Y’a pas que Haaland dans la vie ! Derrière le cyborg néo-Citizen et ses statistiques hallucinantes, un autre numéro 9 norvégien fait parler de lui, du côté de Groningen au Pays-Bas. Jørgen Strand Larsen, 22 ans et 14 réalisations en Eredivisie cette saison, attire les regards, de clubs français notamment. Si vous n’avez vu de lui que son but fantastique face à Cambuur le 15 août 2021, il est temps de faire un peu plus connaissance…

L’histoire de Jørgen Strand Larsen débute à Halden, ville de 30 000 âmes du sud-est de la Norvège, construite sur les rives du Ringdalsfjord et de l’Iddefjord faisant office de frontières naturelles avec la Suède voisine. Né le 6 février 2000, le garçon grandit à l’abri de l’imposante forteresse Fredriksten et fait ses classes au sein du club local du Kvik Halden FK. À 15 ans, direction le Sarpsborg 08 FF, une trentaine de kilomètres plus au nord. Il y poursuit sa formation, y croise un certain Krépin Diatta aujourd’hui à l’AS Monaco et obtient moins de deux ans plus tard, un peu de temps de jeu en équipe première, pensionnaire d’Eliteserien. Des entrées en fin de partie, trois matchs de coupe agrémentés d’un triplé contre un club de 4e division, mais assez (ou plutôt A.C. ?) pour taper dans l’œil du Milan qui le recrute en prêt pour ses équipes de jeunes.

Fin août 2017, « mon agent m’a appelé et m’a dit que Milan me voulait. Raconte-t-il. Le coach Gennaro Gattuso avait vu des vidéos de moi et voulait me voir jouer pour eux. » S’en suit une réflexion avec son entourage. « J’en ai discuté avec mon père et on s’est dit qu’on ne pouvait pas refuser ça, même si ma mère était inquiète de me voir partir vivre seul à Milan à 17ans. » Arrivé en Lombardie, l’adaptation est effectivement compliquée, Jørgen ne joue pas beaucoup et se décourage quelque peu. « J’ai pensé que j’avais peut-être fait le mauvais choix. » avoue-t-il à VG en 2019. « Vous êtes complètement seul et si les choses ne vont pas bien sur le terrain, vous n’avez pas beaucoup d’autres endroits pour vous sentir bien. »

Le message d’adieu révélateur de Strand Larsen au Milan

Mais le gaillard d’1 m 93 reprend du poil de la bête. « Il s’agit de travailler avec vous-même et découvrir ce que vous devez faire pour vous relever. J’ai réussi à faire ça après mon retour des vacances de Noël. Juste en étant seul et en pensant à ce qu’il fallait faire de mieux sur et en dehors du terrain pour jouer et performer. » Cet épisode met en exergue les difficultés que peuvent rencontrer les jeunes talents au début de leur carrière, autant que la force de caractère et la maturité de l’attaquant norvégien. Après 20 matchs et 3 buts en Primavera, le voilà donc de retour à Sarpsborg à l’été 2018, avec un physique à réadapter aux joutes nordiques. Il ne disputera que 220 minutes jusqu’en novembre et la fin de saison d’Eliteserien.

« Lars » et la manière

C’est durant l’hiver que Strand Larsen va impressionner. Il inscrit onze buts en matchs de préparation pour l’exercice 2019. Plus que tout autre joueur du championnat. À tout juste 19 ans, le Haldenser intègre donc la rotation régulière de l’équipe, découvre l’Europa League, mais ne termine la saison norvégienne qu’avec 4 buts et 3 passes décisives au compteur en vingt-trois rencontres. Un bilan comptable un brin décevant, qui n’enlève rien aux qualités observées et reflète bien les mots de son entraineur, Geir Bakke, en début de saison. « Nous voyons un très bon joueur de football. Il dirige une grande partie du jeu dans la moitié de terrain adverse, a une très bonne compréhension du jeu, récupère des ballons, peut dribbler, peut tirer, mettre en place des combinaisons et est devenu bon dans les airs. » déclarait-il alors à VG. « Un attaquant assez complet, mais encore jeune, donc il ne choisit pas toujours les meilleures solutions. »

source : Sofascore

Perfectible, mais précieux et parfois impressionnant, comme lorsque la saison suivante face à Molde, il part de ses seize mètres et traverse le terrain balle au pied, dans ce qui aurait pu devenir un but « maradonesque » s’il n’avait pas été accroché dans la surface, obtenant un penalty juste avant de pouvoir frapper. Pourtant, il est pointé du doigt par une partie de ses supporters, à qui ses 2 buts et 5 passes décisives en seize matchs sur ce début de saison ne suffisent pas. Un peu dur, peut-être, car le garçon, mobile pour son gabarit, se démène sur le front de l’attaque et doit souvent garder le ballon plusieurs secondes au prix de gros efforts avant de pouvoir trouver un soutien ou un partenaire de combinaison, sa lucidité devant le but en pâtissant forcément. On sent cependant une marge de progression dans son attaque du ballon, ses contrôles sous pression et sa qualité de passe.

Pas de quoi effrayer Jan Mark Fledderhus, directeur sportif du FC Groningen, qui sent la bonne affaire et convainc l’attaquant de s’engager au Pays-Bas au mercato d’été 2020, contre un peu plus d’un million d’euros. « Je lui ai dit lors de notre première conversation « Jørgen, nous te prenons parce que nous pensons que tu as du talent, mais sais-tu ce qui te sépare de Haaland ? » Je pense qu’il le savait lui-même, mais il est parfois important de l’entendre de quelqu’un d’autre » raconte-t-il à Aftenposten en février 2021. « Il doit travailler son agressivité, l’empressement à marquer des buts. Le facteur clé de Haaland est le timing des courses devant le but et l’agressivité dans ces moments. Il fait tout avec puissance, volonté et faim. Nous essayons de travailler avec cela et Jorgen le travaille depuis le premier jour. »

Le duo Haaland / Strand Larsen bientôt reconstitué en A ? (photo : Norges Fotballforbund)

Les efforts sont payants, puisqu’après vingt rencontres avec son nouveau club lors de cette saison 2020 / 21 marquée par le covid et les huis clos, Strand Larsen cumule 9 buts et 5 passes décisives. En novembre, lui qui était habitué aux sélections de jeunes depuis les U16 (9 buts en 13 sélections U21) est même appelé par Stale Solbakken pour affronter l’Autriche en Ligue des Nations, dans « l’équipe d’urgence » de Norvège, afin de pallier les défections liées à la pandémie. Une réussite que le « Roi du Nord » [son surnom à Groningue] explique également par la qualité de ses coéquipiers. « Lorsque vous faites le pas de Sarpsborg 08 à Groningen, vous vous rendez compte que la différence est grande. J’ai marqué 7 de mes 8 premiers buts en une seule touche, ce qui en dit un peu sur la qualité du service ». En février 2021, il est alors selon l’Observatoire du Football CIES le deuxième attaquant U21 le plus efficace d’Europe derrière… Erling Haaland, avec un but tous les 3,8 tirs.

Arrêt aux Strand

Malheureusement, une blessure à la cheville viendra briser son élan et bloquer son compteur pour les dix autres matchs qu’il disputera lors de cet exercice. Ses difficultés se prolongent même l’été dernier. L’attaquant droitier a perdu sa place de titulaire et malgré un but inscrit à la suite d’un enchaînement merveilleux conclu par un retourné en lucarne contre Cambuur dès la première journée, il reste muet les neuf matchs suivants. « C’est gênant quand on n’a pas la chance qu’on pensait avoir. […] Je m’attendais à plus de temps de jeu ». Pas de panique cependant. « À Milan j’ai abandonné davantage. Confesse-t-il à VG, alors que maintenant je préfère réintégrer l’équipe et me remettre en forme. »

Rien à envier à Zlatan sur ce coup-là…

La suite lui donnera raison. Dans une équipe qui n’a terminé qu’à deux points de la zone de relégation, le Norvégien a finalement trouvé le chemin des filets adverses quatorze fois en 32 rencontres. Onze fois du pied droit, une du gauche, deux de la tête, sans tirer les penalties. Une performance qui lui vaut d’être élu joueur de l’année par les supporters de Groningen. Travailleur persévérant, il termine même la saison avec le brassard de capitaine, en l’absence de Michael de Leeuw. Son sens du but semble plus aiguisé, sa lecture des trajectoires plus fine, ses appels (dans et en dehors de la surface) mieux sentis. Son activité dans différentes zones du terrain et sa capacité à décrocher pour créer des espaces et servir de relais à ses coéquipiers ajoutent à sa palette qui forcément, a tapé dans l’œil des recruteurs.

Lui rêvait il y a quelques mois de Bundesliga ou d’un retour au Milan, pour y prendre la relève de son idole, Zlatan. Mais la Ligue 1 aurait aussi son lot de prétendants. L’Equipe l’annonçait en effet sur les tablettes du Racing Club de Strasbourg en février. Le Stade Rennais est également évoqué dans les rumeurs. Une chose est certaine, la concurrence sera rude. Dans ces conditions, le temps de jeu pourrait peser lourd dans le choix du buteur droitier, qui ambitionne un retour et une place régulière en sélection A après sa prestation convaincante avec l’équipe d’urgence en novembre 2020. Derrière Haaland, Sorloth et King, la place de quatrième attaquant, dans un premier temps, est à prendre…

Encore faudrait-il que Jørgen puisse être lui-même s’il était convoqué ! Car en juin 2021, lors d’un rassemblement avec les U21 norvégiens à Drammen, lui et son coéquipier Johan Hove sont hypnotisés par un spécialiste en la matière, Torgrim Holte, au cours d’une séance d’entraînement un peu particulière. Ainsi, ce dernier leur fait croire qu’en cas de réussite à une séance de tirs au but, ils seront les prochains tireurs de penalties de la sélection. Problème, sous son influence, les deux compères sont tour à tour très maladroits, très énervés ou encore persuadés qu’ils sont ivres… ce qui donne lieu à des scènes très cocasses à découvrir dans la vidéo ci-dessous. Dans une autre séquence, l’attaquant de Groningue pense même être un magicien et faire disparaître Erik Botheim ! Après coup, Strand Larsen se réjouira des fous rires de ses coéquipiers : « C’était de l’or dans une équipe assez neuve et fraîche, pour se rapprocher les uns des autres ».

Retentera-t-il alors l’expérience dans une nouvelle équipe en cas de transfert cet été ?

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Photo mise en avant : FC Groningen

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