Dans les pays nordiques, il existe une vraie ferveur et culture du football par les supporters qui disposent d’une grande liberté, malheureusement trop souvent méconnue et peu mise en avant par les médias. Peu d’intérêt des fans de ballon rond ou d’ouverture des médias à aller plus loin que les 5 grands championnats européens ?

En tous les cas, Kevin Jeffries, data analyst pour Opta et auteur d’Opta Ligue des Champions & Coupe du Monde, a eu cette ouverture pour aller vivre son premier derby de Copenhague au Danemark entre Brøndby et le FC Copenhague. Nous l’avons questionné sur son ressenti et son expérience après l’avoir vécu ainsi que la data.

1/ Bonjour Kevin, peux-tu te présenter et parler également de ton expérience en matière de groundhopping, était-ce ta première expérience ?

Je suis un grand passionné de football et ai toujours aimé découvrir de nouveaux stades, que ce soit en France ou lors de mes voyages à l’étranger. Mes amis les plus proches ne vivant pas à Paris, lorsqu’on se retrouve, on essaie de le faire dans une ville à l’étranger que l’on n’a jamais visité tout en allant voir un match. Récemment, on a par exemple assisté à des rencontres à Dortmund, Leeds, Barcelone, Eindhoven etc.

Je ne suis pas un grand « groundhopper », je dois avoir une trentaine de stades à mon actif dans une dizaine de pays différents. Quand on commence, c’est difficile de s’arrêter… : )

2/ Comment t’es venu l’idée d’aller faire un déplacement au Danemark pour le voir le derby de Copenhague et comment t’es-tu organisé pour cela, était-ce simple ?

Lorsque j’étais plus jeune, avec mon père, on s’occupait bénévolement d’équipes lors du tournoi international de Croix, dans le Nord de la France. Un tournoi des moins de 17 ans particulièrement réputé qui a vu des équipes telles que le LOSC, le FC Porto, les New York Red Bulls, la Lazio, le Zenith et bien d’autres se disputer le trophée, tournoi qui n’existe plus malheureusement.

Le hasard a fait que je me suis occupé du FC Copenhague une année et de Brondby une autre. Voyant la ferveur et l’ambiance lors du derby, sur les réseaux sociaux notamment, je me suis mis dans la tête d’y assister. Un éducateur de Brondby avec qui j’étais resté en contact m’a très gentiment offert des places pour la rencontre.

Tout se faisait en bonne intelligence et dans le respect.

3/ Une fois dans le stade, as-tu été surpris par l’ambiance et la liberté donnée aux supporters et ultras ?

La première chose qui m’a surpris, c’est que nous n’avions pas de place attribuée. C’était une première pour moi d’arriver dans un stade sans avoir où j’allais m’installer (hors kop et tribunes actives j’entends). On nous a simplement expliqué qu’on pouvait s’installer dans telle tribune. Tout se faisait en bonne intelligence et dans le respect.

Concernant l’ambiance, je savais un peu à quoi m’attendre, mais le voir de ses propres yeux est assez spectaculaire. Le tifo de Brondby, le parcage très actif du FCK, c’était assez impressionnant et particulièrement sympa.

Le parcage de Copenhague a craqué un nombre incalculable de fumigènes, sans pour autant qu’il y ait un quelconque débordement.

4/ Tu t’es senti en sécurité malgré la grande présence de fumigènes ? Pour casser le mythe puisque c’est l’une des raisons principales invoquées pour l’interdiction en France par la LFP…

Absolument. Encore une fois, que ce soit les fumigènes ou, dans une moindre mesure, les bières avec alcool, tout est une question d’organisation et d’éducation. Si tout se fait en bonne intelligence, il n’y a aucun souci. Le parcage de Copenhague a craqué un nombre incalculable de fumigènes, sans pour autant qu’il y ait un quelconque débordement.

Le capo craquait très régulièrement des fumis à quelques décimètres d’un stadier, qui laissait faire. On sent la force de l’habitude. C’est une animation comme une autre là-bas, et ça apporte un charme indéniable à l’ambiance.

5/ Qu’as-tu pensé du niveau jeu affiché par les deux équipes ? Et en tant qu’analyste as-tu vu des données et joueurs sortir du lot ?

Techniquement, c’était assez moyen pour être tout à fait honnête. Beaucoup beaucoup de déchets de part et d’autre. Ceci étant dit, j’ai bien aimé Hany Mukhtar côté Brondby et sa propension à toujours vouloir jouer vers l’avant, vraiment intéressant même s’il manquait trop souvent de précision, notamment dans les 30 derniers mètres. Pour Copenhague, celui qui est sorti du lot lors de cette rencontre est Rasmus Falk, souvent en avance sur son adversaire et bien meilleur techniquement.

En revanche, s’il y en a un qui a exaspéré les supporters, c’est Ante Erceg, très souvent signalé en position de hors-jeu. Forcément, je n’ai pas pu m’empêcher de jeter un œil à notre base de données. Il a été signalé en position de hors-jeu à 7 reprises (!), un record sur un match de Superligaen cette saison. L’épilogue du derby a fait oublier le niveau de la rencontre. Un but dans les arrêts de jeu lors de ce genre de rencontres, c’est quelque chose !

6/ Que retiens-tu de cette expérience et est-ce que tu recommandes de vivre une fois de sa vie un derby de Copenhague ?

Absolument. Non seulement pour l’ambiance, mais aussi pour la beauté de la ville, qui regorge d’endroits pleins de charme. Si vous avez l’occasion d’y assister, foncez !

7/ Voir des équipes au Danemark comme le FC Midtjylland utiliser le système du money-ball basé sur l’analyse des statistiques et qui porte ses fruits, devrait-il être inspirant pour des clubs de L1 ?

Complètement. À fortiori en ce moment où les statistiques ne sont pas encore totalement démocratisées en Ligue 1. Les data ne sont en aucun cas parole d’évangile mais représentent une aide à la décision formidable, aide qui peut être synonyme d’avantage sur la concurrence.

Sans aller jusqu’au modèle de Midtjylland, les clubs de l’élite devraient davantage se pencher sur la question, tant il y a de choses à faire à ce niveau. On manque sans doute encore d’ouverture d’esprit dans l’Hexagone. Personnellement, j’adorerais vivre une semaine avec le staff de Midtjylland ou rencontrer ses dirigeants.

8/ Quelle est ta prochaine étape de Groundhopping ? Un derby de Stockholm ou un match au Groenland ?

Excellente question ! J’ai déjà pu assister à un match en Suède, à la Friends Arena (Suède-France). La prochaine ville, et donc le prochain stade, que je vais découvrir se situera sans doute plus au Sud. Ça devrait se jouer entre Séville et Milan / Naples. Mais si jamais j’ai l’occasion de découvrir un stade au Groenland, en Islande ou même de revenir au Danemark, ce sera avec grand plaisir !


Un grand merci à Kevin Jeffries pour son temps et son retour d’expérience avec nous, vous pouvez leretrouver son son Twitter où il aime partager de nombreux articles traitant du football  : @kevjeffries, où à travers ses différents ouvrages sur le football co-écrit.

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