Véritable tour de contrôle offensive avec son mètre quatre-vingt quinze, John Carew a régné dans le domaine aérien tout au long de sa carrière. Mais au delà de son jeu de tête, l’attaquant norvégien était également un joueur atypique avec une belle finesse technique parfois gâchée par une certaine maladresse devant le but.
En dépit de son physique imposant de « target man« , le norvégien savait aussi se mettre en évidence par des gestes de classe comme des reprises instantanées ou des dribbles chaloupés. Cependant, Carew a connu sa meilleure période en Angleterre. Là où le style de jeu correspondait le mieux à ses capacités techniques et physiques. Retour comme vous en avez l’habitude pour nos articles rétros, sur l’ensemble de sa carrière :
L’éclosion
Comme Henrik Larsson, John Carew est métisse. Né à Lørenskog d’un père gambien, petit pays d’Afrique de l’Ouest, frontalier du Sénégal et doté d’un étroit littoral sur l’Atlantique, et d’une mère norvégienne, il grandit dans cette cité située à quelques encablures de Oslo. Sa ville natale devient le théâtre de ses premiers pas de footballeur. A l’inverse de son père, ancien gardien de but, « Little John » préfère jouer devant, à la pointe de l’attaque. Rapidement, sa réputation de jeune très talentueux atteint la capitale et il rejoint l’un des grands noms du football norvégien : Vålerenga.
Mais les Bohémiens sont un peu tombés dans l’oubli. Ils évoluent en seconde division. Est-ce le fruit du hasard ou un réel impact de sa part mais pour sa première saison dans son nouveau club, Carew et ses coéquipiers obtiennent la promotion dans l’élite, en Tippeligaen. Et ils parviennent à soulever la coupe nationale en 1997. Des débuts rêvés pour John. Cette victoire lui fait découvrir l’Europe via la coupe des Vainqueurs de Coupes. Par la suite, il se montre à son avantage en marquant régulièrement. Ses performances lui permettent d’obtenir un gros transfert (le plus cher de Norvège) vers le rival de Vålerenga.
« Nils Arne Eggen était incroyable. J’ai eu la chance de l’avoir à un moment important de ma carrière. » – John Carew sur son entraîneur à Rosenborg
A Trondheim, avec le Rosenborg Ballklub, le plus grand club du pays de la dernière décennie, Carew doit remplacer le redoutable Sigurd Rushfeldt (parti à Santander). Et le jeune norvégien de 20 ans assure. Il carbure à plein régime et inscrit 19 buts en seulement 17 matchs de championnat et cinq en Ligue des champions. Auteur d’une saison remarquable et remarquée, John veut profiter de l’aubaine pour rejoindre une top team continentale. Avec son physique, le jeu anglais semble le plus adapté. Mais Rosenborg a l’embarras du choix et accepte l’offre de 8M€ du Valencia CF.
L’aventure espagnole
Là encore, Carew est recruté pour venir combler le vide laissé par Claudio « El piojo » López. L’argentin, au style complètement opposé du norvégien, vient de partir vers la Lazio après quatre ans de bons et loyaux services. Malgré cette différence de gabarit et de jeu, et pour sa première expérience hors de ses frontières, son adaptation est bonne. Que ce soit en Liga ou en Champion’s League, le scandinave marque des buts. Et des buts importants comme celui inscrit de la tête à Mestalla contre Arsenal et David Seaman sur un service Jocelyn Angloma, qualificatif pour les demi-finales de la compétitions européennes. Après s’être débarrassé de Leeds, le club « Che » se retrouve en finale pour la seconde fois consécutive.
Les joueurs de Héctor Cúper espèrent un autre résultat que face au Real (défaite 3-0). Mais cette dernière manche de l’édition 2001 face aux Bavarois de Münich n’est qu’une histoire de penalty avec les buts de Effenberg et Mendieta depuis les 11 mètres (1-1 après prolongations) et victoire allemande 5-4 aux tirs au but où John a convertit sa tentative. Ensuite, à titre individuel, de sérieux problèmes physiques dont une grave blessure au genou et un manque flagrant d’efficacité devant le but viennent perturber sa saison suivante. Pris en grippe par ses supporters, il ne trouve le chemin des filets qu’à une seule reprises en quinze apparitions.
« J’ai eu quelques-uns des meilleurs souvenirs de ma carrière à Valence. Nous avions une équipe fantastique à l’époque. Chaque année, nous étions prétendants pour gagner la Ligue des champions, jouant contre les meilleures équipes d’Europe et battant la plupart d’entre elles. » – John Carew
Pourtant, à titre collectif, Valence rafle le titre (le premier depuis plus de 30 ans) au nez et à la barbe de La Corogne, du Real et du Barça. Lors du mercato hivernal de 2002, Fulham se met d’accord avec Valence pour un transfert de 12M€ avant de changer d’avis en raison de ses problèmes médicaux. Les Cottagers sont finalement condamnés à 650 000 € d’amende par la FIFA. Malgré tout, sa dernière année en Espagne est positive. Passé de persona non grata (suite à l’affaire Fulham) à titulaire indiscutable, il est pourtant placé sur la liste des transferts en raison de problèmes avec Rafael Benítez et des difficultés économiques de Valence.
Les autres expériences
Il trouve une porte de sortie en Italie. Une solution temporaire avec ce prêt (avec option d’achat) à la Roma. Après des débuts convaincants, et une adoption express par la Curva Sud suite à une célébration avec un jeune ramasseur de balle, John connaît une période de disette et de méforme. De retour en forme, son aventure romaine prend fin prématurément suite à un accident de la circulation sur la route de Trigoria, le centre d’entraînement de la Roma, endommageant gravement sa Ferrari 575M Maranello et lui causant un coup du lapin. Valence le cède donc au Beşiktaş contre 3,5M€.
En Turquie, sous la direction de Vincente Del Bosque, le solide norvégien s’engage pour trois ans avec le club stambouliote. Malgré de belles prestations d’un point de vue statistique avec notamment 13 buts en 24 matchs de Süper Lig, les bouillants supporters turcs sont déçus par son rendement, jugé insuffisant. Et le sacre de Fenerbahçe n’aide pas à les calmer. Pourtant, il remporte son premier titre du meilleur joueur norvégien de l’année (Kniksen). A nouveau, John change d’équipe et signe avec le club français de Lyon pour 7,5M€.
« J’ai dit dès mon arrivée à Lyon qu’il fallait un autre attaquant, en particulier au centre de l’attaque. Je cherchais un joueur capable d’exprimer des qualités de puissance dans un contexte difficile. Quand le jeu est bloqué au ras du sol, il faut parfois tenter de passer par les airs. Carew peut nous y aider. » – Gérard Houiller
Dans la capitale des Gaules, le norvégien commence bien mais il n’arrive pas à sortir de son rôle de pivot et ne montre que trop rarement son talent. Pris en grippe par les arbitres de L1, ses supporters et ses dirigeants, il glisse dans la hiérarchie des attaquants lyonnais. Et l’arrivée de Fred n’arrange pas ses affaires. Mais suite à une hécatombe en attaque, il est aligné en pointe contre le Real Madrid. Sa puissance physique et sa maîtrise technique éclaboussent ce match européen ponctué d’une astucieuse talonnade face à San Iker Casillas. Mais en janvier 2007, il file à l’anglaise.
Le passage anglais
Recruté par Martin O’Neill et Aston Villa, John arrive enfin en Angleterre après plusieurs tentatives avortées de Fulham (voir L’aventure espagnole) ou de WBA pour le recruter précédemment. Dans l’opération, Milan Baroš prend la direction de Lyon. Grâce aux renforts de ce mercato hivernal, le club de Birmingham assure tranquillement son maintien. Après cette demi-saison d’adaptation, Carew s’installe dans le XI de Villa. Les attentes sont grandes mais il tarde à les satisfaire pleinement. Après un arrêt suite à une blessure à la cuisse, il trouve enfin la bonne carburation.
Le norvégien dépasse ainsi la barre symbolique des 10 buts. Une unité atteinte à trois reprises lors de son séjour avec Villa (13, 11 et 10 réalisations). Sauf lors de sa dernière saison. Mais tout n’est rose pendant son séjour dans la seconde ville du pays. Il écope d’une amende (deux semaines de salaire) pour s’être rendu dans un pub, près d’un club de lap dance, de Birmingham la veille du match de phase de groupes de la Coupe UEFA contre l’Ajax. John est également embêté par plusieurs blessures. Du coup, il perd son statut de titulaire et doit se satisfaire d’un rôle de super sub. Mais avec Birmingham, il égale Rune Bratseth en remportant son troisième Kniksen (Meilleur joueur norvégien de l’année).
« L’arrivée de John Carew nous permet d’améliorer notre effectif et la Ligue des champions doit être une possibilité pour Aston Villa. » – Martin O’Neill
Sa non prolongation de contrat est l’une des causes de son départ de Villa. L’autre étant ses mauvaises relations avec son coach, le français Gérard Houiller. Le 6 juin 2011, il figure néanmoins sur la liste des 50 meilleurs joueurs à avoir porté le maillot d’Aston Villa (50ème). Dans un premier temps, il rejoint Stoke City en prêt. Laissé libre par Aston Villa, Tony Pulis ne lui offre pas de contrat. Carew rebondit à Londres. Dans l’est de la capitale britannique, West Ham vise la montée en Premier League. Mais le grand norvégien n’a pas le rendement offensif attendu. Sous pression, il ne donne pas satisfaction et il est laissé libre à la fin de la saison.
Parcours international
Sélectionné par son pays dès son plus jeune âge, il passe toutes les étapes (U15, U16, U17, U18 et U21) avant de débuter en équipe première le 18 novembre 1998. Au Caire contre l’Egypte (1-1), il remplace Alf-Inge Håland (le père de Erling Braut) au début de la seconde période et devient ainsi le premier joueur noir à représenter la sélection norvégienne. A partir de 1999, il devient titulaire de son équipe. Qualifiés pour l’Euro 2000, les Vikings chutent lors de la phase de groupe malgré une victoire de prestige contre l’Espagne. Le jour de ses 22 ans, il reçoit le prix Gullklokka. Cette distinction est décernée à tous les joueurs norvégiens atteignant les 25 sélections en équipe nationale.
Pas qualifié pour la coupe du Monde 2002, Carew est suspendu par sa fédération (en 2003) pour une bagarre avec son coéquipier John Arne Riise. Cet épisode, devenu célèbre en Norvège sous le nom de Slagen i Drammen (en français, bataille de Drammen), lui a coûté 6 mois de suspension. Cela aurait pu être encore plus long sans le changement de sélectionneur national (Nils Johan Semb remplacé par Åge Hareide) et une longue explication avec le capitaine norvégien. En dépit de nombreuses tentatives, la sélection nordique reste absente des compétitions internationales comme le Mondial 2006, 2010 et les championnats d’Europe 2008, 2012.
« La puissance brute dont il dispose et ce qu’il émet lorsqu’il entre sur le terrain sont importantes pour l’équipe nationale. » – Åge Hareide
En treize ans sous le maillot des Løvene, John Carew compte 91 capes et 24 réalisations. Cela le place à la cinquième position du classement des joueurs les plus capés de l’équipe nationale norvégienne, seulement devancé par Erik Thorstvedt (97), Henning Berg (100), Thorbjørn Svenssen (104) et John Arne Riise (110). Et à la quatrième position du classement des buteurs. Si Harald Hennum (25), Einar Gundersen (26) et Jørgen Juve (33) sont sur le podium (tous ont évolué entre 1917 et 1960), Carew est le meilleur buteur de l’ère moderne devant l’entraîneur de Manchester United : Ole Gunnar Solskjær (23) et Tore André Flo (23).
L’après carrière
Après l’épisode West Ham, il tente une dernière aventure en Italie à l’Inter Milan mais l’essai est jugé non concluant en février 2013. En octobre de la même année, John décide de raccrocher les crampons définitivement. Et l’ancien goleador scandinave change complètement d’orientation. Il se lance dans une carrière … d’acteur. Pour ses débuts, il incarne Igor dans le film d’action « Høvdinger ». Ce rôle lui permet de se faire repérer pour la suite de son parcours d’acteur.
« L’intérêt pour le football s’est essoufflé pendant que je jouais. Au début de ma carrière, j’ai vu beaucoup de football, regarder les adversaires mais je n’ai pas gardé la passion. Et puis je n’ai plus le temps pour cela. » – John Carew
Par la suite, il décroche le rôle de Michael, un footballeur professionnel, dans la série « Heimebane », diffusée par la plus grande entreprise de médias en Norvège NRK. Et en 2020, il sera à l’affiche du prochain Disney « Maléfique 2 », aux côtés de stars mondiales comme Angelina Jolie et Michelle Pfeiffer. Un rôle secondaire mais avec une exposition importante. Acteur reconnu, producteur de film et même un homme d’affaires, le quadragénaire n’a pas raté son après-carrière de sportif.
Statistiques :
1997-1999 – Vålerenga Fotball : 43 matchs, 19 buts
1999-2000 – Rosenborg BK : 17 matchs, 19 buts
2000-2004 – Valencia CF : 84 matchs, 20 buts
2003-2004 – AS Roma : 20 matchs, 6 buts
2004-2005 – Beşiktaş J.K. : 24 matchs, 13 buts
2005-2007 – Olympique Lyonnais : 35 matchs, 5 buts
2007-2011 – Aston Villa : 113 matchs, 37 buts
2012-2014 – Stoke City : 10 matchs, 1 but
2014-2015 – West Ham United : 19 matchs, 2 buts
Palmarès :
2 Coupe de Norvège : 1997, 1999
1 Tippeligaen : 1999
1 Liga : 2002
1 Ligue 1 : 2006
2 Trophée des Champions : 2005, 2006
1 play-offs Championship : 2012
3 Kniksen Award : 2005, 2007, 2008
Est-il aussi grand que Peter Crouch ?