En ce jour de reprise du championnat suédois, nous avons eu l’occasion d’échanger avec un des nouveaux arrivants dans ce championnat, le gardien franco-écossais Bobby Allain. À travers cet échange, il a pu nous parler en détail de son beau parcours atypique hors d’un centre de formation, de son enfance avec ses deux parents sourds, de sa trajectoire du football amateur au monde professionnel en troisième choix, doublure puis titulaire à Dijon en Ligue 1 ainsi que son passage à l’Olympiakos.

Et bien sûr de sa nouvelle aventure depuis le début d’année à Örebro avec son adaptation et sa préparation où il va connaitre pour la première fois de sa carrière en professionnel un rôle de titulaire en début de saison à 29 ans dès aujourd’hui face à l’IFK Göteborg :

Tout d’abord peux-tu nous présenter ton parcours avant de devenir footballeur professionnel ?

Avant de devenir professionnel, j’avoue que j’ai bossé dur. J’ai changé assez souvent de clubs. J’ai évolué en région parisienne où j’ai fait tous les clubs forts en région parisienne que ça soit Mont-Rouge, l’ACDD dans les plus hauts niveaux. Et je m’apprêtais à signer à Créteil à un très haut niveau c’était en U18 DH. Je suis parti à mes 16 ans en Écosse, c’est là où j’ai fait ma première expérience professionnelle en deuxième division écossaise. Le club s’est cassé la gueule financièrement donc j’ai dû rentrer en France et continuer mes études.

À côté de ça j’ai continué à jouer au football à Évry, très jeune j’ai été avec les seniors surclassé et j’ai été repéré assez rapidement par le Red Star qui m’a appelé en tant que 4e gardien à 18 ans en National. Dans la même année je suis passé numéro 2 et j’ai même fini par faire des matchs, de bons matchs. Et avec ce club on est monté en Ligue 2 4 ans après et j’ai signé mon premier contrat professionnel. 100% région parisienne en France.

Tes deux parents sont sourds, comment s’est passée ton enfance et cela t’a-t-il permis de développer d’autres sens même sur le terrain de football ?

Oui comme tu le dis j’ai 2 parents sourds, moi je pensais petit que tout le monde avait des parents sourds. Je me pointais à l’école en maternelle en parlant en langue des signes, car je pensais que tout le monde avait la même situation familiale on va dire.

Mais ce que ça m’a apporté c’est vrai sur le terrain, c’est peut-être une connerie, mais j’ai une sensation de super pouvoirs. De pouvoir anticiper les choses, de voir les choses avant. Mon père il lui arrive souvent, ils ont développé une vue mais impressionnante je trouve. En n’ayant pas l’ouïe, ils ont développé un autre sens. J’ai cette sensation, je ne sais pas si c’est vrai ou pas. Mais j’ai une bonne vue.

Mon père à l’époque avait l’équipe de France pour les sourds, directeur sportif et même coach, il a eu plusieurs casquettes pendant 16-17 ans. À l’époque j’avais 17 ans et je passais mes diplômes d’entraineur des gardiens but et il m’a dit pourquoi pas viens si ça t’intéresse ce poste là. J’ai dit avec plaisir, c’est vrai que j’ai cette passion et fibre j’ai l’impression. Et j’ai était en poste jusqu’à l’année dernière. C’est la passion du foot héréditaire.

Dans ta carrière en France, tu as surtout connu un rôle de remplaçant/doublure, jusqu’à avoir l’opportunité de faire tes preuves en L1 à Dijon, comment as-tu continuellement gardé le mental et la rigueur nécessaire pour persévérer et avoir cette opportunité ?

J’avoue que mon père y est pour beaucoup de choses parce qu’il m’a beaucoup poussé, il m’a toujours dit qu’il fallait plusieurs échecs pour pouvoir réussir. J’ai toujours cru en moi et je me comparais avec les autres gardiens par exemple à Dijon quand j’ai débarqué j’ai vu que je n’étais pas loin et qu’il fallait que je bosse. Donc j’ai persévéré et au bout d’un moment même le staff dijonnais s’est rendu compte qu’ils pouvaient compter sur moi.

J’ai saisi ma chance lorsqu’ils ont ramené le gardien islandais à Dijon qui avait une mauvaise passe et j’en ai profité pour passer devant. À Dijon j’étais arrivé comme 3e gardien derrière Leroy et Reynet, deux superbes gardiens.

Après ta fin de contrat à Dijon, tu as dû t’entrainer avec l’UNFP en attente d’un club, c’est difficile de retrouver un projet et de continuer à garder la forme une fois libre ?

J’avoue que c’était une période pas très facile l’UNFP, mais j’ai eu la chance de m’entrainer avec eux et ça je leur en remercie encore. C’est incroyable qu’on ait ces dispositions-là, c’est vraiment top. Le problème c’est que Dijon m’a fait une proposition mais je sentais que derrière ce n’était pas voulu. Enfin ce n’est pas que ce n’était pas voulu, ils m’ont proposé 2 ans et je m’attendais à plus, car j’avais fait une bonne saison et j’avais montré un petit peu mes capacités à être numéro 1. Mais eux ils comptaient sur moi comme concurrent avec le gardien qui sera là en alternant. Et moi je voulais avoir une place assurée. Cela m’a un petit peu vexé, je ne sais pas si c’était le bon choix ou pas, mais j’ai décidé d’attendre les offres et j’ai pu signer à l’Olympiakos.

Justement comment s’est passée ton expérience grecque à l’Olympiakos où tu as notamment débloqué ton palmarès ? Tu as beaucoup appris aux côtés de José Sa ?

Comme tu dis, je voulais gagner des trophées et goûter à l’Europe et ça c’était magnifique. Quand j’ai entendu l’Olympiakos, moi je me suis dit ok je vais me donner à fond pour essayer de passer devant. Je t’avoue que je ne connaissais pas du tout José Sa, ni le coach, je connaissais quelques joueurs, j’ai vu qu’il y avait Youssef, qu’il y avait Matthieu. Je me suis intégré très rapidement grâce à eux c’était vraiment une intégration rapide, il y avait des mecs mais incroyables. Tu sentais qu’à l’entrainement c’était du très très haut niveau, il fallait répondre tout de suite tout le temps. C’était un peu une bataille d’ego dans le sens ça montre ses qualités et il fallait être un bonhomme sur le terrain. J’ai appris en très peu de temps là-bas, c’est vraiment le côté très très haut niveau et j’ai vraiment apprécié cela.

José Sa pour te dire c’est vrai qu’au quotidien ce n’était pas le plus heureux de venir à l’entrainement. Il fallait un peu lui tirer les cheveux pour qu’il s’entraine. Mais par contre sur l’homme vraiment un bon mec qui a une très bonne analyse. On s’est entraidé tous les deux, moi on va dire dans une mauvaise passe car j’étais venu pour jouer et finalement je ‘ai pas tant joué que ça et lui il voulait absolument partir. On s’est tiré vers le haut, lui il a fait la saison top comme il a pu la faire et moi dès que j’ai supplée j’ai essayé de répondre présent.

Avant de signer en Suède, tu t’entrainais avec la réserve du Paris FC, as-tu eu d’autres touches notamment d’Écosse ? Et comment cette opportunité à Örebro s’est présentée à toi ?

Alors j’avoue que j’ai eu plusieurs touches et j’ai eu la chance de m’entrainer avec le PFC. C’est vrai que j’ai joué au Red Star et demander au PFC c’est vrai que c’est assez bizarre. Mais j’ai demandé au Red Star et à cause du covid en fait tous les groupes pro ont du fermer leurs portes et ne pouvait pas prendre un joueur comme ça qui puisse venir et s’entrainer en plus. Donc j’ai eu la chance de m’entrainer avec le PFC une fois ou deux fois avec le groupe pro et le reste c’était avec la réserve avec Rudy que je connais bien l’entraineur des gardiens de la réserve. Donc j’ai pu me reprendre les jambes et me maintenir là-bas c’était assez cool et reprendre une claque dans le sens ou le football amateur c’est là d’où je viens et reprendre un petit peu de force pour repartir de l’avant et ça m’a beaucoup aidé.

J’ai eu plusieurs offres, j’ai eu des offres exotiques. Mais c’est vrai que dès que j’ai entendu que j’avais une offre ou des clubs intéressés en Suède notamment Djurgarden, j’ai tout de suite dit à mon agent que la Suède ça m’intéressait beaucoup. Je voulais repartir dans un pays où la mentalité était proche de la mienne, c’est à dire voilà le respect, le respect de l’être humain et le côté bosseur, c’est tout ce que j’aime. J’ai eu quelques touches avec différents clubs suédois, et j’ai choisi Örebro. Ce qui se différenciait avec les autres clubs, c’est que le coach voulait me parler. Moi qui suis très humain et qui aime beaucoup le relationnel, et échanger sur le football je suis très passionné on peut parler pendant des heures du football. Et bah c’est ce qui s’est passé avec Axel, il m’a montré sa philosophie et ça me correspondait tout à fait. Donc après l’appel j’ai dit à mon agent que je voulais que ça se fasse absolument. Donc j’ai eu la chance de signer à Örebro. Je recherchais un projet pour jouer. Quand tu retraces ma carrière, c’est un nouveau sentiment d’être numéro 1.

Tu découvres en Suède encore un nouveau pays et une nouvelle culture après la Grèce, comment se passe ton intégration à Örebro depuis maintenant 4 mois ?

Écoute, tout est au top c’est ce que je me disais en revenant chez moi. C’est vrai que je vais à pied à l’entrainement, ça c’est nouveau pour moi. Je suis qu’à 4 minutes du stade. C’est un grand changement. On disait avec ma femme, c’est top, c’est la sécurité, il n’y a pas de violence, tu sors tu es rassuré. Les gens sont sympas, on est allé à l’hôpital les gens sont accueillants, tu croises quelqu’un dans la rue on te dit bonjour. Tout ça c’est nouveau, ce n’est pas pareil qu’en région parisienne. À Dijon, c’était un peu plus ressemblant on va dire.

Mais oui la mentalité j’aime beaucoup, j’apprécie. Et mes collègues sont tous sympa, ils m’ont intégré mais vraiment rapidement. Parce que là cette fois-ci y il n’y avait aucun français. Heureusement moi je parle anglais et je me suis intégré en même pas une semaine, je parle à tout le monde, je connais tout le monde, je suis curieux de tout le monde donc c’est top ! Il y a plus que sur le terrain à être une équipe vraiment soudée et ça va être top.

La reprise du championnat c’est déjà samedi face à l’IFK Göteborg club historique suédois, qui vient notamment de signer Marek Hamsik, tu te sens prêt pour la reprise ? Comment s’est passée la préparation ?

De ce que je vois on est prêt, on est pressé de commencer. On sait qu’on joue comme tu dis un club historique, mais on est à la maison donc on se doit de faire un bon résultat. Ils veulent continuer sur la dynamique de la saison dernière les 10 derniers matchs. Ils veulent repartir sur ce type de jeu donc non la préparation je pense qu’elle veut rien dire ça reflète pas la réalité les résultats. Mais dans le contenu il y a de très bonnes choses comme il y a de mauvaises choses. Maintenant on sait ce qu’il faut et ce qu’il ne faut pas faire. Moi j’essaye de m’adapter au jeu encore, j’avoue que je ne suis pas adapté à 100%. Il y a des modes de jeu qui sont très différents et le boulot c’est essayer de les haranguer et essayer d’avoir de bons résultats et d’être décisif.

C’est la première fois de ta carrière qu’au niveau professionnel, tu vas démarrer une saison dans la peau de gardien numéro 1, une belle fierté à 29 ans que ça finisse par arriver quand tu regardes en arrière ?

Totalement, moi j’avais discuté avec Ronan Le Crom et lui il a exactement la même carrière. On ne comptait pas sur lui il était doublure et puis il y a une saison à Guingamp où ça y est il a sa chance à 29 ans. Et puis derrière il a fait la carrière qu’on connait, une grande carrière où il a arrêté jusqu’à 42 ans. Donc voilà j’espère que ça sera pareil pour moi haha ! Mais oui ça fait du bien et j’espère que je vais répondre présent et rendre la confiance et être décisif ça va être le plus important. Je sais qu’il y aura des hauts et des bas forcément, mais il faut que je les gère.

La sélection écossaise va disputer l’Euro après plus de 13 ans d’attente d’une grande compétition, tu as la double nationalité, cela serait un rêve de pouvoir y figurer à la suite parmi les 3 gardiens ? As-tu déjà eu des contacts avec la fédération ?

Ça je l’ai toujours dit depuis Dijon lorsque j’ai commencé à jouer en Ligue 1, j’ai fait un appel du pied. C’est peut être dans le mauvais sens c’est peut être à eux de venir. Et finalement à force de jouer en Ligue 1 et puis en signant à l’Olympiakos, mon agent a eu des contacts avec la fédération écossaise. Et le sélectionneur a dit qu’il faut que je joue, que je sois titulaire dans un club et après par la suite on verra en fonction de mes prestations ce qu’il en sera. Je sais que là ils ont un groupe défini pour l’Euro et je pense qu’ils ont 4-5 gardiens déjà. Je me tiens prêt au cas où il y a un truc, mais c’est vrai que c’est dans un coin de ma tête. C’est à moi de bosser et de montrer sur le terrain que je le mérite.

Pour finir, as-tu un message à faire passer aux jeunes gardiens des divisions inférieures qui rêvent du monde professionnel, quels conseils pourrais-tu leur donner à travers ton expérience ? Et également sur l’expérience à l’étranger ?

Je suis un petit peu dégoûté pour eux, c’est vrai que cette période elle n’est pas facile du tout. On est des privilégiés, donc je peux comprendre un petit peu leur déception. Et tout ce qui est au niveau conseil, c’est de ne pas lâcher, tout peut arriver, qu’ils peuvent bosser. Je sais que beaucoup qui sont en divisions inférieures pourraient faire bien mieux en professionnel, ça ne veut rien dire il faut juste persévérer et bosser.

Quand tu n’es pas sous la lumière et les projecteurs c’est très très dur. Il y a que le travail qui paye, il n’y a pas de secret et faut rien lâcher. J’ai eu une longue conversation avec Edouard Mendy après l’avoir joué, on a le même parcours donc ça montre aux gens que c’est possible. Tout est possible !


Un grand merci à Bobby Allain pour cet échange. On lui souhaite de parvenir à ses objectifs et de pouvoir réaliser une belle saison à Örebro en Allsvenskan !

Vous pourrez le suivre sur son compte Instagram.

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