Considéré comme l’un des meilleurs spécialistes du poste, le gardien danois à la stature XXL a longtemps terrorisé ses adversaires mais également ses … coéquipiers. Leader charismatique et respecté, il a contribué à la victoire de sa sélection à l’Euro 92 et aussi à la glorieuse moisson réalisée par Manchester United.

Avec 128 clean sheets en Premier League, Peter Schmeichel était un atout de poids dans une équipe. Et avec son mètre quatre vingt onze et ses cents kilos, le scandinave impressionnait énormément les attaquants. Capable de superbes envolées ou d’arrêts réflexes style handball, Peter s’est hissé jusqu’au plus haut niveau mondial. Un gardien moderne, compétiteur et talentueux à la carrière bien remplie.

Des débuts en amateur avant de rejoindre Brøndby

Né en 1963 à Gladsaxe, dans la périphérie de Copenhague, Peter a des origines polonaises par son père (musicien de jazz) comme son deuxième prénom l’indique : Bolesław, hérité de son arrière grand-père. D’ailleurs jusqu’en 1970, et sa naturalisation, il possède la nationalité polonaise. En 1972, son parcours footballistique débute avec le Høje-Gladsaxe, situé en banlieue de sa ville natale. Rapidement, il démontre certaines facilités pour le poste de gardien en restant invaincu pendant … deux ans et demi. Approché par BK Hero, l’un des plus grands clubs de jeunes au Danemark, il évolue à un plus haut niveau. En 1979, BK Hero fusionne avec Gladsaxe BK pour former le Gladsaxe-Hero BK. Dans son nouveau club, il rencontre son premier mentor en la personne de Svend Aage Hansen, entraineur de l’équipe première et son futur beau-père.

En fin de saison, alors que la relégation en troisième division est déjà acquise, Hansen lance dans le grand bain plusieurs jeunes joueurs dont Schmeichel. Ensemble, ils mettent sur pied un plan de carrière avec pour ambition d’intégrer la sélection nationale prévoyant de passer par Hvidovre, un grand club danois et un départ à l’étranger. La saison suivante, Peter sort une très grosse performance contre Stubbekøbing pour éviter la relégation à l’échelon inférieur. Une prestation séduisante pour Bente, la fille de Svend Aage Hansen descendue des tribunes pour enlacer son héros. En 1984, il rejoint (comme prévu) Hvidovre pendant trois saisons. Au cours de sa deuxième saison au club, il en profite pour … inscrire 6 buts en D1 en venant apporter le surnombre dans la surface adverse quand son équipe était menée. Une statistique surprenante pour un gardien sauf Higuita ou Rogério Ceni.

« J’ai commencé tard, mais je n’ai jamais abandonné. J’avais 23 ans lorsque j’ai signé mon premier contrat à plein temps mais c’était surtout dû au système danois » – Peter Schmeichel

Pourtant, la carrière de Schmeichel a mis du temps avant de décoller vers les sommets du foot mondial. Avant de signer avec Brøndby en 1987, le gardien danois doit pendant six ans cumuler les petits boulots afin de boucler les fins de mois. Tour à tour, il travaille dans une usine de textile, dans une maison de retraite comme agent de service, au World Wildlife Fund (WWF) en tant que directeur commercial, dans l’entreprise de revêtement de sol de son beau-père qu’il quitte rapidement pour préserver ses genoux et enfin dans l’entreprise de publicité appartenant au président de Hvidovre, Niels Erik Madsen. Un parcours hétéroclite et très éloigné de l’habituel schéma suivi par les jeunes footballeurs de nos jours : détection, centre de formation et signature en pro avec son club formateur (ou ailleurs).

Séduit par ses prestations (5ème meilleure défense du championnat avec 40 buts encaissés en 30 matchs) malgré la relégation de son équipe, Brøndby recrute ce portier de 24 ans à la stature imposante. Dès la première saison, Peter contribue au succès du club en D1 avec l’obtention du titre de champion. Sous les couleurs des Drengene Fra Vestegnen (Les garçons de la côte ouest en VF), Schmeichel étoffe son palmarès avec plusieurs titres (cf son palmarès ci-dessous) et découvre les honneurs de la sélection en 1987. Le premier tournant de sa carrière intervient lors de la campagne européenne de 1991 en Coupe UEFA où les danois atteignent les demi-finales de la compétition. Éliminés par la Roma de Rudi Völler, Peter conserve sa cage inviolée à sept reprises. A l’aube de ses 28 ans, il attire enfin l’attention et un départ vers l’étranger lui tend les bras.

Crédit photo : Lars Poulsen Polfoto.

Changement de statut à Manchester United

Ses bonnes performances avec Brøndby tapent dans l’œil de Sir Alex Ferguson. Le manager écossais débourse £505,000 pour le recruter. Une somme qualifiée en 2000 « d’affaire du siècle » par le boss de Old Trafford. Cependant, Schmeichel est encore inconnu en dehors des frontières du Danemark pour la majorité des fans et même de certains de ses nouveaux coéquipiers. Cette arrivée ne suscite donc pas un grand enthousiasme. Sevrés de titres depuis 1967, l’attente est énorme envers Alex Ferguson dont le bilan n’est que d’une FA Cup en 1990 et une coupe des Vainqueurs de Coupes en 1991 après cinq ans de mandat. L’arrivée de Schmeichel coïncide au début de la fantastique mutation de MU en une véritable machine à gagner des titres. Animé d’une très grande force de caractère et d’une mentalité de compétiteur, le danois en impose autant par sa stature que par son leadership naturel pour gérer son back four.

Et si ses défenseurs commettent des erreurs, le scandinave les remet vertement à leur place. Cette exigence permanente envers lui-même et les autres joueurs vont être l’un des facteurs de cette vague de succès. Elle commence dès sa première saison par une victoire en League Cup (la première du club) et une place sur le podium (3ème). L’année suivante, Schmeichel sort 22 clean sheets. La couleur est annoncée. Les 26 ans d’attente s’effacent enfin avec le sacre en Premier League. En 1994, United conserve sa couronne avec une large avance sur Blackburn. Mais les Rovers prennent leur revanche en ravisant le titre en 1995 avec notamment le duo Shearer / Sutton. Pour récupérer son bien, Sir Alex n’hésite pas à incorporer en équipe première la célèbre promotion 92 composée de David Beckham, de Ryan Giggs, des frères Neville (Gary et Phil) et de Paul Scholes pour apporter du sang frais à un groupe en fin de cycle.

« Je suppose que la vraie mesure de son importance pour Manchester United est le fait qu’ils ont éprouvé beaucoup de difficulté à le remplacer quand il est parti en 1999″ – Henning Berg, son ancien coéquipier à MU

À la lutte avec Newcastle, Manchester refait son retard de (jusqu’à – 12 points en février 96) pour s’offrir un troisième trophée en quatre ans. L’édition 1997 reste dans le nord-ouest de l’Angleterre. La concurrence est réduite au silence tant les Red Devils semblent supérieurs au Royaume de Sa Majesté. L’éclosion des Fergie babes n’y est pas étrangère. Pourtant, Arsenal parvient à enrayer la machine en mettant son grain de sel en coiffant United au poteau (78 vs 77 pts). Ce premier succès en Premier League des Gunners lance une période de grande rivalité entre les deux équipes et les deux managers (Ferguson et Wenger). Le point d’orgue de sa carrière mancunienne intervient en 1999 avec ce fameux triplé (PL / FA Cup / LDC) historique venant conclure une saison exceptionnelle pour cette équipe et ces grands joueurs.

Au coude à coude avec Arsenal, l’épilogue s’inverse et cette fois United s’empare du titre avec un point d’avance sur Arsenal (79 vs 78 pts). En Cup, Liverpool, Chelsea et Arsenal, avec notamment un superbe but de Giggs, tombent et Newcastle échoue en finale. Enfin, MU retrouve en finale le Bayern (déjà affronté en poules avec Barcelone) après s’être débarrassé de l’Inter et de la Juventus. Menés 1-0 dès la 6′ (M. Basler), les Red Devils sortent de leur boîte dans le Fergie Time. D’abord, Sheringham puis Ole Gunnar Solskjær offrent la victoire aux anglais (2-1). Après son départ de Manchester United, Sir Alex a galéré pour lui trouver un remplaçant. Pendant six ans, jusqu’à l’arrivée d’Edwin van der Sar, plusieurs portiers se sont succédés dans les buts (dont Fabien Barthez ou Tim Howard) sans donner entière satisfaction. Peter Schmeichel reste une légende à Manchester, considéré par beaucoup comme le plus grand gardien de but du club.

Fin de parcours

À 36 ans, et après huit saisons très productives en Angleterre, Schmeichel quitte son club par la grande porte. Le Sporting CP lui offre deux ans de contrat. Une belle opportunité. Pour sa première année en Primeira Liga, le danois participe à la reconquête d’un titre de champion du Portugal abandonné exclusivement depuis 18 ans aux rivaux de Porto et de Benfica. Lors de sa seconde année à Lisbonne, une stat intéressante souligne le niveau de performance de ce joueur hors norme. En effet, pour la première fois depuis quatorze ans et son arrivée à Brøndby, Peter se classe en dehors du top 2 avec une troisième place. Si en janvier 2001, il annonce son intention d’activer une option de son contrat pour prolonger d’un an supplémentaire, finalement il quitte le club à l’issue de la saison.

En 2001, il retourne en Angleterre. Libre, il s’engage pour une saison avec une autre en option avec Aston Villa. Si son passage à Birmingham ne dure finalement qu’un an, Schmeichel en profite pour devenir le premier gardien à inscrire un but en Premier League lors d’une défaite 3-2 contre Everton. Un petit événement puisque cette situation ne s’est reproduite qu’à quatre reprises depuis avec Brad Friedel en février 2004, Paul Robinson en mars 2007, Tim Howard en janvier 2012 et Asmir Begović en novembre 2013. Graham Taylor, fraîchement arrivé au Villa Park, installe Peter Enckelman au poste de N°1 et Schmeichel sur le banc. Le danois quitte donc le club en fin de saison.

« Tu ne peux pas jouer pour Manchester City. Je suis un fan de United et je ne peux pas jouer pour Manchester City, je ne peux pas jouer pour Leeds et je ne peux pas jouer pour Liverpool. C’est gravé dans la pierre. On ne joue pas dans ces clubs, quoi qu’il arrive » – Gary Neville

En 2002, Peter réemménage à Manchester … mais chez les Skyblues. Ce transfert est particulièrement mal vécu par Gary Neville. Lors du derby, dans le tunnel avant le match, Schmeichel veut saluer son ancien coéquipier et capitaine de United. Mais Neville le snobe royalement. Cela n’empêche pas le danois de préserver son invincibilité lors des derbys mancuniens avec un nul à Old Trafford et une victoire à Maine Road. Et en neuf saisons avec MU, il a toujours été invaincu contre les Cityzens. À l’issue de la saison, Peter met un terme à sa carrière après deux décennies au plus haut niveau.

De rød-hvide

À l’inverse d’autres légendes nordiques du football présentes dans la rubrique rétro, « Terminator » débute directement son parcours international en 1987 avec la sélection A. Convoqué pour la première fois par Sepp Piontek, le coach allemand décide de le prendre pour l’Euro 88. Doublure de Troels Rasmussen au début du tournoi, Schmeichel s’installe comme N°1 contre la RFA et l’Italie (défaites 2-0). Il ne lâchera sa place qu’en 2001 après 129 capes, record national danois. Absent de la coupe du monde 1990, son plus grand succès international intervient deux ans plus tard en Suède à l’occasion de l’Euro 92. Pourtant, le Danemark n’aurait pas dû participer à ce tournoi. Deuxième des qualifications derrière la Yougoslavie, ils bénéficient de l’exclusion des slaves pour les remplacer suite à la guerre dans les Balkans.

Sans préparation, ni pression, les hommes de Richard Møller Nielsen héritent de l’Angleterre, de la France (invaincue en éliminatoires) et du pays organisateur la Suède. Schmeichel réalise des arrêts décisifs contre Cantona et Papin pour arriver jusqu’en demi-finale contre les Pays-Bas. Contre les Bataves, Peter endosse encore le costume de sauveur de la patrie. Après un résultat nul (2-2) après prolongations, il stoppe la tentative de Marco van Basten lors de la séance de tirs au but (5-4) et qualifie le Danemark pour la finale. Progressivement, l’enthousiasme autour de cette sélection de « touristes » est monté crescendo. La proximité avec la Suède a permis une invasion massive de supporters danois. Et pour cette finale contre l’Allemagne, le Ullevi de Göteborg est majoritairement en rouge et blanc. Outsiders, le Danemark et Schmeichel souffrent en début de match.

Peter Schmeichel remporte son face à face contre Marco van Basten lors de la séance de tirs au but pour une place en finale.

« On n’a pas eu à se prendre la tête six mois avant l’Euro en se mettant la pression pour cette compétition, ni à se torturer l’esprit en se disant : « Mince! Est-ce que je serai sélectionné ou non pour cet Euro ? » » – Kim Vilfort

Le gardien garde son équipe à flot notamment en s’imposant dans un face à face avec Reuter. Ensuite, l’ouverture du score par Jensen (18′) dessine un scénario idéal avec une Allemagne portée vers l’offensive et un Danemark jouant parfaitement les contres. En seconde période (78′), Vilfort sur une action individuelle scelle le sort de cette rencontre et les nordiques signent un des exploits les plus retentissants des tournois internationaux. Par la suite, le Danemark échoue à se qualifier pour la coupe du Monde 1994. Les vikings atteignent les phases finales de l’Euro 1996, le Mondial 1998 et l’Euro 2000. Mais ils ne parviennent pas à briller excepté en France où ils rejoignent les quarts de finale et sont éliminés par le Brésil après un super match (3-2) de Brian et Michael Laudrup. En février 2001, il annonce sa retraite internationale et dispute son dernier match contre la Slovénie à Copenhague. Après un dernier clean-sheet (3-0), il reçoit une standing ovation lors de son remplacement à la 65′ par Peter Kjær.

Après carrière

De décembre 1999 à juin 2002, donc avant sa retraite sportive, il devient propriétaire de son ancien club Hvidovre IF. Pour l’instant, il s’agit de son unique expérience dans le monde du football. Cependant, en 2007, un groupe d’investisseurs comprenant l’ancien gardien annonce vouloir reprendre Brøndby, d’investir environ 35M€ et de le nommer directeur sportif. L’offre tombe finalement à l’eau quand le club n’accepte pas de répondre favorablement avant la dead line imposée par les éventuels futurs repreneurs.

« Cela ressemble plus à une campagne touristique qu’à une émission de télévision. C’est surprenant à quel point c’est douloureux de regarder LE Peter Schmeichel du Danemark agir comme figure de proue de Poutine » – tiré du journal Dagbladet Information, quotidien danois.

En 2003, il intègre l’équipe de consultant de l’émission Match of the Day jusqu’en 2005. Puis, lors des matchs de Ligue des champions, il est l’envoyé spécial de la chaîne de télévision danoise TV3+ avec Preben Elkjær Larsen et Brian Laudrup comme experts en studio et collabore toujours ponctuellement sur la BBC. Son activité médiatique ne se résume pas à l’actualité footballistique. Toujours sur la BBC, il participe à la version UK de « Danse avec les stars » et du « maillon faible ». Schmeichel devient aussi animateur télé sur TV3 et Discovery Channel avec des émissions telles que 1 mod 100 ou Dirty jobs. En 2018, son apparition dans The Schmeichel Show de la chaine publique Russia Today est vivement critiquée par les médias danois.


Peter Schmeichel est tout simplement l’un des meilleurs gardiens de tous les temps. Son éclosion tardive lui a permis de jouer jusqu’à 39 ans. Sa technique héritée de son passé de handballeur, ses arrêts réflexes spectaculaires, sa lecture du jeu, sa précision dans le jeu au pied, son goût immodéré pour la victoire, sa ténacité et son énorme palmarès font de lui le meilleur spécialiste scandinave et mondial du genre. Le nom de Schmeichel a perduré en PL avec l’éclosion de son fils Kasper, à son tour gardien et champion d’Angleterre avec Leicester en 2016.

Statistiques :

1984-1986 – Hvidovre IF : 78 matchs, 6 buts

1987-1991 Bröndby : 139 matchs, 2 buts

1991-1999 Manchester United : 398 matchs, 1 but

1999-2001 Sporting CP : 66 matchs

2001-2002 Aston Villa : 36 matchs, 1 but

2002-2003 Manchester City : 31 matchs

1987-2001 – Sélection danoise : 129 matchs, 1 but

Palmarès :

Danemark :

3 Première division : 1987, 1988, 1990

1 Superliga : 1991

1 Coupe : 1989

Angleterre :

5 Premier League : 1993, 1994, 1996, 1997, 1999

3 FA Cup : 1994, 1996, 1999

1 League Cup : 1992

4 Charity Shield : 1993, 1994, 1996, 1997

1 Champion’s League : 1999

1 Super Coupe d’Europe : 1991

1 Coupe Intertoto : 2001

Portugal

1 Primeira Liga : 2000

1 Supertaça Cândido de Oliveira : 2000

Danemark

1 Euro : 1992

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