Les datas analystes sont très utilisés au baseball et au basketball, mais dans le monde du football cela reste encore peu implanté. Beaucoup de clubs ont des partenariats avec des sites spécialisés dans les données tels qu’Opta ou encore ProZone mais au final les joueurs le disent : les clubs les utilisent très peu, ne leur faisant pas confiance.

Mais cela n’est pas le cas de Midtjylland qui en ont fait leur quotidien depuis 2014 avec leur propre département d’analyse. Retour sur l’histoire du club et les répercussions que le MoneyBall system a eu sur Midtjylland.

L’histoire de Midtjylland :

Le FC Midtjylland a été fondé en 1999 après la fusion de deux clubs locaux : Herning Fremad et Ikast BK dans la péninsule de Jutland. Intégrés en deuxième division, ils vont monter dans l’élite en Superligaen l’année suivante.

Midtjylland a toujours été innovant, en effet, il s’agit du premier club au Danemark à établir une académie de football organisée. Inspiré par le concept de l’académie du FC Nantes, les dirigeants ont construit le FC Midtjylland Akademi en 2004. Un concept qui à ce jour s’est avéré être un grand succès au Danemark. Il y a de nombreux partenariats avec des équipes locales du Jutland à qui ils prêtent leurs jeunes en échange d’une compensation financière et d’un développement à un meilleur niveau qu’en jeunes.

Le club de la ville de l’industrie textile danoise a déjà produit de grands talents du football danois tels que Simon Kjær (Fenerbahçe SK), Erik Sviatchenko (Celtic), Pione Sisto (Celta Vigo) ou encore Winston Reid (West Ham) qui a de son côté choisi la sélection néo-zélandaise. Ils ont tous commencés leurs débuts professionnels dans l’un des clubs partenaires locaux de Midtjylland et aujourd’hui la liste pourrait s’agrandir avec Mikkel Duelund et Rasmus Nissen déjà bien installé en équipe première.

Les plus gros transferts des joueurs formés à Midtjylland

Midtjylland, en 2004, a également fondé une école de football dans l’un des pays les plus dangereux en Afrique, au Nigeria, son club partenaire le FC Ebedei qui a vu passer entre autres Paul Onuachu, auteur de 18 buts la saison passée et qui bénéficie désormais d’une belle côte.

Une rencontre qui va changer le quotidien du club :

Rasmus Ankersen, ex-footballeur à Midtjylland ayant dû arrêter sa carrière à 21 ans suite à une blessure et ensuite devenu conférencier sur la gestion et la motivation. Il  va se rapprocher de Matthew Benham, un bookmaker ayant fait fortune avec ses sociétés Smartodds et Matchbook, sites de paris sportifs. C’est un entrepreneur visionnaire et président de Brentford en Angleterre depuis 2012 qu’il aura réussi à faire monter en Championship. Pour lui les données sont plus qu’un simple outil de travail : elles constituent la matrice du football de demain. Partageant les mêmes idées qu’Ankersen, les deux vont collaborer ensemble et Matthew voulant racheter un deuxième club, Ankersen va alors lui parler du club de Midtjylland qui se trouvait au bord de la faillite en 2014.

Benham (à gauche) et Ankersen (à droite) le nouveau duo gagnant de Midtjylland.

Benham va alors avec une participation majoritaire investir 6,2 millions de livres sterling soit 8,5M€ et deviendra actionnaire majoritaire en intégrant le système au club. Mais il décidera d’investir pour une raison : que le club croie à la fonction de l’analyse statistique du jeu. Benham choisira Ankersen comme président du club, alors âgé de seulement 31 ans. Un changement radical pour le club qui n’aura pas mis longtemps à s’adapter : reprise en juillet 2014, Midtjylland remportera le titre de champion du Danemark en 2015  (1er trophée de l’histoire du club) et joue la Coupe d’Europe chaque année depuis son rachat.

Erik Sviatchenko : «Matthew [Benham] est le facteur X. Son argent a été extrêmement important. Mais son utilisation des statistiques et des mathématiques est la chose supplémentaire qui nous donne l’avantage »

En quoi consiste le système mis en place par Benham à Midtjylland ?

La nouvelle devise du club est désormais : «méfiez-vous de vos yeux». Et cela est directement explicite sur la tournure que le club danois a pris. En effet, la prise de décision n’est plus dû au ressenti de l’entraîneur et à ses émotions mais au contraire d’un point de vue scientifique avec les données statistiques mesurées grâce à différents outils. Par exemple, à la mi-temps, les entraîneurs de toutes les catégories de Midtjylland, reçoivent des SMS avant qu’ils ne fassent leur causerie, décrivant le jeu de l’équipe avec diverses statistiques sur le modèle du jeu et la performance des joueurs et plus globalement des équipes. Les entraîneurs ont des paliers statistiques à atteindre, définis par l’entreprise partenaire eye4Talent, spécialisée dans le suivi des joueurs et du ballon avec des indicateurs statistiques.

Chaque mois, a lieu une réunion pour analyser la performance des joueurs avec le président Ankersen, les joueurs et des spécialistes comme d’anciens joueurs de football américain. Les décisions des dirigeants et des entraîneurs sont donc prises en fonction des statistiques et si un entraîneur n’atteint pas les seuils de différents indicateurs, il risque de perdre sa place.

« Les données sont moins imparfaites que les yeux humains et la capacité humaine à faire des jugements. » – Rasmus Ankersen

Les joueurs sont recrutés par rapport à des algorithmes permettant d’identifier des perspectives sous-évaluées. Cela permet de mieux exploiter le marché de transfert en utilisant les données d’une manière plus intelligente. Le 1er joueur recruté grâce à ce modèle a été le milieu défensif finlandais, Tim Sparv, recruté grâce au système des statistiques qui jouait alors à Greuther Fürth en 2. Bundesliga mais qui avait des statistiques impressionnantes dans les duels gagnés et les ballons récupérées. S’en est ensuite suivi entre autres le recrutement de Kristoffer Olsson d’Arsenal qui avait toutes les qualités requises pour évoluer à haut niveau mais est finalement parti à l’AIK, à cause de son manque de régularité. Plus récemment l’ancien défenseur de Nantes Kian Hansen, l’international tchèque Václav Kadlec et le jeune Bozhidar Kraev, bulgare de 20 ans déjà international ont été recrutés par ce système.

Les scouts et recruteurs du club ne se déplacent pas sur place pour regarder quelques matchs des joueurs pistés mais regardent tous leurs matchs en vidéo grâce à des outils tels que Smartodds pour les statistiques (développé par Benham couvrant plus de 60 championnats différents) et des outils tels que Wyscout ou Youtube pour la vidéo. Mais le plus important dans le recrutement pour Benham et Ankersen est de voir si les joueurs sont adaptés d’un point de vue personnel et psychologique. De nombreux tests sont élaborés pour voir comment les joueurs se comportent dans la vie de tous les jours. Les deux clubs de Midtjylland et Brentford disposent également d’une équipe de recrutement basée à Londres (commune aux deux clubs).

Le staff s’est également agrandit avec un coach mental pour faire face aux aspects psychologiques du jeu et un entraîneur spécialiste des coups de pied arrêtés, ce qui a fait ses preuves puisque lors de la saison 2014-2015, ils ont inscrit près d’un but par match sur coup de pied arrêté. C’est ainsi la 2ème équipe d’Europe la plus efficace sur cette phase de jeu, juste derrière l’Atlético Madrid et cela continue d’être l’une des spécialités du club.

Mais la force de Midtjylland reste son académie qui forme les talents danois de demain avec de superbes structures et l’usage du Moneyball comme chez les professionnels.

Les plus gros succès de Midtjylland depuis Benham :

– A : Champion du Danemark en 2014/2015

– Réserve : Champion en 2016/2017 et 2ème en 2014/2015

– U19 : Champion en 2014/2015 et en 2015/2016 et 2ème en 2016/2017 (d’un point derrière Esbjerg)

– A éliminé Southampton en barrage d’Europa League (2-1 au cumulé), victoire 2-1 face à Manchester United en 8ème de finale aller de Ligue Europa 2015-2016.

– Victoire en Youth League face à l’Atlético Madrid en 2015/2016 (4-4, 5-4 aux pen.), éliminé par Barcelone 3-1 en huitièmes de finale. Éliminé cette saison en barrage par le finaliste Benfica aux penaltys.

Grâce à ce système, Midtjylland possède un avantage concurrentiel sur ses adversaires plus riches avec une autre façon de penser le football. Le club a bien compris qu’il ne pouvait pas rivaliser avec les budgets des plus grands clubs Européens et a donc décidé de miser sur la technique du MoneyBall System. Ce système leur a valu un grand intérêt des médias étrangers avec des articles dans les plus prestigieux journaux sportifs : The Correspondant aux Pays-Bas et notamment The Guardian en Angleterre.

Depuis la reprise, 2 entraîneurs sont passés par Midtjylland. D’abord Glen Riddersholm qui était déjà l’entraîneur depuis 3 saisons, et qui lors de la reprise a contribué au titre. Mais faute d’accord, il a démisionné volontairement l’année du titre. Un départ qui a fait mal : il était l’entraîneur du club depuis 4 ans et les joueurs s’étaient attachés à lui. Depuis c’est Jess Thorup, ancien sélectionneur des Espoirs danois, qui a repris les rennes depuis 2 saisons.

L’innovation et la tournure que le club danois a su prendre grâce au MoneyBall a permis d’installer Midtjylland parmi les plus grands clubs du Danemark et de se faire une place régulière en coupe d’Europe ce qui était l’objectif de Benham à son arrivée. Néanmoins, le club a du mal a confirmé depuis son titre et son bon parcours en Europa League avec souvent des résultats en dents de scie à l’image de Brentford qui ne parvient pas à décrocher sa place en Premier League. Certes le système du MoneyBall a permit à ses 2 clubs de progresser mais à long terme ce système est-il toujours viable ? L’avenir nous le diras…


Pour en savoir plus sur le système du MoneyBall :

Le système du MoneyBall a été mis en place dans le sport par l’ancien joueur de baseball américain Billy Beane qui est ensuite devenu le manager de l’équipe d’Oakland Athletics. En 2002, avec le 27ème budget des 30 équipes de la Ligue de Baseball, Beane va pourtant réussir à terminer 2ème du championnat avec son équipe. Magie ? Non, grâce à une analyse objective et non subjective à l’aide des analyses statistiques.

Désormais présent dans certains clubs de foot, Arsène Wenger avec Arsenal a longtemps utilisé ce système désormais utilisé complètement par Midtjylland et Brentford.

Si le sujet vous intéresse, nous vous conseillons le film Le Stratège qui raconte parfaitement l’histoire de l’arrivée du MoneyBall et des statistiques avec l’équipe de baseball des Athletics d’Oakland. Et pour les plus littéraires le livre MoneyBall : The Art of Winning an Unfair Game et également un excellent article en français décrivant l’histoire et les impacts du MoneyBall.

10 thoughts

  1. Article très intéressant ! C’est bien de voir que certains clubs empruntent la voie analytique, ç’a été très bénéfique pour les sports nord-américains. Pour ce qui est de notre football, je trouve qu’on est encore brut dans la façon d’analyser les données… des trucs pris hors-contexte peuvent être trompeurs. À Midtjylland, l’approche à l’air d’être payante en tout cas. Dans le hockey, j’ai toujours trouvé que l’usage des statistiques avancées était bénéfique pour mettre en avant le travail invisible de certains joueurs. Visiblement, c’est aussi ce que le système instauré par Benham et Ankersen permet de faire. Merci encore pour le super papier !

    1. Merci pour le retour toujours un plaisir ! Oui enfin un bel exemple de vouloir se démarquer des concurrents malgré le peu de moyens et comme dis cela marche plutôt bien comme quoi avec de la volonté. Les sports américains ont vraiment été les pionniers? c’est bien de voir que ça se démocratise dans d’autres sports aussi on voit de plus en plus de statistiques à la disposition même pour nous spectateurs, je ne sais pas pour le hockey mais c’est vrai que pour certains postes notamment les défenseurs c’est toujours bon que ça soit mis en avant permettant de se détacher un peu de la simple statistique but et passe décisive.

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