En 1998, Gérard Houllier débarque à Liverpool. Un an plus tard, un défenseur finlandais, pas très connu, débarque à Melwood pour renforcer son back four. Après 464 apparitions sous le maillot Red, dix trophées remportés et une décennie à Anfield, Sami Hyypiä quitte Liverpool par la grande porte. Celle des légendes.
Ce roc blond d’un mètre quatre-vingt-treize a longtemps régné en maître dans la surface de réparation des Reds. Véritable muraille, il excelle dans le jeu aérien et sait être le premier relanceur grâce à son jeu long et précis. Très apprécié par ses coéquipiers, il a souvent porté le brassard de capitaine avant l’émergence de Stevie G. Retour sur la carrière de cette force tranquille finlandaise.
Le foot, une histoire de famille
Octobre 1973. Jouko et Irma Hyypiä sont sur le point de devenir les heureux parents du petit Sami. Le nouveau-né voit le jour à Porvoo, petite ville de la côté sud finlandaise située à une cinquante de kilomètres de Helsinki. Cependant, la petite famille vit à Kuusankoski, au nord-est de la capitale, dans la région de la Vallée de la Kymi, située au bord du fleuve Kymijoki. En effet, le couple Hyypiä pratique le football. Et pour son activité professionnelle, Jouko évolue avec l’équipe de Pallo Peikot basée à Kouvola. À quelques encablures seulement de Kuusankoski. Irma, elle, est gardienne de but amateur. Très vite, le petit Sami chope le virus. Dès ses trois ans, il tape dans un ballon. Comme son père, il joue pour Pallo Peikot.
« Je suppose qu’il n’y avait qu’une seule option de carrière pour moi. » – Sami Hyypiä
Mais Sami pratique également le hockey sur glace, sport le plus populaire en Finlande, et le ski de fond. Pendant toute sa jeunesse, il continue en parallèle de s’adonner à plusieurs disciplines. Cependant, l’influence parentale s’avère déterminante dans le choix définitif du football. Et comme il est plutôt doué, ce choix est d’autant plus facile à prendre. Avec PaPe, il côtoie Mika Hernesniemi et Toni Huttunen. Il évolue à tous les postes sauf à celui de défenseur central. Après une décennie sous les couleurs de Pallo Peikot, il participe à quelques rencontres en troisième division avant de rejoindre le club voisin de Kumu. Une saison et dix-neuf matchs plus tard, il est recruté par le club de Myllykosken Pallo-47 évoluant en Veikkausliiga (première division finlandaise).
Choix du coach Harri Kampman (ancien entraîneur de Kumu), ce transfert permet à Hyypiä de découvrir le haut niveau national. A Kouvola, il retrouve un jeune N°10 brillant et talentueux : Jari Litmanen. Stabilisé au poste de défenseur axial, Sami connait une première saison contrastée. Absent suite à une blessure contractée après la J11, il demande à Kampman une préparation spécifique très ciblée pour développer son agilité et sa force. De retour sur les terrains, il participe à la belle campagne en Coupe de Finlande ponctuée par la victoire (2-0) contre FF Jaro. Lors des trois saisons suivantes, MyPa réalise des superbes saisons. Sur le podium lors des éditions 1993, 1994 et 1995, ils se classent deuxième à chaque fois. En 1995, ils rééditent leur victoire en Coupe. Cette fois contre le FC Jazz (1-0). Hyypiä apprend énormément aux côtés de son coéquipier, le défenseur international Esa Pekonen.
Départ à l’étranger
En 1995, à l’âge de 22 ans, il part deux semaines pour participer à un essai avec le Newcastle United de Kevin Keegan. Si l’essai n’est pas concluant, ce court stage lui donne le goût du football anglais. Plus tard cette année là, il s’engage finalement avec le club néerlandais de Willem II Tilburg. Comme beaucoup de joueurs issus de cette région du globe, les Pays-Bas sont une destination prisée pour une première expérience à l’étranger. Hyypiä connait une belle adaptation. Sa force physique alliée à son sens de la relance font merveille en Eredivisie. Très vite, il devient l’un des joueurs favoris des supporters des Superkruiken. Sa progression est constante. Nommé capitaine, il permet au club de se qualifier pour la première fois de son histoire à la prestigieuse Champion’s League lors de sa dernière saison aux Pays-Bas. Il remporte le titre honorifique de joueur de l’année en 1998/99. En hommage, une salle du Koning Willem II Stadion porte son nom.
« Il y avait une liste de numéros disponibles et le numéro 4 était l’un d’entre eux – c’est un maillot que les défenseurs centraux portent souvent aux Pays-Bas. L’amener ici était spécial, cependant, à cause du lien de Willem II avec Sami. Sa carrière ici était incroyable. » – Virgil Van Dijk, sur le choix de son numéro 4 à Liverpool
En mai 1999, Sami rejoint son équipe préférée quand il était enfant : Liverpool. Son recrutement (2,6M£) apparait comme insuffisant pour la majorité. Peu connu du grand public, il est chaudement recommandé à l’ancien directeur général du club : Peter Robinson par un cameraman de télévision, jouant le rôle de scout. Aligné dans le XI, il ne tarde pas à justifier son arrivée. Pour mieux se faire apprécier des fans à Anfield, il ouvre la marque contre … Manchester United (2-3). Son association dans l’axe central avec Stéphane Henchoz est très performante. Sur leurs 184 associations, Liverpool a préservé le clean sheet à 84 reprises. Quatrième pour sa première saison en Premier League, Hyypiä a levé les doutes qui planaient sur lui. Dès l’exercice suivant (2000/01), il prend le brassard en alternance avec Robbie Fowler quand Jamie Redknapp n’est pas en mesure d’être titularisé en raison d’une blessure longue durée.
Lors de cette saison, Liverpool parvient à s’installer sur le podium de la Premier League (3ème). Mais les Reds réussissent une sacrée performance en remportant un triplé historique : League Cup, FA Cup et Coupe de l’UEFA. Le premier trophée intervient en février 2001. Après un brillant parcours (Chelsea, Stoke City, Fulham et Crystal Palace), ils gagnent le titre aux tirs au but contre Birmingham City (1-1, 5-4). Ensuite, c’est la FA Cup. Au Millennium Stadium, un doublé de Michael Owen dans les dix dernières minutes fait basculer la rencontre face aux Gunners de Arsenal (1-2). Enfin, la consécration européenne avec cette finale surréaliste contre Alavès au Westfalenstadion. Dans un match complètement fou, les deux équipes se départagent après le temps réglementaire (4-4). Le dénouement intervient à la 117′ avec un but contre son camp de Geli (5-4). La meilleure saison de Liverpool depuis des années.
Légende de Liverpool
En 2002, il devient le capitaine après les départs de Fowler et Redknapp. Cette nomination se ressent sur ses prestations. Un peu en demi-teinte. Finalement, l’émergence de Steven Gerrard pousse Houiller à lui confier cette responsabilité. Dès lors, Hyypiä retrouve son meilleur niveau. En 2004, avec l’arrivée de Rafa Benítez, Jamie Carragher bascule du côté droit à l’axe central et devient le nouveau partenaire de Sami Hyypiä. Cette nouvelle association est à la base du succès du club en Champion’s League (9 buts concédés en 13 matchs dont 3 en finale). C’est le miracle de Istanbul. Menés de trois buts à la pause par le Milan, les coéquipiers du finlandais retournent une situation désespérée pour s’imposer lors de la séance des tirs au but (2-3) grâce à un Jerzy Dudek inspiré.
Comparé à Ron Yeats, le célèbre défenseur des Reds dans les années 60, Sami Hyypiä prolonge son contrat de trois ans. Lors de la saison 2005/06, Liverpool parvient en finale de FA Cup contre West Ham. Une égalisation tardive (90+1) de Gerrard (3-3) emmène les deux équipes aux penaltys. Malgré l’échec de Hyypiä, Liverpool est sacré (3-1). En dépit de nombreuses spéculations autour de son avenir et de l’intérêt porté par de nombreuses équipes de Premier League, le finlandais inscrit son avenir en Red. Pourtant, l’émergence de Daniel Agger restreint son temps de jeu. Bentez voit en lui un modèle pour Martin Škrtel, arrivé au club en janvier 2008.
« Sami Hyypiä ? L’une des plus grandes signatures de l’histoire de Liverpool – 2,5 millions de livres sterling d’un petit club néerlandais – mais aussi de l’histoire de la Premier League. » – Jamie Carragher
La saison 2008/09 est sa dixième pour le club de la Mersey. Si ses apparitions sont devenues plus rares, son influence est toujours aussi grande. Pour Sky Sports, il se classe 19ème dans le Top 50 des joueurs étrangers de Premier League. Le magazine FourFourTwo le place 45ème dans les 100 meilleurs joueurs étrangers. Et un sondage le met à la 38ème position des 100 joueurs qui ont secoué le Kop de Liverpool. Non inclus dans la liste pour la campagne de Champion’s League, son avenir s’obscurcit un peu plus quand le club lui propose de rester à Anfield mais dans un rôle de dirigeant. Hyypiä décline la proposition pour continuer sa carrière de joueur tout en exprimant son intérêt de retourner à Liverpool comme entraîneur une fois sa carrière terminée.
Fin de carrière
En mai 2009, il annonce s’être engagé pour deux saisons avec le club allemand du Bayer Leverkusen. Le 24 mai 2009, Hyypiä dispute son dernier match pour Liverpool à Anfield contre Tottenham Hotspur. Il entre à la 84′ minute en remplacement le capitaine Steven Gerrard. Stevie G. lui accroche personnellement le brassard du capitaine sur son bras. Dans les dernières minutes du match, Hyypiä s’illustre en reprenant de la tête un corner mais sa tentative a été bloquée par Heurelho Gomes. A la fin du match (3-1 pour LFC), Hyypiä reçoit une standing ovation des supporters de Liverpool et de ses coéquipiers. Arrivé comme un inconnu, Hyypiä part comme une Légende après 464 apparitions, 35 buts et dix trophées en dix ans à Anfield.
Pour sa première saison avec le Bayer, Hyypiä s’impose comme l’un des meilleurs joueurs de Bundesliga. Leverkusen échoue à la quatrième place, à seulement deux points de la qualification pour le tour préliminaire de la Champion’s League. D’ailleurs, le magazine sportif allemand Kicker le choisit comme le meilleur défenseur de Bundesliga en 2009. Il est même élu dans l’équipe type de Bundesliga de l’année 2009-10.
« Nous sommes contents d’avoir dans notre effectif un tel joueur, aussi professionnel et sympathique. » – Wolfgang Holzhäuser, ex-directeur général du Bayer Leverkusen
La nomination de Roy Hodgson sur le banc de Liverpool alimente les rumeurs d’un retour du finlandais à Melwood. Mais finalement, il poursuit l’aventure avec Die Werkself. A 37 ans, il joue moins. Dès octobre 2010, il annonce officiellement son intention de mettre un terme à sa carrière de joueur. Tout en envisageant sérieusement de devenir entraîneur adjoint avec Leverkusen. Il termine la saison avec 21 participations et son dernier but pro inscrit de la tête contre VfB Stuttgart lors d’une victoire 4-1.
En sélection
Avant de devenir l’un des piliers de la sélection finnoise, Sami débute à seulement 16 ans sa carrière internationale avec les U21 en 1989. Pendant trois ans, il évolue à ce niveau avant de rejoindre l’équipe A. A 19 ans, il joue son premier match contre la Tunisie. Mais, à l’instar de son coéquipier en équipe nationale, Jari Litmanen, Sami Hyypiä n’a jamais eu l’opportunité de disputer une grande compétition internationale avec les Huuhkajat.
Il participe pourtant à cinq campagnes de qualification pour l’Euro et à quatre pour la Coupe du Monde. En vain. En 2008, Hyypiä succéde à Jari Litmanen comme capitaine de l’équipe nationale finlandaise. En août 2009, lors d’un match amical contre la Suède, il devient l’un des quatre joueurs de l’équipe nationale finlandaise à avoir atteint le cap des 100 sélections internationales.
« J’ai joué avec lui à MyPa, à Liverpool et en équipe de Finlande. C’est si difficile de dire quoi que ce soit qui se démarque de lui parce qu’il a toujours joué à un haut niveau. Je suppose que c’est là sa plus grande force, le fait qu’il n’a jamais échoué ou fait quoi que ce soit en deçà des normes qu’il a établies. » – Jari Litmanen
Comme en club (contre Manchester United), Sami ne concède qu’un seul carton rouge pendant toute sa carrière en sélection. A l’occasion d’un déplacement en Moldavie, lors de son avant dernier match, il est exclu à la 36′ suite à une faute sur Viorel Frunza. Sa dernière apparition se solde par une défaite 1-2 contre la Hongrie dans le cadre de la campagne de qualification pour l’Euro 2012. Avec un total de 105 matchs, Hyypiä se place deuxième au classement des joueurs finlandais les plus capés de tous les temps. Seul Jari Litmanen le devance avec 137 capes.
Comme coach
Dès la fin de sa carrière de joueur, Hyypiä intègre le staff de l’équipe nationale finlandaise et celui du Bayer Leverkusen. Il débute sa formation d’entraîneur à la Fédération finlandaise de football. En octobre 2011, il participe à un stage de six semaines sous les ordres de Robin Dutt, coach n°1 du Werkself. Mais suite aux mauvais résultats en Buli, Dutt est viré. Pour le remplacer, la direction mise sur un duo : Sami Hyypiä et Sascha Lewandowski (ex-coach des U19 du club). Pas encore diplômé, le finlandais occupe le poste de directeur sportif. Lewandowski devient l’entraineur. Mais les responsabilités sont partagées. Chacun a son rôle : Lewandowski est en charge de l’entrainement et Hyypiä observe, intervient avec des entretiens personnels. Le binôme obtient de bons résultats.
« Sami est à l’aise avec nous. Il fait de l’excellent travail jusqu’à présent. Nous savons ce qu’il a fait pour nous. » – Rudi Völler, directeur sportif du Bayer Leverkusen
A la mi-saison 2012/13, Lerverkusen est deuxième. Encore en lice en coupe d’Allemagne. Et seule équipe à avoir battu le Bayern Munich. Finalement, le Bayer termine sur le podium (3ème) derrière Dortmund et le Bayern. Hyypiä est intronisé N°1 et Lewandowski retourne s’occuper des jeunes du club. Pour sa première saison (2013/14) à la tête de Leverkusen, le néo-coach réussit une belle saison (4ème). Mais son bilan est insuffisant pour son président. Après une défaite contre Hambourg, il est licencié de son poste avec effet immédiat. Cependant, Sami ne reste pas longtemps au Pôle Emploi. En août 2014, il est intronisé coach de Brighton. En championship, l’aventure avec les Seagulls ne débute pas de la meilleure des manières avec deux défaites consécutives (1-0).
Peu avant Noël, après une seule victoire lors des dix-huit derniers matchs, Hyypiä donne sa démission. Brighton se trouve dans la zone de relégation. Le président Tony Bloom accepte avec réticence. Sans club pour la première fois de sa jeune carrière de coach, le finlandais retrouve du travail en août 2015 en prenant les rênes du FC Zürich. En Super League suisse, les mauvais résultats sont encore au rendez-vous. Avec 9 victoires, 10 nuls et 11 défaites, le FCZ est lanterne rouge du classement. A trois journées de la fin du championnat, le board décide de rompre son contrat. Quelques jours plus tard, le club est relégué en Challenge League mais remporte la Coupe de Suisse contre Lugano (1-0). Depuis cette expérience, Sami est toujours sans club.
Arrivé sur la pointe des pieds, Sami Hyypiä a gagné ses galons au panthéon des Reds grâce à ses performances remarquables. Toujours propre malgré une certaine rigueur dans le marquage, dominateur dans le jeu aérien et doté d’une relance précise, le finlandais était un défenseur fiable et apprécié. Comme Litmanen, il n’a pas eu la carrière internationale que son talent aurait méritée. Néanmoins, malgré ce « handicap », Hyypiä a été reconnu unanimement comme un grand défenseur.
Statistiques :
1992-1995 – MyPa : 96 matchs, 8 buts
1995-1999 – Willem II : 100 matchs, 3 buts
1999-2009 – Liverpool FC : 464 matchs, 35 buts
2009-2011 – Bayer Leverkusen : 53 matchs, 3 buts
Palmarès :
2 Coupe de Finlande : 1992, 1995
2 FA Cup : 2001, 2006
2 League Cup : 2001, 2003
1 Ligue des Champions : 2005
1 Coupe de l’UEFA : 2001
2 Supercoupe d’Europe : 2001, 2005
10 fois Joueur finlandais de l’année : 1999, 2000, 2001, 2002, 2003, 2005, 2006, 2008, 2009, 2010
5 thoughts