Depuis sa création en 1902, la Norvège n’a guère brillé sur la scène internationale avec seulement trois participations à la Coupe du Monde (1938, 1994, 1998) et une à l’Euro (2000). Les Løvene sont le parent pauvre de la Scandinavie * mais pourraient obtenir leur ticket pour la prochaine édition continentale, reportée en 2021 suite au Covid19, grâce à une nouvelle génération très talentueuse et prête à prendre ses responsabilités. Décryptage.

Alors que le Danemark et la Suède ont, tour à tour, connu de belles épopées lors de compétitions internationales comme en 1992 et le sacre européen surprise pour la Danish Dynamite ou en 1958 et en 1994 avec deux places d’honneurs (deuxième et troisième) en Coupe du Monde pour les Blågult, la Norvège attend encore son heure. Pourtant, le pays des fjords et des Vikings a déjà compté de très bons footballeurs parmi ses rangs. Nous pouvons citer Henning Berg, John Carew, Tore André Flo, Jan Åge Fjørtoft, Steffen Iversen, John Arne Riise ou encore Ole Gunnar Solskjær. Cependant, malgré la présence de tous ces talents, la Norvège n’a pas réussi depuis vingt ans à se qualifier pour un tournoi majeur.

Les dirigeants de la fédération ont décidé de confier le poste de sélectionneur à Lars Lagerbäck, ancien coach de la Suède et de l’Islande, où il a obtenu de brillants résultats afin de faire passer un cap à la sélection. Pour les qualifs à l’Euro 2020, le technicien Suédois a placé son équipe à la troisième place du groupe F derrière l’Espagne (accrochée à Oslo 1-1) et la Suède. Barragistes, les Løvene devront affronter la Serbie pour tenter d’obtenir un ticket pour l’Euro. Lors de cette campagne, plusieurs jeunes joueurs se sont illustrés et permettent à la Norvège d’envisager un futur plus radieux. D’ailleurs, Lars Lagerbäck n’hésite pas à aligner tous ces talents ensemble malgré leur jeunesse. Nous allons donc vous présenter quatre éléments flamboyants qui pourraient bien faire les beaux jour de leur pays dans les années à venir.

Lire aussi : Lars Lagerbäck, le meneur d’homme, article de 2018.

Kristoffer Ajer (22 ans, 14 sélections)

Milieu défensif de formation, il débute sa carrière pro très jeune (quinze ans) et devient même un an plus tard le plus jeune footballeur à avoir porté le brassard de capitaine en Tippeligaen avec son club de Start. Seulement deux ans après ce début précoce, il est repéré par le Celtic et passe un test d’une semaine à Glasgow. Un test concluant. En février 2016, il s’engage pour quatre ans avec les Bhoys mais ne les rejoint qu’en juin. Pour s’aguerrir, et s’adapter à la Scottish Premier League, il est prêté six mois à Kilmarnock. Après cette expérience dans l’East Ayrshire, il revient au Celtic et s’impose comme un pilier de la … défense centrale.

Repositionné à ce poste par Brendan Rodgers qui ne tarit pas d’éloges à son sujet : « Je pense qu’il ira au plus haut niveau du jeu. C’est un vrai leader pour un jeune homme et il ne fera que s’améliorer. C’est une joie de travailler avec lui – un bon gars, un garçon intelligent et sa vie est consacrée au football. », sa grande taille (198 cm) lui donne une maîtrise dans le jeu aérien et il compense un déficit de vitesse par un placement souvent irréprochable. Son association avec le français Christopher Jullien donne entière satisfaction. Pisté avec insistance par le Milan et Ralf Rangnick, il devrait bientôt rejoindre un championnat plus compétitif que la Scottish Premier League. Membre régulier de la sélection depuis 2018, il comptabilise déjà quatorze capes et apporte son expérience acquise en Écosse au sein de l’équipe nationale.

Sander Berge (22 ans, 20 sélections et 1 but)

Encore un joueur avec déjà une belle expérience malgré son jeune âge. Après des débuts à quinze ans en Troisième division, il rejoint deux ans plus tard Vålerenga et y devient rapidement l’un des joueurs clés du club de la capitale norvégienne. Son talent dépasse vite les frontières. L’équipe belge de Genk flaire le bon coup. Connu pour son centre de formation performant où ont émergé Kevin de Bruyne et Thibaut Courtois, Genk l’est également pour sa post-formation avec notamment les révélations Kalidou Koulibaly, Ruslan Malinovskyi ou Sergej Milinković-Savić passées par la Luminus Arena avant de briller en Serie A. Au Limbourg, son temps de jeu grimpe crescendo jusqu’en 2019 et il participe même à la Champion’s League.

Son volume de jeu et son physique imposant (195 cm pour 97 kg) séduisent beaucoup mais ce sont les Blades de Sheffield United qui raflent la mise en explosant le record d’achat du club (26M€). Chris Wilder se réjouit de cette arrivée : « Sander est un joueur que nous connaissons depuis longtemps. Nous l’avons suivi sur une longue période, c’est une recrue dont l’apport va être important et va vraiment améliorer notre effectif. Nous sommes ravis qu’il ait accepté de venir ici. » Dans un premier temps, ce choix étonne tant le garçon semblait se destiner à rejoindre une plus grosse cylindrée mais finalement, les bonnes prestations du club lui permettent de s’épanouir au sein d’un collectif bien huilé. Les récents succès conquis face à Tottenham (3-1) et Chelsea (3-0) placent le promu aux portes de l’Europe. International depuis 2017, Berge est un élément important de l’entrejeu norvégien et il vient d’ouvrir son compteur but face à Malte lors de la phase de qualif à l’Euro 2020.

Erling Håland (19 ans, 2 sélections)

Ovni de la planète football, Erling Håland est passé de Molde à Dortmund en un an et demi. Fils de l’ancien milieu international, et grand « copain » de Roy Keane, Alf-Inge Håland, Erling débute à Bryne en 1. divisjon (D2) avant de rejoindre l’élite et le Molde de Solskjær un an seulement après ses débuts pros. En dépit de sa grande taille (194 cm), Håland dispose d’une accélération dévastatrice et d’un pied gauche puissant et précis. Ses nombreux buts, comme son quadruplé contre Brann en vingt-et-une minutes express, lui valent le prix de révélation de l’année 2018. Sur les tablettes de nombreux ténors européens, il rejoint le Red Bull Salzbourg et malgré l’élévation du niveau, il continue d’affoler les défenseurs adverses. Ses cinq buts consécutifs en Champion’s League le placent au même niveau que Del Piero, Rebrov, Neymar, Cristiano Ronaldo et Lewandowski.

Après plusieurs semaines de spéculations, Dortmund le recrute au mercato hivernal 2020 pour le plus grand bonheur de Lucien Favre : « Erling s’est très rapidement adapté. (…) Il a très vite montré ses qualités, sa puissance, ses appels en profondeur. C’est un garçon qui veut toujours aller de l’avant, que ce soit dans les matchs ou à l’entraînement. Il a une mentalité fantastique, si il rate une occasion à l’entraînement il s’arrache les cheveux et il n’est pas content. Il veut toujours travailler. Naturellement, il a une grosse marge de progression. » Et la progression du buteur ne faiblit pas en dépit de l’élévation du niveau.

Avec treize buts en quinze matchs de Bundesliga, le Norvégien devient la nouvelle attraction en Allemagne. En seulement une demi saison, il se classe parmi les meilleures gâchettes du championnat allemand et demeure en parallèle dans le top 5 de l’Austria Bundesliga avec seize réalisations. Après une coupe du monde U19 impressionnante où il atomise le Honduras en marquant neuf des douze buts de son équipe et remporte le titre de meilleur buteur malgré l’élimination précoce de la Norvège, Lars Largebäck lui offre ses premières capes. Lors des prochaines années, il devrait sans aucun doute être le fer de lance de l’attaque norvégienne. Les trente-trois rélisations de Jørgen Juve (record de la sélection) pourraient n’être qu’une formalité pour ce buteur hors norme.

Martin Ødegaard (21 ans, 22 sélections et 1 but)

Petit prodige du ballon rond, dès ses douze ans, Martin a vite épaté les spectateurs comme le déclare Lars Tjærnås présent à un tournoi national U16 : « Les meilleurs joueurs du pays étaient réunis pour ce tournoi entre top clubs… Ça n’était clairement pas la première fois qu’il étonnait ses adversaires et les spectateurs. Il était trois ou quatre ans plus jeune que les autres. C’était impossible de ne pas réaliser que nous assistions à quelque chose d’hors du commun ». Recruté par Strømsgodset, ce milieu offensif gaucher s’entraîne avec l’équipe première dès ses treize ans mais doit patienter jusqu’à quinze ans pour connaître ses grands débuts en pro devenant le plus jeune footballeur à avoir jamais joué en Tippeligaen. Onze jours plus tard, il marque son premier but professionnel et entre dans le livre des records du championnat comme le plus jeune buteur de Tippeligaen. Ce phénomène attire les plus grands clubs européens et le Real Madrid le signe en janvier 2015.

Envoyé avec la Castilla dirigée par Zinédine Zidane, Ødegaard continue son apprentissage. Barré en équipe première, le Real le prête successivement à Heerenveen (deux ans), au Vitesse Arnhem et à la Real Sociedad. Toutes ces expériences lui ont permis de s’étoffer physiquement, de prendre de l’assurance et de nous gratifier de plusieurs actions (buts, assists et phases de jeu) de haut vol où sa patte gauche soyeuse fait des merveilles. Ses passages à Arnhem et à San Sebastián sont particulièrement réussis. Martin a démontré qu’il avait assez de qualités pour enfin rejoindre l’effectif du Real Madrid. Mais son contrat arrive à expiration en juin 2021 et un nouveau transfert n’est pas à exclure. En 2014, sa précocité lui permet de battre un nouveau record en devenant le plus jeune international norvégien (15 ans et 253 jours). Après des essais infructueux en 2016 et 2018, Martin voudrait pouvoir disputer sa première compétition internationale avec la Norvège pour démonter toute l’étendue de son talent lors d’un grand tournoi.

Avec notamment ses quatre joueurs mais également d’autres comme Mathias Normann (24 ans, Rostov) et Alexander Sørloth (24 ans, Trabzonspor) ou encore ceux qui pourraient bientôt prétendre à la sélection A, Håkon Evjen (20 ans, AZ Alkmaar) Leo Østigård (20 ans, Brighton), la Norvège dispose d’une nouvelle vague très enthousiasmante. Tous ces jeunes joueurs évoluent déjà à l’étranger et accumulent de l’expérience qui pourrait s’avérer décisive pour la sélection. Cependant, la tâche de Lars Lagerbäck est prépondérante. Il doit créer une alchimie afin de mettre ces individualités au service du collectif car parfois le talent brut ne suffit pas toujours pour briller sur la scène internationale. Quoiqu’il en soit, il est intéressant de suivre les prestations de la Norvège et de ses nouvelles stars.

Lire aussi : Vent nouveau sur la Norvège, publié en juillet 2018.

* La Scandinavie est un ensemble de pays nordiques européens regroupant le Danemark, la Norvège et la Suède.

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