Petit événement littéraire au rayon football en mars dernier en Suède avec la sortie du livre auto biographique de l’ancien attaquant international suédois Mats Magnusson intitulé « Mass – Hell Return ».  Et le Magnusson, on l’avait quand même un peu perdu de vue ces derniers temps, voire même ces dernières années. La dernière image qui me revient en tête, et aussi à pas mal de monde, fut sa présence lors d’un match de charité à Benfica pour Haïti, entre les stars mondiales contre celles du club lisboète il y a quelques années. Et pour cause, le bonhomme fit une apparition remarquée avec 140 kilos au compteur. Oui, triste constat que de voir une ancienne gloire dans un tel état. Mais bon, on se dit alors, que ça en fait un de plus qui profite de la retraite.  Et cela sans se demander le pourquoi du comment sur les raisons d’une telle apparence.

Un Magnusson méconnaissable lors de ce match de charité, qui appartient désormais au passé.

Et pourtant, il ne suffit pas d’être Nelson Monfort pour arriver à traduire le titre de cet ouvrage et donc s’interroger sur les raisons d’un tel intitulé. Alors, au fur à mesure de la découverte des raisons de cette initiative écrite, le sourire et la légèreté de notre visage par rapport de cette anecdote  s’efface pour faire face, à la peine, la compassion et la prise de conscience de la tragédie racontée. Celle de la longue traversée du désert,  de la descente aux enfers du personnage qui comme d’autres, ont du mal à la reconversion et qui engrange un mode opératoire peu florissant. Dans ce cas précis l’alcool fut le facteur déclencheur. S’ensuivit le mensonge (le refus de reconnaître la chose devant les premières mains tendues), le divorce, l’isolement familial, la souffrance subie à ses proches (son fils hockeyeur refusera même à ce qu’il vienne le voir jouer s’il a bu), le surendettement, l’expulsion du domicile et dans ce cas, la vie dans la rue en devenant ….. sans abri. Ainsi Magnusson se retrouve à passer la nuit dehors sur les bancs de parcs de la ville natale d’Helsingborg. Il ne compte plus les portes fermées, les rumeurs, les qu’en-dira-t-on (qui partent 10 fois plus vite quand vous êtes une ancienne gloire du ballon rond). Et lorsque l’on lit son témoignage vis à vis de cette soirée portugaise on y voit la honte. La honte de lui-même lors de sa découverte des images, additionnée, du constat de ce qu’il est devenu. Une auto critique terrible, ajoutée à cela quelques moqueries des gradins et ensuite du monde entier, serviront de déclic.

Un terrible mal pour un bien en somme. Viennent alors, les aides de ses amis et anciens coéquipiers dont Stefan Schwarz ou Hakan Lindman. Ce dernier le persuade de rencontrer Erling Palsson, membre du conseil d’administration du Malmö FF. Celui-ci lui trouve un travail et une maison, à une condition: aller dans un centre spécialisé. Magnusson d’abord réticent, accepte.

« Si je n’avais pas pris cette décision aujourd’hui je serais mort »

S’ensuit alors la longue remontée afin de voir le bout du tunnel. La sobriété, un nouveau mariage (avec une brésilienne), un travail (à la South Total Gallery à Malmö), le bonheur d’une nouvelle paternité et surtout la fierté de lui-même, retrouvé.  « Je me débrouille bien avec mon travail, appréciant les routines et ayant de bons collègues. Et je fais du vélo tous les jours, juste un peu plus d’un kilomètre. L’âme et le corps se sentent mieux qu’à long terme.

Ainsi ce livre, coécrit avec Marcus Birro, est sans doute la meilleure occasion pour lui de faire constater que cette période noire est désormais derrière-lui. Le faire constater à sa ville, à la Suède, pour qui il sera 30 fois international pour 12 buts (1 seule phase finale, la Coupe du Monde 1990 dont il sortira blessé. La 1ère pour le pays depuis le mondial 78 en Argentine) mais pas seulement…


Car quand on pense à Magnusson, un autre lieu vient immédiatement à l’esprit. Celui de Lisbonne et plus particulièrement son club de Benfica.  Quand il y posa ses valises en 1987, il est en charge de faire oublier le danois Manniche qui décide de repartir au pays après 4 ans de bons et loyaux services. Mats, lui, n’en est pas à son premier essai à l’étranger. Une tentative peu concluante au Servette de Genève deux ans auparavant avait provoqué un retour dans son club formateur de Malmö. « En 1987, le football n’était pas professionnel en Suède. Etant au Portugal, je vais voir un match au Estadio da Luz. Mon agent me dit alors qu’Ebbe Skovdahl m’a vu jouer et qu’il me veut au Benfica. Je ne pouvais pas y croire. » Il signe au club portugais pour une somme de 3 millions d’euros. Cinq mois plus tard, Ebbe Skovdahl est dégagé par le club et est remplacé par Eriksson.

S’en suit alors une romance de 5 ans avec le club portugais. 2 titres de champion (1989 et 1991), une super coupe. Il y dispute 2 fois la finale de la Coupe d’Europe des clubs champions en 3 ans avec autant de défaites. D’abord en 1988, perdue aux tirs aux buts contre Eindhoven et en 1990 contre le Milan AC (où van Basten lui demande d’échanger son maillot). D’ailleurs il est un des 2 seuls suédois, l’autre étant Conny Torstensson avec le Bayern Munich à avoir disputé 2 finales de la C1. Le latéral Stefan Schwarz, le milieu de terrain défensif Jonas Thern (les 2 autres suédois jouant avec lui durant son séjour portugais) ne seront pas là en 88, ni en 90 pour le 2ème cité. A savoir aussi, qu’à l’époque, les joueurs brésiliens n’étaient pas considérés comme étrangers. Ce qui représente quand même un sacré avantage surtout quand on a des Mozer, Aldair, Valdo ou Ricardo dans ses rangs.

A l’issue de la saison 1989/90, il remporte le titre de meilleur buteur du championnat portugais avec 33 buts en 31 matches. Il est même en passe d’obtenir le titre de soulier d’or avant que Hristo Stoichkov ne réussisse un miracle sauce bulgare en inscrivant 6 buts avec son club du CSKA Sofia lors de la dernière journée (oui je sais, moi aussi je pense comme vous). »Je suis toujours en colère contre ça. Parce que c’était le mien  » grogne-il encore aujourd’hui. Seul point d’ombre, en 5 saisons, il ne marquera jamais contre Porto. Sobre, travailleur, efficace et avec un formidable sens du but, il sera indéboulonnable. Et ce malgré la concurrence de l’époque avec des Rui Aguas, Yuran, Vata, Cesar Brito… Jamais intimidé, solide mentalement et toujours indispensable. Résultat, Matts sera pendant près de 25 ans le meilleur buteur étranger de l’histoire du club portugais avec 87 buts. Avant que Cardozo ne dépasse le bonhomme en 2011 (avec un total de 172 buts à la fin de son séjour en 2014) puis Jonas en août dernier (mais tout ce beau monde est bien loin du meilleur buteur du club Eusebio avec 473 buts).

Si de part ces performances les benfiquitas gardent un grand souvenir de « The White Rat », il en est de même pour l’homme. Et pour cause, un type humble, toujours abordable auprès d’eux et qui ne se plaignait jamais et sans dire du mal de qui que ce soir (d’ailleurs lorsqu’il vient voir Benfica, il précise qu’il lui faut venir 3 h avant le match, histoire d’avoir le temps de saluer les fans). « Schwarz m’a un jour dit: «Mats, tous les Benfiquistas t’aiment, c’est incroyable» et je lui ai dit que «ce n’est pas seulement ceux de Benfica, mais il y a aussi ceux de Porto et du Sorting qui m’aiment aussi». Et je peux te dire que j’aime aussi les portugais ». Aujourd’hui il est un toujours un des joueurs les plus adulés. Son amour envers le club portugais ne faiblira jamais « être de Benfica est quelque chose de difficile à expliquer ceux qui ne sont pas benfiquiste . C’est comme une personne qui a des enfants et une autre qui n’en a pas ».

En 1992, moins performant suite à sa blessure, Benfica décide de mettre fin à l’aventure. Pour son départ, il organisera même, avec Jonas Thern, un déjeuner à tous ses coéquipiers pour leur dire au revoir. « Quand je serai en Suède, tout le monde me manquera, mais c’est l’histoire se termine ici. Mon rêve était de rester au Benfica mais en décembre je serai ici pour passer quelques jours en vacances. Je suis déjà plus portugais que suédois et si je n’avais pas de famille dans mon pays, je ne doute pas que je resterais au Portugal. » ses propos au journal A Bola il y a 25 ans. S’intégrer de cette manière, dans un club de la dimension de Benfica et y laisser une telle emprunte n’est pas donné à tous le monde. Même si la prochaine destination de notre sujet allait lui permettre de rencontrer un cas dont on retrouverait pas mal de similitudes à ce sujet dans un proche avenir. Pas au Portugal mais plutôt en Ecosse ….

En 1992, après 5 saisons de bons et loyaux service Matts retourne dans sa ville natale pour jouer à Helsingborg qui végète depuis 24 ans dans l’antichambre de l’élite. A ces côtés, un jeune attaquant lui aussi originaire de la ville de l’Øresund, Heinrik Larsson (qui lui aussi entretiendra une forte relation avec un club étranger, le Celtic). Leur association va fonctionner au-delà de toute les espérances. Lors de la saison, le jeune loup va marquer 34 buts et Matts lui 19. Permettant alors à Helsingborg de remporter le championnat et de remonter dans l’élite.

Le fameux duo Henrik Larsson – Mats Magnusson à Helsingborg.

Le duo fonctionnera encore une saison assurant à leur club un maintien tranquille. Les sirènes de l’étranger ne tardèrent pas à se faire entendre pour un Larsson qui découvrait les joies d’une première sélection contre la Finlande. Et plus tard vivre une idylle à la Magnusson avec le Celtic. Tandis que Mats lui, ne put entamer une nouvelle saison et du à cause d’une blessure au genou et sous conseil médical mettre fin à sa carrière. Fin de cette belle association, qui a vu ces grands 2 joueurs du pays, à des périodes diamétralement opposées de leurs carrières, remettre le club de leur ville natale à une place honorable au sain de l’élite suédoise.

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