À l’instar de Gren, Liedholm et Nordhal, Kurt Hamrin a passé la majeure partie de sa carrière en Italie. Encore actuellement meilleur buteur du club de la Fiorentina avec 208 réalisations, devant un certain Gabriel Batistuta (207), Hamrin a marqué la Serie A de son empreinte. Membre de la sélection suédoise finaliste en 1958, il échoue contre le Brésil de Pelé.
Un événement va profondément changer sa carrière professionnelle mais également sa vie personnelle. Il s’agit de son départ en Italie. Non seulement, Kurre y passe la majorité de sa carrière (15 ans). Mais ensuite, le Scandinave reste vivre dans la Péninsule. D’ailleurs, il réside encore à Coverciano dans la périphérie de la cité florentine.
Avec l’AIK
Cinquième fils d’un artiste peintre, Kurt Hamrin est originaire de la capitale suédoise : Stockholm où il naît en 1934. Avant de débuter sa carrière de footballeur, le jeune adolescent travaille dans un premier temps comme apprenti puis comme zincographe (lithographie sur zinc) pour le journal suédois Dagens Nyheter. Dès 1946, Kurre (12 ans) joue avec l’équipe de Huvudsta IS basée à Solna. Nichée dans la banlieue nord-ouest de Stockholm, la commune de Solna est très industrielle avec de nombreuses usines mais aussi de très grands parcs, espaces verts et lacs.
L’année suivante, il rejoint le Råsunda IS toujours à Solna. Rapidement, Hamrin est détecté par le grand club de la ville : l’AIK. Sous les couleurs des Gnaget, le jeune garçon de 15 ans passe d’abord par la case des sections juvéniles du club. Mais grâce à l’intermédiaire de Per Kaufeldt, six fois meilleur buteur du championnat suédois et médaillé de bronze aux Jeux olympiques de 1924, il ne tarde pas à faire ses débuts en équipe première contre l’un des rivaux, Hammarby IF. A l’époque, en 1951, l’AIK est en Deuxième Division.
« L’AIK signifie tout dans ma carrière footballistique. C’est là que je suis devenu le joueur que j’étais. » – Kurt Hamrin
Et l’amateurisme règne dans le football suédois. Les clubs ne donnaient aucun salaire aux joueurs. Seulement un prime de match : cinquante couronnes (environ 15 euros) pour une victoire ou un match nul et rien pour les défaites. Par conséquent, Hamrin exerce en parallèle la profession de zincographe. Promu en Première Division, le jeune Kurre se montre très adroit devant le but. Ses apparitions augmentent au fil des saisons. Ses réalisations aussi : 15 en 22 matchs en 1953/54 et 22 en autant de rencontres en 1954/55. Si Hamrin débute la saison suivante, il ne la termine pas en Suède.
Arrivée en Italie
Le Suédois s’envole pour l’Italie où un contrat pro l’attend à Turin pour rejoindre la Juventus. Plusieurs versions existent pour expliquer son transfert. Selon la première, Giovanni Agnelli le remarque lors d’un match international entre le Portugal et la Suède remporté 2-6 par les Blågult. L’industriel transalpin décide de payer immédiatement 15 000$ pour le débaucher de l’AIK. Selon la seconde, un employé travaillant pour le siège de FIAT en Suède envoie une lettre à Agnelli pour lui signaler ce phénomène. Ses débuts à la Juve sont prometteurs. Buteur contre la Lazio (doublé), le Toro, l’Inter et l’Udinese, Hamrin ne connait pas de temps d’adaptation à la Serie A.
« Je me suis blessé quatre fois au cinquième métatarsien. La reprise a été hâtive. Puis la Juve a acheté Charles et Sivori et ils n’ont pas pu aligner trois étrangers. Bien sûr, j’ai été blessé mais il était inutile de pleurer à ce sujet. » – Kurt Hamrin
Mais plusieurs blessures consécutives au pied laissent planer le doute sur sa solidité physique. Les arrivées de John Charles et Omar Sívori conjuguées à une incompatibilité tactique selon le capitaine Giampiero Boniperti le poussent vers la sortie. Direction Padova (en prêt) alors entraînée par Nereo Rocco. En Vénétie, Kurt contribue activement à la troisième place du club en championnat (meilleur résultat de l’histoire de Padoue) grâce à vingt buts en trente titularisations. Avec Sergio Brighenti, il concluait les actions offensives d’une équipe très imprégnée du catenaccio. De retour à Turin, le Suédois ne s’éternise pas dans le Piémont et se dirige en Toscane, vers Florence où la Viola cherche un remplaçant au Brésilien Julinho*
* Julinho, ailier droit brésilien, est resté dans les mémoires florentines pour sa participation décisive au premier Scudetto remporté en 1956 par la Viola.
A Florence
A la recherche d’un ailier droit pour succéder à l’auriverde, la Fiorentina recrute donc le prolifique Suédois. Immédiatement, les qualités de Hamrin font le bonheur des tifosi florentins. Décrit par la Gazzetta dello Sport comme un « ailier droit élégant et mortel », Kurre impressionne par sa facilité à marquer des buts. Imaginatif avec une très bonne lecture du jeu et une étonnante rapidité, il gagne son surnom de « Uccellino » (petit oiseau en VF) donné par le journaliste de La Nazione Beppe Pegolotti. A la fois léger et vif (1M70 pour 70 kg), Pegolotti avait l’impression de le voir voler sur le terrain. Aussi bon du droit que du gauche, il rendait fou ses adversaires par ses crochets courts, ses dribbles, ses accélérations et ses frappes soudaines.
Si Hamrin est au-dessus du lot lors de son séjour toscan, ses prestations ne permettent pas à la Fio de s’emparer du Scudetto. Pendant ses neuf années au Franchi, l’équipe se classe deux fois deuxième mais doit faire face à une terrible concurrence domestique * avec la Juventus du Trio Magico de Boniperti, Charles et Sivori, avec le Milan de Juan Alberto Schiaffino puis de José Altafini et enfin avec le Grand Inter du président Angelo Moratti. Le Nordique se console en inscrivant son nom au palmarès de la Coppa Italia remportée en 1961 et 1966. Mais également en gagnant la Coupe des Coupes, la Coupe des Alpes et la Coupe Mitropa.
« La succession de Julinho n’était pas un lourd héritage parce que j’étais différent du Brésilien. Il marquait peu alors que je la mettais au fond plus souvent. » – Kurt Hamrin
Kurt se distingue également par ses nombreuses réalisations pour la Viola. Avec 151 buts en Serie A au compteur, il reste au top pendant plus de trente ans comme le meilleur buteur de la Fiorentina en championnat avant d’être dépassé par Gabriel Batistuta en 2000. Mais avec 208 buts toutes compétitions confondues, Hamrin demeure le meilleur buteur de la Viola encore aujourd’hui. Bloqué à une unité (207), Batigol est sur la deuxième marche du podium. Le 2 février 1964, son quintuplé lors de Atalanta-Florence (1-7) constitue toujours un record pour un match de Serie A disputé à l’extérieur.
* La Juve est sacrée en 1958, 1960, 1961 et 1967. Le Milan en 1959 et 1962. Et l’Inter en 1963, 1965 et 1966. Bologne remporte l’édition de 1964.
La suite du Tour d’Italie
En 1967, son ancien entraîneur à Padova le veut absolument pour sa nouvelle formation. De retour en Lombardie après un premier passage de 1961 à 1963, Nereo Rocco veut apporter l’expérience de Hamrin (33 ans) dans son groupe. Avec des joueurs comme Fabio Cudicini (père) dans les buts, Karl-Heinz Schnellinger en défense, Giovanni Trapattoni et Gianni Rivera au milieu, Pierino Prati et Angelo Benedicto Sormani en attaque, l’équipe est talentueuse dans toutes les lignes. Le succès est rapidement au rendez-vous avec le Scudetto, la Coupe des vainqueurs de coupe en 1968 et la Coupe des champions en 1969. Kurre se distingue lors des victoires européennes avec un doublé en finale contre Hambourg en 1968 et un but important en demi-finale aller contre le tenant du titre de la C1 Manchester United en 1969.
« Je ne m’attendais pas à cela. J’avais 32 ans. Et en deux ans, j’ai tout gagné : la Coupe des vainqueurs de coupe, le Scudetto et l’année suivante la Coupe des champions. » – Kurt Hamrin
D’ailleurs, le Suédois est plus utilisé dans la compétition continentale que nationale (6 matchs sur 7 en C1 et 13 matchs sur 30 en Serie A). Hamrin quitte le Milan sur ce triomphe prestigieux pour poursuivre son Tour d’Italie. Après le Piémont, la Vénétie, la Toscane et la Lombardie, le voilà en Campanie. A 35 ans, désormais vétéran, il s’engage avec le Napoli. Au pied du Vésuve, avec les Partenopei, où évoluent également Dino Zoff et José Altafini (surnommé Mazzola pour sa ressemblance avec le mythique capitaine du Grande Torino et père de Sandro, bandiera de l’Inter), le Suédois joue peu pour sa première saison. Sa participation à l’édition 1970/71 est plus importante. Il en profite pour inscrire ses deux derniers buts dans le championnat italien.
Avec un total de 190 réalisations, Kurre est le huitième marqueur de l’histoire de la Serie A et le deuxième suédois, seulement devancé par son compatriote Gunnar Nordahl (225). Le tout sans n’avoir jamais été Capocannoniere. Hamrin termine sa carrière professionnelle au Napoli. Mais il rechausse les crampons en Suède sous le maillot de l’IFK Stockholm. Le président du club amateur lui propose un accord avec comme rémunération un pourcentage sur les recettes des matchs auxquels Kurt participe. L’expérience ne dure que le temps d’une dizaine de rencontres pour un total de cinq buts. Soit un ratio de 50 %. Pas mal pour un retraité.
Après carrière
Kurt Hamrin prend en main la direction de Pro Vercelli en remplacement de Raffaele Cuscela. L’équipe piémontaise possède un solide palmarès avec sept Scudetti (1908, 1909, 1911, 1912, 1913, 1921 et 1922). Et le célèbre attaquant italien Silvio Piola y a fait ses débuts. Le stade porte même son nom en hommage à son immense carrière. De novembre 1971 à janvier 1972, Hamrin dirige donc brièvement (15 journées) les Bianchi en Serie C. Mais faute de résultats, il est évincé au profit de Sergio Bellomo. Il s’agit de son unique expérience de manager.
« J’ai essayé de devenir entraîneur mais je ne pensais pas que … c’était vraiment fait pour moi. » – Kurt Hamrin
Le Suédois se lance alors dans l’import/export d’objets en céramique entre la Suède et l’Italie. Cette activité périclite avec l’arrivée croissante sur le marché de produits chinois. Par la suite, Kurre devient scout pour le Milan. Il est chargé d’observer les jeunes talents toscans pour le compte des Rossoneri. Il occupe cette fonction entre 1998 et 2008. Installé à Coverciano où il vit toujours actuellement, l’ancienne légende de la Viola a également enseigné le football aux enfants de l’équipe de la Settignanese où il a vu évoluer le fils de Enrico Chiesa, le jeune Federico entre 2002 et 2007.
Avec les Blågult
Sélectionné en équipe nationale dès 1953, Kurt fait ses grands débuts internationaux contre la Belgique. Non qualifiée pour la Coupe du Monde 1954, les Suédois organisent l’édition suivante et retrouvent automatiquement cette compétition déjà disputée en 1934, 1938 et 1950. Sous l’impulsion de Gunnar Gren et Nils Liedholm, deux des trois membres du trio milanais Gre-No-Li, et un doublé de Hamrin contre la Hongrie (2-0) et son «Onze d’Or» (finaliste quatre ans plus tôt) lors de la deuxième journée la Suède passe facilement la phase de groupe. En quart de finale, Hamrin signe une nouvelle réalisation contre l’URSS pour une victoire facile (2-0).
Dans le dernier carré, la nation organisatrice hérite du Champion en titre : la RFA. A Göteborg dans un stade en fusion et très hostile envers la Mannschaft, l’ailier droit est impliqué dans l’expulsion du défenseur allemand Erich Juskowiak. Si le latéral donne un coup à Hamrin, il ne fait que répondre au Suédois. Mais l’arbitre hongrois Istvan Zsolt * n’a pas tout vu et les Allemands se retrouvent à 10. Blessé à la cheville par Sigge Parling, Fritz Walter reste sur le terrain mais trop diminué pour aider ses coéquipiers. Le défenseur scandinave s’en sort sans problème. En infériorité numérique, Gunnar Gren et Kurt Hamrin d’un superbe but (88′) en solo élimant six défenseurs qualifient leur pays pour la finale.
« Contre l’Allemagne, j’ai commencé au milieu du terrain, j’ai éliminé six joueurs et j’ai marqué. Comme Maradona contre l’Angleterre en 1986 ? Non, en plus lentement. » – Kurt Hamrin
Mais face au Brésil de Pelé, Garrincha ou encore Zagallo, la Suède est impuissante et s’incline logiquement (5-2). Pourtant, tout débute bien pour les coéquipiers de Harmin avec l’ouverture du score rapide de Liedholm. Mais Vavá et le jeune Pelé (17 ans) marquent un doublé et permettent au Brésil de décrocher son premier titre de Champion du Monde. Meilleur buteur de son équipe, Kurt Hamrin se classe quatrième au classement du Ballon d’or 1958. Par la suite, il connait une interruption de quatre ans. Kurre effectue son retour en sélection en 1962. Mais il ne participe plus à aucune compétition internationale avec son pays. En 1965, après seulement 32 capes, il tire sa révérence contre la RFA avec 16 buts au total.
* En 1954, la finale oppose la Hongrie à la RFA. Les Allemands s’imposent contre les favoris, l’équipe de Ferenc Puskas et Zoltan Cszibor. C’est le Miracle de Berne. En poule, la Hongrie dispose de la RFA 8-3 mais lors de la finale, le terrain est quasiment impraticable par la pluie. Les Allemands gagnent le match 3-2, avantagés par les chaussures à crampons vissés d’Adi Dassler (Adidas). En 1958, ils pensent donc que l’arbitre Hongrois va avantager les Suédois.
Statistiques :
1951-1955 – AIK : 63 matchs, 54 buts
1956-1957 – Juventus FC : 23 matchs, 8 buts
1957-1958 – Padova : 32 matchs, 20 buts
1958-1967 – Fiorentina : 362 matchs, 208 buts
1967-1969 – AC Milan : 61 matchs, 17 buts
1969-1971 – Napoli : 34 matchs, 5 buts
1972 – IFK Stockholm : 10 matchs, 5 buts
1953-1965 – Suède : 32 matchs, 16 buts
Palmarès :
Italie :
1 Scudetto : 1968
2 Coppa Italia : 1961, 1966
1 Coupe des Champions : 1969
2 Coupe des Coupes : 1961, 1968
2 Coupe de l’Amitié Franco-Italienne : 1959, 1960
1 Coupe Mitropa : 1966
1 Coupe des Alpes : 1961
Suède :
Vice-Champion du Monde : 1958
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