Birkir Már Sævarsson est l’un des joueurs les moins connus du groupe islandais, il n’en est pas moins l’un des éléments essentiels. Du haut de ses 80 sélections, il est d’ailleurs le joueur le plus capé encore en activité. Valeur sûre, sa discrétion n’a d’égale que sa régularité. Alors qu’il approche des 34 ans (il les fêtera le 11 novembre prochain), il est en train de vivre les plus belles années de sa carrière, la Coupe du Monde en guise d’apothéose. Disponible et plein d’humour, il est revenu avec nous sur son parcours et sa carrière qui, bien que déjà riche, n’est pas prête de s’arrêter. Au programme de cette première partie : la sélection et le championnat islandais.

(English version below)

Je n’ai jamais été aussi bon que ces quatre dernières années.

Tu es le joueur le plus capé actuellement, est-ce que tu as un rôle ou un statut particulier au sein du vestiaire et vis à vis du staff ?

Non, je ne pense pas avoir un rôle particulier parce que je n’ai pas l’âme d’un leader. Je suis un mec plutôt calme et décontracté.

Pour ta première sélection en 2007 (ça nous rajeunit pas !), match nul contre le Liechtenstein*. L’Islande a tellement progressé depuis qu’un tel résultat paraîtrait improbable aujourd’hui ! Tu as vécu toute l’évolution de l’équipe, comment cela s’est passé ? 

Je crois que c’est un mélange de plusieurs choses. D’abord, ça fait des années que l’Islande travaille sur ses infrastructures footballistiques et on en récolte les fruits aujourd’hui. De plus en plus de jeunes joueurs partent dans des clubs européens, ce qui leur permet de s’améliorer. Et puis Lars (Lagerbäck, l’ancien sélectionneur ndlr), avec toute son expérience, a repris l’équipe au bon moment. Ensuite, les joueurs qui avaient participé au championnat d’Europe espoirs avaient déjà acquis de l’expérience en équipe A. Et Lars savait exactement ce qu’il fallait pour nous emmener jusqu’à l’Euro.

* C’est aussi contre le Liechteinstein que Birkir a inscrit son premier (et jusqu’à présent unique) but en sélection, le 6 juin 2016. Et quel but !

As-tu ressenti un fort impact sur ta propre progression et tes performances ?

Oui, mes performances se sont beaucoup améliorées en même temps que celles de l’équipe. Je suis un peu plus âgé maintenant et j’ai accumulé pas mal d’expérience, ce qui m’aide à perfectionner mon jeu. Je pense que je n’ai jamais été aussi bon que ces quatre dernières années.

Au niveau du fonctionnement « logistique » de l’équipe et de la fédération, les choses ont aussi évolué ?

Il n’y a aucun doute, tout ce qui tourne autour de l’équipe d’Islande a évolué dans le bon sens. Aujourd’hui, la fédération fait de son mieux pour écouter ce que les joueurs ont à dire et pour prendre en compte leurs souhaits. Et ses efforts méritent d’être salués parce qu’ils ont joué un rôle important dans les progrès de l’équipe.

Quel est ton pire et ton meilleur souvenir en sélection ?

Mon meilleur souvenir, c’est le coup de sifflet final du match contre l’Angleterre, lorsqu’on s’est qualifiés pour les quarts de finale de l’Euro. C’était un sentiment incroyable de battre l’Angleterre, l’équipe que suivent tous les Islandais.

Viril mais correct | Photo personnelle Birkir Sævarsson

Mon pire souvenir, c’est probablement lorsque j’ai mal joué contre la Suisse et que j’ai concédé un penalty. Heureusement, on a fait match nul, 4-4. C’était un match incroyable, mais pour moi, ça reste un mauvais souvenir.

Abordons la coupe du monde… ça approche ! Tu y penses souvent ? Comment tu t’y prépares ?

J’ai hâte d’y être mais j’essaie de ne pas trop y penser. Il me reste quelques mois dans mon club et c’est important de me concentrer là-dessus pour me préparer le mieux possible. À la fin du mois de mai, il sera temps de se focaliser sur la Coupe du monde. Je donne le meilleur de moi-même avec Valur et en entraînement, comme d’habitude. C’est en continuant comme ça que je serai prêt pour la Coupe du monde.

On est le 15 juillet et, à la surprise générale, l’Islande remporte la coupe du monde. Tu mets fin à ta carrière internationale sur cette victoire ou tu ne penses pas à arrêter ?

(Rires) C’est vrai que ça serait une belle fin pour ma carrière internationale. Mais je n’arrêterai pas de moi-même. J’aime trop ce métier et je resterai disponible aussi longtemps que les entraîneurs me choisiront.

Quel(s) joueur(s) estimes-tu pouvoir te remplacer dans le futur ?

Il y a quelques joueurs prometteurs. Rúrik Gíslason joue en Allemagne en tant qu’arrière droit. Il est bon, il pourrait très bien jouer pour l’Islande aussi. Samuel Kari Friðjónsson a joué arrière droit dans quelques matchs amicaux et il s’est très bien débrouillé, c’est un remplaçant potentiel. Il y a aussi Haukur Hauksson qui joue pour l’AIK et Viðar Ari Jónsson pour Brann, qui sont tous les deux arrières droits en club. Il y a donc plusieurs joueurs en compétition pour ce poste. Mais ils devront se battre pour l’avoir parce que je ne compte pas leur laisser ma place.

Tu penses que l’Islande peut encore franchir un palier et aller plus loin dans ses résultats ? Que peut-on imaginer pour les prochaines années ?

Bien sûr ! On produit encore beaucoup de joueurs de qualité et nombreux sont ceux qui partent à l’étranger pour jouer professionnel. L’Islande participera certainement à de grands tournois dans les années à venir.

Un « petit » pays comme l’Islande qui devient aussi populaire à travers le monde grâce au foot, ça fait plaisir ou ça fait peur ?

Je trouve ça bien, même si c’est un peu bizarre. Mais c’est une occasion en or pour montrer au monde ce qu’est le football islandais, et tout ce que notre pays a à offrir.

J’avais abandonné tout espoir de devenir footballeur professionnel

Après 10 ans à l’étranger, tu décides de revenir à Valur, ton club formateur. Pourquoi ce retour aux sources ?

Avec ma famille, on a décidé qu’Hammarby (et la Suède) serait le dernier endroit où on serait tous réunis, à part l’Islande, bien sûr. Et quand il a été décidé que je ne continuerai pas à Hammarby, ma famille est rentrée en Islande. J’ai essayé de trouver quelque chose d’intéressant à l’étranger mais j’étais blessé pendant le mercato d’hiver. Aucune opportunité ne s’est présentée, il était donc temps pour moi de rentrer et de retrouver ma famille.

Tu as beaucoup hésité ou c’était une évidence pour toi ? Comment ta décision a-t-elle été influencée ?

J’ai fait tout mon possible pour trouver quelque chose à l’étranger, au moins jusqu’à l’été. Mais ma blessure m’en a empêché. J’aurais pu signer dans des clubs au Danemark et en Angleterre mais le mercato a pris fin avant que je sois de nouveau capable de m’entraîner. Et puis j’ai décidé de rentrer pour retrouver ma famille.

20 décembre 2017, Birkir er konminn heim| photo mbl.is

Que réponds-tu à ceux qui pourraient critiquer ce choix et penser que le rythme du championnat n’est pas assez relevé ?

Je comprends qu’on puisse penser que c’est une décision risquée avant la Coupe du monde. Mais je suis international depuis dix ans, j’ai près de 80 sélections à mon actif et je sais ce qu’on attend de moi. Et puis, les présaisons suédoise et islandaise se ressemblent beaucoup, donc il n’y a presque aucune différence pour moi dans la préparation, que je joue en Islande ou en Suède.

As-tu l’impression que le niveau général du championnat et des joueurs, notamment les plus jeunes, s’est amélioré depuis ton départ ?

À mon retour, j’ai été un peu surpris par la qualité de jeu. Je savais que Valur était la meilleure équipe du championnat mais je pensais qu’il y aurait une plus grande différence entre Valur et les autres clubs dans lesquels j’avais joué. En fait, il n’y a pas de grande différence, et ça me fait très plaisir. Il y a plus de jeunes joueurs dans les clubs de la Pepsideild, et c’est super. J’espère que les équipes vont continuer à donner leurs chances aux jeunes joueurs pour qu’ils puissent s’améliorer.

Tu dis que tu n’as pas l’âme d’un leader mais quand même, avec ton statut, ton expérience… Tu as un rôle particulier à Valur ? Tu es la rock-star du championnat !

J’espère que les joueurs de Valur me voient comme une sorte de modèle et comme un joueur auprès duquel ils peuvent apprendre des choses. Je suis conscient que je suis peut-être l’un des joueurs les plus connus de la Pepsideild mais je fais tout pour ne pas attirer l’attention.

Quand tu débutais avec Valur en 2003, quelles étaient tes ambitions ? Quand tu vois le chemin parcouru depuis, tu ressens quoi ?

A l’époque, ma seule ambition était de jouer pour Valur. J’avais abandonné tout espoir de devenir footballeur professionnel ou de jouer dans l’équipe nationale. J’ai fait des études pour devenir pilote et j’ai même fait un semestre de cours aux Etats-Unis, donc le football n’était pas ma priorité. Quand je fais le bilan, c’est incroyable de voir la carrière que j’ai eue.

Meilleur jeune joueur (et plus belle coupe de cheveux) à 17 ans | Photo personnelle Birkir Sævarsson

Tu disais rester concentré sur ton club en attendant la coupe du monde. L’équipe est très compétitive cette saison, quels sont vos objectifs ? Tu penses qu’un beau parcours en Coupe d’Europe peut être envisageable ?

On veut remporter tous les titres possibles en Islande. C’est toujours l’objectif de Valur. Le but principal, c’est d’être le premier club à se qualifier pour une phase de groupe dans n’importe quelle coupe européenne. Je pense qu’on n’a jamais eu autant de chance d’y arriver qu’aujourd’hui. Bien sûr, il faut que le tirage soit en notre faveur et qu’on donne notre maximum dans chaque match européen. Mais je pense qu’on a de bonnes chances d’y arriver.

Penses-tu que le championnat puisse encore progresser et atteindre le niveau des autres nations nordiques ?

Bien sûr, il y a matière à s’améliorer. Mais je ne pense pas qu’on atteindra le niveau des autres pays nordiques parce que les joueurs qui font une bonne saison en Islande partent immédiatement à l’étranger. Mais en se qualifiant pour les phases de groupes européennes, les clubs vont recevoir plus d’argent et ça sera plus facile pour eux de garder les joueurs plus longtemps et de construire des infrastructures encore meilleures pour les jeunes.

Les autres nations nordiques, la Norvège et la Suède notamment, nous en parleront justement dans la deuxième partie… A suivre !

 

Seconde partie de l’entretien


English Version

You are currently the most capped player, do you have a specific role or status in the locker room or with the staff?

No, I don’t think I have a specific role because I’m not the “leader” type. I’m usually a quiet and easy going guy.

Your first cap in 2007 (we’re getting old!) ended in a draw against Liechtenstein. Iceland made such progress since then that this kind of result seems unlikely today! You’ve experienced the entire development of the team; how did it happen?

I think that it’s a combination of a lot of things. First of all, Iceland has been working on it’s football infrastructure for many years and we are now seeing the benefits of it. We are getting more and more players out to Europe at a young age which helps develop them into better players. Then Lars, with all his experience, took over the team at a perfect time… Then the players that had been to the U21 Euros had already gained experience with the A team as well. And Lars knew exactly what to do to get us to the Euros.

Did you feel it had a strong impact on your personal progression and your performances?

Yes, I think that my performances have gotten much better as the team has gotten better. I am also a little bit older and have gained a lot of experience and that helps improving my game. I think I have played my best football in the past 4 years or so.

Concerning the « logistical » functioning of the team and the federation, did things evolve too?

I think it’s safe to say that everything around the Iceland team has improved.
Now the federation does it’s very best in listening to what the players have to say and try doing things according to those wishes. And they really deserve credit because that’s also a big part in the improvement of the team.

What’s your best and worst memory in the national team?

My best memory is when the final whistle went in the game against England and we went through to the quarter finals of the Euros. It was a fantastic feeling, beating England, the team every Icelander follows. Worst memory is probably when I played a bad game against Switzerland and conceded a penalty. Luckily we drew them 4-4 in an amazing game. But for me personally it’s a bad memory.

Let’s talk about the World Cup… it’s getting close! Do you think about it often? How do you prepare for it?

Now I just look forward to it but I try not to think to much about it. It’s still a few months left with my club and it’s important to focus in that to prepare as good as possible. Then in the end of may it’s time to focus on the WC. Playing at my best for Valur and training as usual. Then I now I will be prepared for the WC.

We’re July 15th, and to everyone’s surprise, Iceland wins the World Cup. Do you put an end to your international career after this victory or do you not think about retiring?

haha it would certainly be a very good way to end the international career. But I will not quit by myself. I enjoy it too much and I will be available for as long as the coaches pick me.

In your opinion, what player(s) could take your place in the future?

There are a few players that are likely. Rúrik Gíslason has been playing well in Germany as a right back and could easily play there for Iceland as well. Samuel Kari Friðjónsson has been playing right back in a few training matches and done it very well so he could be a possible replacement. Then we also have Haukur Hauksson who playes for AIK and Vidar Ari Jonsson who playes for Brann who both play right back at their clubs. So there are a few players that are competing for this position. But they have to take it because I don’t plan on giving it away (:D)

Do you think Iceland can take it to the next level and do better? What can we expect for the years to come?

Of course! We are still producing a lot of quality players and there are a lot of players going abroad to play professionally. So I think we can definately expect Iceland to be in many more big tournaments in the coming years

The « small » country of Iceland became very popular around the world thanks to football. Is it nice or is it scary?

I think it’s very nice even though it’s a little weird. But this is a great oppurturnity to show people Icelandic football and the rest of what the country has to offer

After ten years abroad, you decided to come back to Valur, your first club. Why did you return to your roots?

Me and my family decided that Hammarby and Sweden would be the last place the whole family would be together, other than Iceland of course. And when it was decided I would leave Hammarby, the family moved home. I tried to find something interesting abroad but I was injured in the january window and nothing came up so then it was time to move home to the family.

Did you hesitate a lot or what is something obvious? What was your decision influenced by?

I tried as I could to find something abroad at least until the summer. But the injury got in the way of that. I could have signed for clubs in Denmark and England but the transfer window closed before I was fit to train. And then I decided to move home to my family.

What would you say to those who might criticize your choice and say that the rhythm of Pepsideildin is not intense enough?

I understand that people maybe think that it’s a risky move before WC. But I have played international football for ten years and played almost 80 caps and I know what is demanded from me. And also, the pre-season in Sweden and Iceland is pretty much the same so there’s almost no difference for me in preperation when playing in Iceland or Sweden.

Do you feel that the general level of the league and of the players, especially the youngest ones, has improved since you left?

I was actually a little bit surprised by the quality when I came back. I knew Valur was the best team but I thought the difference between Valur and the clubs i’ve played for would be bigger. But the difference is not big and for that I’m very happy. It seems like there are more younger players playing in a lot of the clubs in Pepsideildin and that’s great. I hope the teams will continue to give the young players chances so they can develope more.

You told us you are not a « leader », but still, with your status and your experience… Do you have a specific role in Valur? You’re the rock star of the league!

I hope the players in Valur look at me as some kind of a role model and a player they can learn from. And I am aware of that I’m maybe one of the most known players in Pepsideildin but I really try to avoid any kind of attention ?

When you began with Valur in 2003, what were your ambitions? What do you feel when you see how far you’ve come?

Back then I only had ambitions playing for Valur. I had given up any dreams of playing professional football or with the national team. I studied to be a pilot and even took one semester at a school in the USA, so footbal was really not my first priority. When I look back it’s kind of amazing how good my career has been.

You told us you’re focusing on your club until the World Cup. Valur is very competitive this season, what are your objectives? Do you think the team can do well in the European cup?

We want to win every title available in Iceland. But for Valur that’s something the club always goes for. The main objective is to be the first Icelandic club to qualify for a group stage in either of the European cups and I think we have never had a bigger chance of that than right now. But of course we need to be a little lucky with the draw and then play to our max in every European game. But we have a good chance I think.

Do you think Pepsideildin can still improve and reach the level of the other Nordic nations?

Of course, there’s room for improvement. But I don’t think we will get to the same level as the other nordic countries because players who have a good season in Iceland go abroad immediately. But by qualifying for European group stages the clubs will get more money and it will be easier to keep players here for a longer period and building up even better youth facilities.

 

Second part of the interview

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