mats Magnusson

Et il enchaîne la saison suivante. Peu intimidé par ses débuts en première division, il trompe régulièrement la vigilance des défenseurs et des gardiens. Avec 16 buts au compteur, Larsson aide son club à se maintenir. Mieux, Helsingborg se classe à une 12ème position. Ses bonnes performances ne passent pas inaperçues.

50 buts en 56 matchs, ça commence à causer. Cela dépasse même les frontières nationales. Comme beaucoup de joueurs issus de cette région d’Europe, Henrik Larsson n’échappe pas à la règle. Après seulement deux ans en Suède, il prend la direction des Pays-Bas. Mais à la différence de nombreux autres Scandinaves, il n’atterrit pas à Amsterdam. Il file plus au sud. Vers Rotterdam. Vers De club van het volk (le club du peuple).

Henrik Larsson avec Helsingborg, une histoire loin d’être terminée… Crédit photo : Twitter Helsingborg.

Le départ à l’étranger

Recruté en novembre 1993 pour 295 000 £ (non vous ne rêvez pas !), il fait déjà ses débuts quelques jours plus tard en championnat. Feyenoord reçoit le Vitesse Arnhem au De Kuip et Larsson fait sa première apparition en remplaçant Regi Blinker. Mais l’attaquant de poche (1m75 pour 72kg) tarde à s’adapter à son nouvel environnement, aux nouvelles méthodes de travail. À 22 ans, c’est sa première expérience à l’étranger. Son bilan global est de 27 matchs pour 6 buts dont un seul en Eredivisie. Par la suite, ses stats s’améliorent. Il atteint même la barre des 10 buts en championnat lors de la saison 1995/96. Son meilleur score en championnat des Pays-Bas.

Cependant, ses performances devant le but ne suffisent pas à empêcher l’hégémonie de l’Ajax et ses trois succès consécutifs en 1994, 1995 et 1996. Quand les Lanciers laissent la place de N°1, le PSV saute sur l’occasion en 1997. Larsson et le Feyenoord se consolent avec la KNVB Beker (1994 et 1995). Et, en dépit de cette réussite statistique et des trophées gagnés, la relation entre les deux parties n’est pas forcément une divine idylle. Plusieurs raisons viennent obscurcir le ciel de Larsson à Rotterdam.

« Je n’étais pas satisfait du club à l’époque, mais ce n’est pas un problème aujourd’hui. J’ai de bons contacts avec les gens là-bas. Les choses n’ont pas toujours été très bonnes pour moi sur le terrain de Feyenoord et je suis allé en Écosse avec de l’amertume. Mais une fois arrivé, j’étais heureux parce que Wim Jansen était là. Il m’avait emmené en Hollande à l’origine et avait compris ce qu’il avait acheté. » – Henrik Larsson

Tout d’abord, une certaine instabilité à la tête de l’équipe. Notamment en 1995/96 avec pas moins de trois changements. Ensuite, les différents techniciens successifs ne l’utilisent pas à son poste de prédilection. Il est également frustré par une politique de turn-over trop rigide. Même quand il est bon, il ne joue pas plus de 50/60 minutes par rencontre. Enfin, quand il demande à quitter le club après quatre saisons, une querelle juridique l’oppose à Feyenoord. Le sujet de la discorde ? Selon Larsson, une clause de son contrat lui permettrait de partir si une offre de 650 000 £ arrive sur le bureau des dirigeants bataves. Finalement, il remporte son procès. Le Celtic sent le bon coup, paie la clause et Henke s’envole en Écosse.

La consécration au Celtic

À Glasgow, il retrouve son ancien coach à Feyenoord : Wim Jansen. Le néerlandais a insisté pour recruter son ex goleador. Mais les débuts du suédois sous le maillot des Hoops sont complètement ratés. Pour sa première apparition, il fait une passe à un … adversaire et le Celtic perd 2-1 contre Hibernian. Ensuite, il inscrit un but … contre son camp en coupe d’Europe. Sans conséquence. Le Celtic atomise le Tirol Innsbruck (6-3). Par la suite, il redresse la barre. Il termine la saison avec 16 buts. Mais surtout il remporte son premier titre de champion en Écosse. Ce sacre interrompt la série des rivaux : les Rangers (9 titres consécutifs) et permet de reconquérir la couronne abandonnée pendant une décennie.

Le bulldozer Henrik Larsson est lancé. Plus rien ne va l’arrêter. Pas même cette vilaine double fracture contractée en 1999 contre Lyon. Cela le stoppe seulement quelques mois. L’arrivée sur le banc de Jozef Vengloš (en 1998) l’amène à jouer en pointe. Le résultat est simple : 38 buts en 48 matchs (toutes compétitions confondues). Il remporte son premier titre de meilleur buteur. Il y en aura quatre autres (en 2001, 2002, 2003 et 2004). Après sa longue convalescence, il claque encore plus qu’auparavant. Ses 53 buts en 2001 lui valent le titre de Soulier d’or européen. Performance inédite pour un joueur du Celtic. Il est encore l’unique joueur des Bhoys à avoir réussi cette prouesse.

Sur la fin de son séjour à Glasgow, il forme un duo redoutable avec Chris Sutton. Cette dangereuse association martyrise les défenses et gardiens adverses de la Scottish Premier League. Mais aussi en Europe. En 2002/03, Henke marque 12 buts en 12 matchs européens. Le Celtic atteint une finale de la Coupe UEFA. Une première continentale depuis 1970. Le doublé du suédois n’est pas suffisant pour s’emparer du trophée (2-3). Une immense déception pour le joueur. Après une dernière saison prolifique (2003/04), ponctuée par un nouveau doublé (coupe / championnat), Larsson annonce son intention de quitter le Celtic à la fin de son contrat. Avec plus de 30 offres, Henrik a l’embarras du choix. Malgré bientôt ses 33 ans.

« C’était difficile, mais j’avais l’impression que si je ne marquais pas pendant quelques matchs, les médias (écossais) diraient : « Il n’est plus le même Larsson » et je voulais arrêter alors que j’étais au top. » – Henrik Larsson

Au total, il marque 242 buts en 313 matchs en sept ans, remporte huit trophées (4 titres de champion d’Écosse, deux Coupes et deux coupes de la Ligue), dispute une finale européenne (perdue contre Porto) et conquiert un statut de légende vivante du club. Troisième meilleur buteur de l’histoire du Celtic, il devient pour les fans : The King of Kings.

Les adieux difficiles du King of King à son public. Crédit photo : Twitter Celtic.

La success story à Barcelone

Libre, Henrik fait le tri entre les nombreuses propositions arrivées sur le bureau de son agent. Après des années dans le nord de l’Europe, Henrik veut du soleil. Il aimerait éviter de jouer le maintien avec sa nouvelle formation. Donc quand le Barça entre dans la course et valide tous ses critères, la réponse est un grand OUI. Il signe pour une saison plus une en option. Et comme souvent avec Henrik, sa première année est difficile.

Lors des 12 premiers matchs en Liga, il ne marque que trois buts. Et surtout un en Ligue des Champions contre son ancienne équipe du Celtic. Une réalisation très émouvante pour lui : « C’était très difficile pour moi de célébrer mon but parce que j’ai eu tant de bons moments ici. » Mais le pire arrive en novembre 2004. Pour son premier Clásico (victoire 3-0 du Barça), Larsson se blesse gravement au genou (rupture du LCA + ménisque). Il manque le reste de la saison. Certains pensent à la fin de sa carrière. Mais le club catalan prolonge son contrat malgré tout.

Et comme souvent avec Henrik, il rebondit et revient encore plus fort. Si le buteur suédois n’est plus aussi rapide, il conserve toutes ses qualités. Son sens du placement, son sang-froid, sa finition et son altruisme font le bonheur de ses coéquipiers. Même les plus talentueux comme Ronaldinho. Il est plus impliqué dans la conservation du titre de champion d’Espagne (28 matchs, 10 buts). Son entrée en jeu en finale de Champion’s League contre Arsenal est décisive. Elle est naturellement saluée par Thierry Henry :

« Les gens parleront beaucoup d’Eto’o et de Ronaldinho, mais ils devraient parler des joueurs qui ont fait la différence comme Henrik Larsson avec ses deux passes décisives. » 

Le retour au pays

En dépit d’une proposition pour prolonger son contrat avec Barcelone, Larsson retourne à Helsingborg. À 35 ans, la boucle est bouclée. Dès la première saison, il remporte la Coupe de Suède contre Gefle IF (2-0). Mais lors de l’intersaison du championnat suédois, il file faire une pige à … Manchester United. Un court séjour de trois mois (de janvier à mars 2007) au cours desquels les prestations de Larsson ont beaucoup plu au manager écossais :

« Il a été fantastique pour nous, son professionnalisme, son attitude, tout ce qu’il a fait a été excellent. Nous aimerions bien qu’il reste, mais il a évidemment fait sa promesse à sa famille et à Helsingborg et je pense que nous devrions le respecter, mais j’aurais tout fait pour le garder. » – Sir Alex Ferguson

À son retour en Suède, Henke apporte toute son expérience à son équipe. Grâce à son apport offensif, Helsingborg parvient à se qualifier régulièrement pour la coupe UEFA. En juillet 2009, il se casse la rotule. Cette blessure physique (absence estimée à 8 semaines) conjuguée à un deuil familial (décès de son jeune frère Robert) laissent penser à une fin de carrière. Pourtant mi-septembre, Henrik refait son apparition sur les terrains.

Mais quelques semaines plus tard, Larsson annonce son intention de mettre un terme à sa carrière à la fin de la saison d’Allsvenskan. Il foule donc la pelouse de l’Olympia pour la dernière fois contre Djurgården (défaite 2-0). Il reçoit une superbe standing ovation de son public. Sa reconversion est alors évoquée. Il décide de passer ses diplômes d’entraîneur. Et il travaille notamment avec Landskrona BoIS, Falkenberg et un retour à Helsingborg. Il a même eu son fils Jordan dans son effectif à Helsingborg. Des expériences mitigées pour le moment. La dernière en date s’est soldée par une relégation en Superettan (D2 suédoise) difficile avec notamment une agression sur son fils. Triste manière de terminer la boucle pour le moment à Helsingborg.

Avec les Blågult

La carrière internationale de Larsson débute quelques mois (en 1993) avant la World Cup 94 aux USA. Et pour s’assurer une place dans les 22, il se débrouille pour offrir la victoire aux siens dans un match de qualification face à la Finlande (3-2) en signant son premier but avec la sélection. Du coup, Tommy Svensson l’inclut dans son groupe avec des attaquants plus confirmés comme Kennet Andersson, Tomas Brolin et Martin Dahlin.

À la surprise générale, et pour leur neuvième participation en coupe du Monde (sur 15 éditions), les Blågult réalisent un super tournoi en décrochant la troisième place sur le podium. C’est même leur meilleure performance depuis 1958 et la seconde place obtenue à domicile face au Brésil de Pelé. Avec un statut de remplaçant, Henrik Larsson entre plusieurs fois en jeu pendant toute la compétition. Il ne participe pas à l’élimination de son équipe en demi-finale contre le Brésil (1-0). Titulaire lors de la petite finale contre la Bulgarie de Stoichkov, il en profite même pour inscrire son premier but en coupe du Monde. 

Henrik Larsson sous le maillot
 Blågult  lors de la Coupe du Monde 94, les prémices d’une longue carrière internationale. Crédit photo : Instagram Henrik.

« Au cours de ma carrière, j’ai joué contre certains des meilleurs attaquants qui aient jamais existé. Les deux Ronaldo, Roberto Baggio, Zlatan Ibrahimovic – et je peux honnêtement dire que Larsson a sa place parmi ces noms. Je l’ai affronté contre le Celtic et la Suède et il était un joueur à craindre, il était très spécial. » – Gianluigi Buffon

Par la suite, Henke devient un membre important de la sélection. Absent de l’Euro 96 et de la coupe du Monde 98, il dispute cinq autres compétitions internationales. Malgré sa terrible blessure contractée en 1999 (voir ci-dessus), Larsson est du voyage en Belgique et aux Pays-Bas pour l’Euro 2000. Il marque contre la Nazionale mais la Suède n’accède pas à la phase finale. En 2002, en Corée du Sud et au Japon, la Suède est dans le groupe de la mort (Angleterre, Argentine et Nigeria).

Les Vikings sortent de leur poule grâce à un doublé de Larsson. Mais ils sont éliminés par le golden goal du Sénégal. Suite à cette déconvenue, Henrik décide d’arrêter sa carrière internationale. Il revient finalement sur sa décision pour l’Euro 2004 et forme un superbe duo avec Zlatan Ibrahimović. Avec 3 buts en 4 matchs, il amène les siens jusqu’en quarts de finale perdu aux tirs au but contre les Pays-Bas. Il peut se consoler en remportant le prix du plus beau but de la compétition : une magnifique tête plongeante contre la Bulgarie.

Larsson dispute également la coupe du Monde 2006 en Allemagne. Si son but égalisateur contre l’Angleterre (2-2) est déterminant pour sortir du groupe, il manque un penalty contre la Mannschaft (défaite 2-0) et la Suède stoppe son parcours en huitièmes de finale. Pour la seconde fois, il renonce à la sélection. Mais Lars Lagerbäck réussit à le convaincre de revenir disputer l’Euro 2008. La Suède est éliminée dès la phase de groupe. Suite au départ de Fredrik Ljungberg, il récupère le brassard de capitaine. Dans la foulée, il inscrit son 37ème but international et dispute son 100ème match pour la Suède. Sélectionné jusqu’à ses 38 ans et 20 jours, il met un terme définitif à sa carrière en octobre 2009 avec 106 capes au compteur. Il est encore actuellement le joueur de champ le plus âgé à avoir porté le maillot suédois. 

Désigné en 2004 par la fédération suédoise comme le meilleur joueur des cinquante dernières années, Henrik Larsson est une icône du football de son pays. En plus de ses capacités de footballeur, tout au long de sa carrière, il s’est distingué pour sa discipline, son professionnalisme et son rythme de travail. Helsingborg lui rend hommage en retirant le numéro 17 et la ville en lui élevant une statue en bord de mer. 

Une statue pour immortaliser une légende pour la ville d’Helsingborg et le football suédois : Henrik Larsson.

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