Comme beaucoup d’autres footballeurs scandinaves, Søren Lerby a percé sous les couleurs de l’Ajax Amsterdam. Membre influent du gang des Danish Dynamite dans les années 80, il a brillé au niveau international sans parvenir au succès. Précurseur, il a ouvert la voie pour la génération dorée de l’Euro 92.  

Milieu inépuisable, Søren Lerby a passé l’essentiel de sa carrière aux Pays-Bas. D’abord à l’Ajax puis au PSV. Avec ses chaussettes baissées et toujours sans protège-tibias, le Danois était parmi les meilleurs milieux de terrain d’Europe. Mais Lerby a aussi connu deux autres expériences à l’étranger. Tellement incontournable avec le Bayern et en sélection, il a même joué deux matchs le même jour pour chaque équipe.

Exil rapide

17 ans. Søren Lerby a 17 ans quand il quitte son pays natal, le Danemark, pour rejoindre son pays d’adoption : les Pays-Bas. Le jeune milieu de terrain rejoint le mythique club de l’Ajax. A l’époque, les Lanciers dominent le Vieux Continent avec trois succès consécutifs en Coupe des Champions. Et si depuis 1995, sous l’impulsion de John Steen Olsen (scout au Danemark pour le club), de nombreux Scandinaves ont rejoint Amsterdam (M. Laudrup, B. Laudrup, Jesper Grønkjaer, Zlatan Ibrahimovic, Michael Krohn-Dehli ou Christian Eriksen …), c’était différent quand Lerby arrive dans la « Venise du Nord ». Il fait même presque figure de précurseur.

En 1969, Tom Søndergaard est le premier danois à porter les couleurs de l’Ajax pour une brève aventure d’une saison. Quelques années plus tard, l’Ajax recrute donc un duo de jeunes danois prometteurs : Frank Arnesen et Søren Lerby. Repérés au Fremad Amager, les deux amis prennent la direction du sud. La proximité culturelle, linguistique et géographique ne sont guère déstabilisantes. Søren naît à Copenhague en 1958. Son père, Kaj, est un ancien joueur de foot passé par le club amateur de Boldklubben 1960 basé dans la capitale et ex-membre de la sélection U21.

« Ma mère avait une mauvaise vue, donc je jouais toujours sans protège-tibias et avec mes chaussettes baissées pour qu’elle puisse me reconnaître à la télévision » – Søren Lerby

Pendant son enfance, le jeune Lerby joue avec différents clubs de Copenhague : le B 1903, Taastrup IK et donc Fremad Amager. Avec ce dernier club, il débute en senior à l’âge de 16 ans et dispute en Première Division treize matchs pour trois buts. La perspective de passer pro avec le club néerlandais l’amène donc à Amsterdam. En fin d’année 1975, les transferts bouclés et les deux Danois débarquent ensembles dans leur nouvel environnement. Il ne faut pas attendre trop longtemps pour les voir faire leur grand début sous les nouvelles couleurs. Le 11 avril 1976, Lerby ouvre son compteur par une belle victoire (4-1) à domicile contre Go Ahead Eagles. Le premier d’une longue série avec l’Ajax.

Avec l’Ajax

Son arrivée à Amsterdam correspond à la fin du cycle victorieux avec les Cruyff, Haan, Mühren, Neeskens, Suurbier … initié de 1965 à 1971 par Rinus Michels et poursuivi de 1971 à 1973 par Ștefan Kovács. Entre 1965 et 1973, le club rafle la bagatelle de six Eredivisie, quatre KNVB Beker, trois Coupe des Champions, une Super Coupe d’Europe et une Coupe Intercontinentale. C’est le « Football Total ». Après un petit break de trois ans, les Godenzonen avec Lerby récupèrent leur bien en 1977 sous la houlette de Tomislav Ivić. Ses qualités de leader, d’engagement, de lecture du jeu et d’abattage sont très appréciées dans l’entrejeu où son physique (1m84 pour 82 kg) en impose. Si Frank Arnesen est le créateur de cet Ajax, Søren Lerby se sacrifie pour l’équipe. Premier défenseur et premier attaquant, sa polyvalence et sa capacité à renouveler les efforts en font une des pièces maîtresses du dispositif de ces entraîneurs successifs.

Crédit photo : Club Ajax.

« Copenhague et Amsterdam sont des villes comparables, en termes de mentalité. Ouverte et honnête. C’est pourquoi j’ai pu m’adapter rapidement à la vie aux Pays-Bas. » – Søren Lerby

Pendant son séjour amstellodamois, Søren récolte au total cinq titres de champion des Pays-Bas dont deux avec le brassard de capitaine au bras malgré le retour au club de la Légende : Johan Cruyff en novembre 1980. Un autre jeune danois le rejoint à Amsterdam en 1981 : Jesper Olsen. Bien entendu, Søren intègre le Club van 100 de l’Ajax. Ce club regroupe environ 170 joueurs ayant endossé le maillot des Lanciers lors d’une centaine de matches officiels ou plus. Pendant de longues années, le Danois demeure le joueur étranger à avoir disputé le plus de rencontres pour l’Ajax (269). Avant d’être détrôné par son compatriote, Lasse Schöne (287) en 2019. Les bonnes prestations de Lerby tapent dans l’œil du géant allemand : le Bayern Munich à la recherche d’un successeur à Polo Breitner.

Parenthèse au Bayern et à Monaco

Suite au départ à la retraite de Breitner, joueur au fort tempérament, les dirigeants bavarois veulent combler le vide laissé par leur ancien capitaine. Leur choix se porte sur le milieu danois. Âgé de 25 ans mais déjà très expérimenté, Søren rejoint une équipe très compétitive avec des joueurs de grands talents comme Jean-Marie Pfaff dans les buts, Klaus Augenthaler en défense, Lothar Matthäus au milieu et Roland Wohlfarth en attaque. Le tout dirigé par l’un des plus glorieux entraîneur de football de l’histoire : Udo Lattek. De retour après un premier passage au club entre 1970 et 1975.

Lattek installe Lerby comme un titulaire indiscutable. Après une première saison d’adaptation ponctuée par une Coupe d’Allemagne en guise d’apéritif, le Scandinave et le Bayern écrasent la concurrence. Ils remportent cinq titres de champion de RFA en six saisons, dont un doublé en 1986. Seule l’Europe se refuse à cette merveilleuse équipe. Indispensable à son club, Søren se dédouble pour jouer deux matchs la même journée en novembre 1985. Le premier à Dublin pour un match éliminatoire contre l’Éire, disputé dans l’après-midi avec la sélection danoise dirigée par l’Allemand Sepp Piontek. Et le second à Bochum pour un match de coupe d’Allemagne, disputé le soir avec le Bayern (1-1).

« Søren Lerby a été un autre transfert important. Il avait une clause de libération de deux millions de Deutschmarks à l’Ajax. C’était une histoire incroyable : L’entraîneur Pal Csernai voulait le revoir avant de le signer, alors nous avons pris l’avion pour un match de coupe. Mais Søren n’a presque pas eu le ballon pendant les 90 minutes. Alors que nous l’attendions, Csernai a soudain dit « Je ne veux plus de ce joueur après ce match ! » Nous discutions quand Sørenest arrivé. Nous n’avions pas pris de décision, mais Willi O. Hoffmann s’est levé d’un bond et a dit : « Monsieur Lerby, j’ai l’honneur de vous accueillir en tant que nouveau joueur du FC Bayern ! J’ai failli tomber de ma chaise, Csernai s’est tordu le visage. Mais c’était un excellent transfert. » – Uli Hoeneß

Après trois saisons intenses en Bavière, Lerby s’engage sur le Rocher avec Monaco. Cette expérience n’est pas une réussite et laisse un goût doux-amer aux supporters monégasques. La forte personnalité du Danois cumulée à son goût immodéré pour la défaite le rendent très difficile à gérer. La situation sportive n’est pas optimale pour l’équipe de Ștefan Kovács. L’entame est catastrophique. Mais après un temps d’adaptation, Søren montre enfin son véritable talent. Il est l’un des fers de lance du redressement sportif de l’ASM. Les joueurs de la Principauté terminent à la cinquième place du classement final. Son bilan est mitigé. Si Lerby a montré sa stature de patron dans la deuxième partie de la saison, ses coups de gueule spectaculaires n’ont pas vraiment plu.

Retour aux Pays-Bas

Quatre ans ont passé depuis son départ de l’Ajax. Et le Nordique fait son come-back dans son pays d’adoption. Mais cette fois, il signe avec l’un des rivaux de son ancienne équipe : le PSV. Son arrivée doit faire oublier le départ de Ruud Gullit au Milan. La « Tulipe Noire » a placé la barre haute avec un double titre de champion (1986 et 1987). Pas mal. Pourtant, l’équipe de Guus Hiddink va encore faire mieux. Et même beaucoup mieux. Le PSV va littéralement tuer la concurrence. L’Ajax est le seul club à ne pas être trop distancé (-9 pts). Les autres sont loin, trop loin. Le troisième (FC Twente) est à 18 points.

Le PSV ne concède que deux défaites à ses adversaires pour 27 succès et 5 nuls. Avec 117 buts inscrits et seulement 28 concédés, ils sont logiquement meilleure attaque et défense de l’Eredivisie. Avec le titre en poche, le PSV empoche également la Coupe contre Roda avec un but décisif de Lerby en prolongation. Mais la masterclass intervient en C1 avec la première et unique victoire du club dans la compétition. Pourtant, autant Eindhoven est séduisant en championnat, autant en Coupe d’Europe l’équipe se révèle être très solide. Voire même ennuyeuse.

« J’avais des personnages très forts, comme Koeman, comme Gerets, comme Lerby, qui étaient très désireux de gagner et qui aimaient aller à la limite de ce qui était permis, oui ou non. Et c’est ce que j’aimais beaucoup. » – Guus Hiddink

Le parcours des van Breukelen, Ronald Koeman, Gerets, van de Kerkhof, Arnesen, Vanenburg et Wim Kieft est resté dans les records de la compétition avec seulement trois victoires au compteur dont aucune à partir des quarts de finale. En effet, les Boeren éliminent Bordeaux et le Real grâce au but inscrit à l’extérieur et gagne la Coupe contre Benfica aux tirs au but (0-0 / 6-5). Par la suite, Lerby ajoute une nouvelle Eredivisie à sa collection. Puis, il termine tranquillement sa carrière à l’été 1990 après quinze ans de football professionnel. Il demeure encore actuellement l’un des meilleurs joueurs danois de tous les temps.

Avec De rød-hvide

Son parcours international débute quand Lerby évolue encore sous les couleurs de Taastrup IK. En octobre 1973, il fait donc ses débuts avec les U17. Moins de six mois plus tard, en avril 1974, il change de catégorie et monte en U19. Søren représente son pays aux championnats d’Europe U19 de 1974 et 1975. Puis, il joue également quelques rencontres avec les U21. En 1978, le gaucher gagne ses galons avec la sélection A. Ses performances avec l’Ajax ne passent pas inaperçues. En mai 1978, Lerby commence par une rencontre face à la République d’Irlande. Des débuts (presque) parfaits avec un but à la clé pour un match nul (3-3). Rapidement, il devient une pierre angulaire de l’équipe dirigée par le coach visionnaire, l’Allemand Sepp Piontek. C’est le début de l’époque de la Danish Dynamite.

Crédit photo : Bob Thomas pour Getty Images.

Avec des joueurs de classe mondiale tels que Preben Elkjær-Larsen, Michael Laudrup, Frank Arnesen et Morten Olsen, le Danemark écrit l’une de ses plus belles pages de son histoire. Si les Danois échouent à se qualifier pour le Mundial 82, ils se rattrapent avec l’Euro 84 et ensuite avec le Mundial 86. En France, le Danemark ne perd que contre la France lors du match d’ouverture (1-0). Un match où Allan Simonsen, Ballon d’Or 1977, se brise la jambe sur un contact avec Yvon Le Roux. Ensuite, c’est 5-0 contre la Yougoslavie, 3-2 contre la Belgique et une élimination aux tirs au but contre l’Espagne (1-1 / 5-4) avec un échec du Bison Preben face à Arconada en dépit de l’ouverture du score par … Lerby.

« On avait beaucoup de joueurs qui jouaient aux Pays-Bas à ce moment là, mais nous avions notre propre système en 3-5-2 alors que les Oranje jouaient en 4-3-3. » – Preben Elkjær-Larsen à propos de la comparaison avec les Pays-Bas de Cruyff

Au Mexique, les Scandinaves continuent d’enthousiasmer le monde du football par leur mouvement incessant, leur qualité de passe, leur conscience de l’espace et leur vitesse d’exécution. Avec trois victoires en groupe contre l’Ecosse (1-0), l’Uruguay (6-1) et la RFA (2-0), le Danemark fait figure d’épouvantail dans cette compétition. Mais encore une fois, l’Espagne est le fossoyeur des rêves nordiques avec une cruelle défaite à la clé (5-1) et une passe en retrait fatale de Jesper Olsen pour … Butragueño. Qualifiés pour l’Euro 1988, les Danois sont parmi les favoris au titre. Mais dans un groupe très relevé (Espagne, Italie et RFA), De rød-hvide terminent avec trois défaites. Cette élimination marque la fin du parcours international de Lerby. Rappelé en novembre 1989 contre la Roumanie, il obtient une dernière cape avant de tirer définitivement sa révérence.

Reconversion

Peu de temps après la fin de sa carrière, à partir d’octobre 1991, Lerby remplace Jupp Heynckes à la tête du Bayern Munich. Pour une première expérience sur un banc, le Danois débute par une top team où la pression est immense. L’aventure n’est pas une réussite. Dès mars 1992, il est licencié après une série de résultats décevants incluant une piteuse élimination en Coupe UEFA (2ème Tour) contre son ancien club de jeunesse : le B 1903. Le modeste club danois se qualifie facilement après une démonstration à domicile. Au Gentofte Stadion, le Bayern s’incline lourdement 6-2. Le FCB ne retourne pas la situation au match retour (1-0).

« Ma courte carrière d’entraîneur de six mois au Bayern Munich a été un échec. J’ai découvert que je ne devais plus jamais être entraîneur. » – Søren Lerby  

Cela met un terme définitif à la carrière de manager de l’ancien milieu de terrain. Il décide de rester dans le monde du football mais change de casquette. Søren devient agent de joueurs agréé par la FIFA. Aux Pays-Bas, à Amsterdam, il fonde Essel Sports Managements dont il est le propriétaire et gère les intérêts de plusieurs joueurs danois et étrangers comme Wesley Sneijder, Toby Alderweireld, Danijel Pranjić, Derk Boerrigter, Dries Mertens, Viktor Fischer, Michael Krohn-Dehli, Pierre-Emile Højbjerg, Lisandro Martínez, Davy Klaassen et Riza Durmisi …

Statistiques :

1975 – Fremad Amager : 13 matchs, 3 buts

1975-1983 – Ajax Amsterdam : 206 matchs, 66 buts

1983-1986  Bayern Munich : 89 matchs, 22 buts

1986-1987  AS Monaco : 27 matchs, 3 buts

1987-1990  PSV Eindhoven : 81 matchs, 16 buts

1978-1989  Danemark : 67 matchs, 10 buts

Palmarès :

Pays-Bas :

7 Eredivisie : 1977, 1979, 1980, 1982, 1983, 1987 et 1989

3 KNVB Beker : 1979, 1983 et 1988

1 Coupe des Champions : 1988

Allemagne :

2 Bundesliga : 1985 et 1986

2 DFB-Pokal : 1984 et 1986

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